La piété n’a pas que du bon
Les pèlerins de Saint Pierre de Rome le savent quand ils regardent la statue de bronze du premier pape : la piété des fidèles est corrosive et le pauvre pied droit de l’apôtre fond littéralement sous les caresses ! Il aura fallu sept siècles pour que les mains des fidèles viennent à bout des orteils coulés dans le bronze au XIIIe siècle.
Il n’y a pas de statue dans la basilique de la Nativité. Parce qu’il n’y a pas de statue dans la tradition orientale. Pourtant, là aussi la piété des fidèles a des effets dévastateurs. C’est un marbre, très vraisemblablement du VIe siècle, qui à force d’accueillir les genoux, ou les pieds des pèlerins – il en sera passé 1,5 million en 2010 – a fini par se percer.
Les pèlerins allaient-ils avoir la présence d’esprit de faire attention ? Que nenni ! Leur piété, jamais rassasiée, leur fit mettre, nouveaux saints Thomas, le doigt dans ce flanc percé de la basilique. Avec un peu de chance touchaient-ils la terre qui avait vu naître leur Sauveur ?
Un mois après leur passage, le malheureux présage des experts scientifiques s’avère : c’est la foi des fidèles qui aura raison de la basilique, pas l’usure du temps. Pour parer à l’urgence et palier les pieuses tentations, le trou a été comblé en attendant de trouver une solution pour conserver le marbre d’origine.
La basilique a été numérisée en 3D
Il a fallu une semaine pour que ce scanner (à gauche) balaie toute la basilique et toutes ses dépendances. On l’a mis dans 260 positions différentes. Chaque position balayée restitue l’édifice en temps réel en le dessinant sur un ordinateur à l’aide de points. Pour une position ce sont 2 à 3 millions de points qui s’inscrivent sur l’écran (à droite une partie de la grotte de saint Joseph).
La marge d’erreur est de moins d’un centimètre.
Ce travail pourra un jour être exploité pour permettre de réaliser une visite virtuelle de la basilique. Reste à assembler les millions de points entre eux et à les habiller de photos prises à 360 degrés. Ce n’est pas si long, c’est juste onéreux.
Le toit de la Nativité
Le toit de la Nativité. Parce que la Nativité a bel et bien un toit ! Son rude aspect extérieur de forteresse le fait oublier. Et la plupart des pèlerins, dans leur hâte d’accéder à la grotte sainte,
ne pensent pas à lever les yeux vers le ciel. Vu depuis le clocher du couvent franciscain, le toit, source de toutes les attentions actuelles, révèle bien la forme de croix d’une basilique romaine. L’édifice a une longueur totale de 53,90 mètres, et sa largeur est de 26,15 mètres dont 10,25 m pour la nef.
Sous les échafaudages : la charpente
De quand date la charpente ? Les doutes subsistent sur l’âge de la charpente qui devraient être levés grâce aux études scientifiques. Vraisemblablement elle daterait de 1672. Pendant la guerre entre l’empire ottoman et la République de Venise, les lames de plomb de la toiture disparurent. Les eaux de pluies s’infiltraient partout, ruinant la charpente et les mosaïques latérales. La guerre terminée les Grecs furent autorisés à réparer la toiture à leurs frais. Cette restauration fut achevée en 1672. Il ne semble pas qu’il y ait eu depuis de travaux substantiels réalisés sur la charpente tandis que la couverture du toit a été elle « rafistolée » à plusieurs reprises.
Bouleversement pour les pèlerins
La dernière fois que la basilique avait été d’un accès si difficile – à l’exception de la période de siège en 2002- c’était en 1934 lors des fouilles qui avaient mis à nu toute la nef centrale pour en découvrir les mosaïques byzantines. Mais en 1934, le tourisme à Bethléem n’était pas de masse tandis qu’en cette année de records et durant la période où les échafaudages furent installés, ce sont 5 000 à 10 000 personnes par jour qui désiraient se rendre à la grotte et se pressaient dans une file d’attente allant parfois jusque sur le parvis de la basilique en passant par le cloître saint Jérôme.
La grotte étayée
Par mesure de sécurité, durant la période où la basilique était couverte d’échafaudages la grotte avait éte étayée d’autant que la longue file indienne des pèlerins désireux de s’y rendre stationnait des heures durant à la même place, juste au-dessus. Or les scientifiques sont catégoriques, le poids des visiteurs entraîne des affaissements localisés de l’édifice.
Les colonnes peintes au XIIe siècle
Les années passant, les peintures des colonnes continuent doucement de disparaître sous la poussière (les chapiteaux noirs sont en réalité de marbre blanc). Ces peintures à cire chaude représentent une série de saints dont Macaire, Antoine, Léonard, Côme, Damien, le roi Canut du Danemark, le roi Olev de Norvège, Etienne, Jean Baptiste, Marguerite, Fusque etc. Dans cette suite de saints sont intercalés d’autres sujets tels que la Vierge qui allaite, la Crucifixion, une Vierge à l’enfant. Le choix des sujets occidentaux et orientaux ainsi que le style prouvent que ces peintures remontent probablement au XIIe siècle. Sur cette photo c’est saint Théodose.
Dernière mise à jour: 21/11/2023 12:20