Avant d’aborder la période des relations directes entre les Arméniens et Rome, nous ferons quelques remarques préalables. Une fraction de l’Église arménienne, dès le début, manifesta sa fidélité au concile de Chalcédoine, restant unie à l’Église grecque qui, comme on le sait, fut elle-même en communion ecclésiale avec Rome jusqu’au schisme de 1054.
Mais c’est la période des croisades qui permit de définir, vis-à-vis de Rome, un lien qui avait été rompu avec le patriarche de Constantinople, mais pas vraiment avec le pape, que des pèlerins, au-delà de leur visite aux tombeaux des saints Pierre et Paul, allaient saluer.
Le précurseur de l’œcuménisme fut, au XIIe siècle, le catholicos saint Nersès le Gracieux qui admit (devant les Grecs) que l’Église arménienne n’était pas monophysite.
Les travaux de Jean Richard, éminent spécialiste de l’Orient latin, montrent que, comme les autres Eglises orientales en relation avec les États des croisés, les catholicos de l’époque du royaume de Cilicie furent en communion avec le siège de Rome, de la fin du XIIe au début du XVe siècle.
La communion ecclésiale de l’Église arménienne avec Rome n’excluait ni les tensions (avec une partie du peuple et du clergé), ni les équivoques, mais fut réelle, même si elle ne dura pas comme celle des Maronites du Liban.
En 1440, les délégués du catholicos Grégoire IX Mousabêgiants au concile de Florence rétablirent brièvement l’Union.
La persécution, à la fin du XVIIe et dans les premières décennies du XVIIIe siècle, fut le fait de certains patriarches arméniens de Constantinople, soumis, dans la capitale, aux pressions directes du gouvernement ottoman et qui utilisèrent le pouvoir civil, non-chrétien, pour persécuter les Arméniens fidèles au concile de Chalcédoine et témoignant de leur communion ecclésiale avec le siège de Rome. C’est le patriarche Awédik’, qui déchaîna la persécution, provoquant l’exil de Mekhit’ar – fondateur de la Congrégation Mekhit’ariste à Venise.
Ne pouvant plus fréquenter ni les églises arméniennes où, contre leur conscience, ils auraient dû anathématiser le concile de Chalcédoine, ni les églises latines, par crainte d’être dénoncés comme « Francs », les Arméniens en communion avec le pape allaient être acculés à se constituer en hiérarchie indépendante.
Les catholiques aussi bien que les apostoliques, les notables et les membres du clergé engagèrent des négociations laborieuses en 1701, 1703 et 1714 pour trouver une solution viable basée sur des concessions mutuelles. Même le Saint-Siège fit des concessions sur certains points de la fameuse question de la Communicatio Sacris. Toutes les tentatives furent vaines.
Parmi les Arméniens catholiques, l’idée d’avoir leur propre patrik (patriarche) et de se faire reconnaître comme communauté autonome faisait son chemin.
En 1740, les Arméniens catholiques d’Alep passèrent à l’action. Trois évêques, le clergé et les fidèles élirent l’archevêque de cette ville, Mgr Abraham Ardzivian, comme catholicos – patriarche sur le siège de Sis qui était vacant en cette année. Mgr Ardzivian entreprit le voyage à Rome en 1741. Il y trouva très bon accueil, fit sa profession de foi, et le pape Benoît XIV, confirma son élection et lui conféra le pallium en signe de communion avec le siège de Rome.
Rentré au Liban, Mgr Ardzivian s’installa dans le couvent des moines arméniens antonins. Inutile de dire que le patrik de Constantinople et le gouvernement ottoman ignorèrent l’élection de Mgr Ardzivian. Hakob-Pétros II, élu patriarche en 1749, entreprit la construction du couvent de Bzommar où il transféra le siège patriarcal où il demeure jusqu’à aujourd’hui sauf durant les années génocidaires. Néanmoins, l’administration est désormais à Beyrouth même.
Dernière mise à jour: 21/11/2023 10:03