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Israël au risque du bilan environnemental de la guerre

Joseph Masson
27 juin 2024
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Israël au risque du bilan environnemental de la guerre
Construction d'une route dans un wadi à la frontière avec le Liban pour le passage des engins militaires israéliens © Direction de la Nature et des Parcs

La guerre initiée le 7 octobre engendre son lot de tragédies : morts, blessés, déplacés dans les deux camps. D’autres conséquences, écologiques celles-là, se profilent qui toucheront de nouveau toutes les populations.


Depuis le début du dernier conflit, dans une tentative éperdue de protéger son peuple, Israël fait face à un nouveau problème, celui des conséquences environnementales de cette guerre inédite dans son ampleur et sa durée. De nombreuses forêts sont réduites en cendres, des dégâts sont infligés aux réserves naturelles et une pollution irréversible s’installe. Depuis le 7 octobre, l’écologie de la région est réellement mise en danger.

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Dans ce qu’on appelle l’enveloppe de Gaza, qui borde la Bande, comme dans la zone frontalière avec le Liban, les nouvelles routes construites pour le transport des chars de combats israéliens n’ont pas pris en compte les conséquences environnementales. Sur le passage des blindés, de nombreuses réserves naturelles, ainsi que des zones de nature ouverte ont été endommagées voire détruites.

Il ne s’agit pas seulement de quelques champs labourés par les chenilles des tanks. D’après le quotidien Haaretz, qui cite un rapport de l’Autorité de la nature et des parcs, plusieurs cours d’eau comme l’Aviv et le Dishon, sont obstrués par les digues créées mettant en péril la survie de la faune et de la flore. L’activité militaire israélienne endommage aussi le plan d’eau naturel du Birket Man sur la crête du mont Hermon, lieu de tourisme populaire et source d’eau pour le Nord d’Israël.

Si les sols sablonneux aux abords de la bande de Gaza se remettront plus facilement des saignées créées pour le passage des chars, il n’en va pas de même des terrains rocailleux du nord.

⇓ Vidéo de la Direction israélienne de la Nature et des Parcs  ⇓

Par ailleurs, le conflit est la cause de nombreux feux de forêt de part et d’autre de la frontière avec le Liban. D’après le site du NPAR (National parcs and nature reserves), en Israël depuis janvier 2024, 60 000 dunams ont été brulés, soit 60 km ², dont 45 000 dunams dans les deux premières semaines de juin. La canicule qui sévit n’est pas la cause de ces incendies, mais les tirs de roquettes en provenance du Liban.

On estime à 4400 le nombre de projectiles tirés en direction du territoire israélien depuis le 7 octobre. Toutefois, les régions les plus concernées par les incendies sont le Nord de la Galilée, ainsi que le Golan.

En Israël depuis janvier 2024, 60000 dunams ont brulé, soit 60 km²

Le sud n’est pour autant pas épargné par les incendies. Les forêts de Zikim et Karmiyya, classées réserves naturelles, au nord de la bande ont été la proie des flammes à la suite de rafales de roquettes provenant de la bande de Gaza.

D’après le NPAR, 50% des dégâts infligés le seraient sur des réserves naturelles, des régions protégées pour la rareté de leur écosystème.

Cependant cette guerre n’affecte pas la seule écologie israélienne.

Un char israélien vu près de la frontière israélienne avec la bande de Gaza, le 26 mars 2024. © Chaim Goldberg/Flash90

Les rapports sur le niveau de destruction de la bande de Gaza peignent une situation catastrophique. Environ 37 millions de tonnes de gravats doivent être déblayées, un processus qui pourrait prendre jusqu’à 14 ans pour être complété. Parmi ces gravats, environ 800 000 tonnes contiennent de l’amiante et d’autres contaminants dangereux, ce qui complique encore davantage le nettoyage et la reconstruction.

Une grande partie des terres agricoles de Gaza a été détruite. Les estimations indiquent que plus d’un tiers de ces terres ne sont plus utilisables pour la culture.

D’après le Bulletin of the Atomic Scientists, la guerre a également exacerbé les problèmes environnementaux existants tels que la sécheresse, la chaleur extrême et l’élévation du niveau de la mer, menaçant encore davantage l’écosystème déjà fragile de Gaza.

Selon l’ONU, plus de 300 000 tonnes d’ordures se sont accumulées à Gaza depuis le début de la guerre. Détritus près de la mer à Deir al-Balah, au centre de la bande de Gaza, le 20 juin 2024. © Abed Rahim Khatib/Flash90

La destruction des habitats naturels et la pollution des sols et des sources d’eau ont probablement causé des dommages importants à la faune et la flore locales.

Une situation non sans répercussion en Israël vers lequel s’échappent des hordes de chiens sauvages. On estime que plus de 1000 chiens sauvages ont envahi le territoire israélien par les brèches créées dans le mur. Cité dans Haaretz, Kobi Sofer, inspecteur pour l’Autorité des Parcs et de la Nature explique qu’ils ne seraient pas contaminés mais pourraient véhiculer des maladies ou être une menace pour la faune locale.

Les chiens s’en prennent aux biches des bois environnants et s’attaquent aussi en groupe aux soldats de l’armée israélienne. Les responsables de réserves naturelles ne peuvent pas agir sans l’accord du ministre de l’agriculture et de la protection de l’environnement, ce qui rend cette tâche difficile à gérer.

Une étude du Social Science Research Network estime que 281 000 tonnes de dioxyde de carbone ont été rejetées dans l’atmosphère au cour des 60 premiers jours du conflit, du fait des bombardements israéliens sur Gaza.  L’équivalent des émissions annuelles de plus de 60 000 voitures ou la combustion de plus de 118 millions de litres d’essence ou la destruction de plus de 1 400 hectares de forêt tropicale.

Six mois de bombardements sont venus ajouter à ce bilan carbone dommageable pour la planète toute entière.

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