Une des richesses des Églises orientales réside dans leur collégialité. C’est-à-dire que la prise de décision est moins le fait d’un homme qu’un discernement collectif. En cela, elles nous rapprochent de l’Église apostolique, l’Église des apôtres qu’on voit se réunir dans les Actes des Apôtres pour décider d’un nouveau service, le diaconat (Ac 6, 1-6) ; discuter – même de façon houleuse – du bien fondé de la circoncision des païens qui reconnaissent Jésus comme Messie (Ac 15, 5-12). Certes on voit aussi Pierre prendre des décisions tout seul, puis s’en justifier jusqu’à obtenir l’adhésion des fidèles (Ac 11, 1-18).Bon an mal an, les Eglises orientales plus que l’Église latine (ce n’est pas lui faire offense que de le dire) ont gardé cette tradition de discussion et d’élection. Cela se vérifie aussi dans la nomination des patriarches et des évêques qui sont élus par le synode de leur Église.
En allant à la rencontre des chrétiens d’Orient, des Églises orientales catholiques, cette divergence de tradition ressort toujours à un moment ou à un autre de la discussion. En schématisant, les Orientaux pensent que la plus grande difficulté du dialogue fraternel avec l’Église qui est à Rome, et son représentant, voire un inconvénient majeur à l’unité entre catholiques, c’est que l’Église latine et l’évêque de Rome décident de tout et pour tous. Ce qui ne manque pas de générer des tensions.
Paradoxalement, c’est en découvrant la collégialité des Eglises d’Orient que je ne me choque pas du fait que, dans leurs liturgies, le prêtre célèbre, le plus souvent, la messe « dos au peuple ».
Le jour où la photo de couverture a été prise, l’évêque ne m’a pas paru me tourner le dos, mais il me semblait que nous regardions plutôt dans la même direction et que notre prière avait le même sens. Il resta les bras levés durant des longues minutes assez longues pour me faire sentir l’intensité de sa prière et me donner une distraction : « Ce que ça doit être dur pour les vieux prêtres ! »
Dite en arménien, je ne comprenais pas un traître mot de la prière mais je me sentais participer, communier. Moi aussi j’implorais, j’appelais, j’invoquais le Seigneur. Le prêtre était à la tête et m’entraînait au point que je pensais à ces mots de saint Pierre « Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2, 9). Pas de revendication à la prêtrise de ma part, mais la certitude que là où je suis, ma vocation est dans le sacerdoce royal, est d’être membre de la nation sainte, est de proclamer ses louanges, être dans l’imitation du Christ, pas comme est amené à le faire un prêtre mais juste en faisant mon travail de tout mon cœur.
Plus tard j’eus l’explication de ce moment. Tandis que Mgr Minassian levait les bras, le chœur chantait « Saint, Saint, Saint est le Seigneur » et l’évêque se tenait spirituellement sur la croix avec le Christ, le remerciant de participer à son sacrifice et d’avoir été jugé digne de le faire advenir dans les espèces du pain et du vin.
Dernière mise à jour: 21/11/2023 10:03