Interview de Louise Haxthausen, directrice du siège de l’Unesco à Ramallah «Être sur la liste du Patrimoine de l’Humanité impliquerait une reconnaissance internationale de l’importance culturelle et historique de la basilique de la Nativité »
L’Autorité Nationale Palestinienne a officiellelemnt demandé à l’Unesco l’inscription de la basilique de la Nativité et de la route des pèlerins à la liste du Patrimoine de l’Humanité. Comment cette initiative est-t-elle née ?
L’initiative de présenter le dossier intitulé « Le lieu de la naissance de Jésus : la basilique de la Nativité et la route des pèlerins à Bethléem » est née de l’Autorité Nationale Palestinienne. Le processus d’inscription sur la liste du Patrimoine de l’Humanité est toujours un processus national ; nous-mêmes en tant que représentants de l’Unesco, nous n’avons collaboré que sur le plan pratique. La première étape, comme pour toutes les demandes, consista en la préparation d’une liste provisoire. Ce document contient le descriptif de tous les lieux que tôt ou tard, l’Autorité Nationale Palestinienne voudrait voir inscrits sur la liste du Patrimoine de l’Humanité. Le siège de l’Unesco ici à Ramallah a aidé de manière technique le Ministère du Tourisme et des Antiquités à préparer la liste qui en tout présente une vingtaine de sites que l’Autorité Nationale Palestinienne souhaite inscrire sur la liste du Patrimoine.
Qu’entendez-vous exactement par inclure la route des pèlerins ?
Il s’agit du trajet qui va du début de la rue de l’Etoile de Bethléem jusqu’à la Place de la Mangeoire où se trouve la basilique de la Nativité.
Et, des vingt sites possibles, pourquoi la basilique de la Nativité fut-elle choisie ?
Il va de soi que la basilique de la Nativité devienne le premier site qu’ils désirent voir inscrit sur la liste du Patrimoine de l’Humanité. Je veux dire par là qu’il s’agit d’un lieu très significatif pour des milliers de personnes à travers le monde… et tel est justement le principe du Patrimoine de l’Humanité. Je crois que cet argument décida l’Autorité Nationale Palestinienne à entamer le processus d’inscription. Pour cela, il a fallu rédiger le dossier de nomination, qui est un document qui apporte une information très détaillée sur l’importance du sens de la basilique de la Nativité, en plus de données sur les différentes mesures prises par l’Autorité pour la conservation du lieu.
Quels sont les critères décisifs qui feront qu’un lieu sera inscrit ou non sur la liste du Patrimoine de l’Humanité ?
C’est le Comité du Patrimoine Mondial qui prend la décision finale déterminant si un lieu proposé fera ou non partie de la liste. Au moment d’analyser le dossier fourni par l’Etat signataire sur le lieu que ce dernier souhaite inscrire sur la liste du Patrimoine de l’Humanité, l’attention est portée tout particulièrement sur la capacité et l’investissement sur le dit Etat compte mettre pour la conservation du site en question.
Que signifierait pour la basilique de la Nativité de figurer sur la liste ?
Cela supposerait une reconnaissance internationale du sens de ce lieu. Il s’agit en même temps de la part de l’Etat signataire qui a proposé l’inscription du lieu sur la liste, d’un engagement pour la conservation du site en accord avec les normes internationales. En outre, évidemment, pour bien des sites, faire partie du Patrimoine génère une croissance de l’activité touristique et le rend plus attractif par exemple; bien qu’il me semble que ceci ne soit pas applicable à la basilique de la Nativité, étant donné que dans ce cas il s’agit davantage de la reconnaissance de ce qu’est la basilique de la Nativité en tant que telle.
Le caractère spirituel de la basilique de la Nativité a-t-il été pris en compte au moment de commencer le processus d’inscription ?
Oui, bien sûr. Il s’agit de faire reconnaître son importance historique et culturelle, et derrière la signification culturelle se trouve évidemment un élément plus important encore : la basilique de la Nativité est l’église qui probablement connaît une des plus importantes traditions continues de pratique religieuse au fil des siècles.
Au moment d’entamer le processus d’inscription, avez-vous pris en considération le rôle que les Eglises grecque-orthodoxe, arménienne et catholique romaine détiennent en tant que gardiennes et administratrices des Lieux saints ?
En plus d’une lettre du Président de l’Autorité Nationale Palestinienne Mahmoud Abbas demandant l’inscription de la basilique de la Nativité pour représenter l’Etat Palestinien, le dossier de nomination de la basilique de la Nativité et de la route des pèlerins est constitué aussi des trois lettres des trois patriarches, grec, arménien et catholique romain, lesquelles approuvent ce dossier. De fait, ces lettres représentent la partie principale du dossier.
Si la basilique de la Nativité en venait à être inscrite sur la liste du Patrimoine de l’Humanité, quelles seraient les conséquences pour les Eglises gardiennent du site et pour les couvents adjacents ?
En réalité, la vie suivrait son cours. Le Statu Quo qui existe actuellement serait toujours observé, sur ce point rien ne changera. L’unique différence est qu’un suivi international se mettrait en place à travers un système de contrôle, c’est-à-dire que tous les ans un rapport sera rendu au Comité du Patrimoine Mondial. Pour les habitants de Bethléem, les pèlerins et les touristes, tout continuerait comme jusqu’à aujourd’hui. Le seule chose qui changerait est que le siège de l’Unesco de Ramallah réaliserait un travail de contrôle de l’état de conservation du site.
Quel fut le rôle du siège de l’Unesco à Ramallah durant ce processus d’inscription initié par l’Autorité Nationale Palestinienne ?
Comme vous le savez, la Palestine n’est toujours pas un État reconnu par les Nations Unies, donc une des fonctions clés de notre travail est d’aider les autorités palestiniennes à se préparer pour se convertir en un État, et ce à travers certains secteurs décisifs selon l’Unesco. Nous sommes ici pour les aider à se préparer afin qu’un jour ils soient membres de la Convention du Patrimoine Mondial. Pendant le processus d’inscription de la basilique de la Nativité, le rôle de l’Unesco s’est limité à soutenir sur le plan technique et à apporter les connaissances dont nous disposons en tant qu’experts en Patrimoine, comme par exemple tout ce qui est relatif aux critères de conservation d’un patrimoine etc. Ainsi, nous avons travaillé avec le Ministère du Tourisme et des Antiquités à l’élaboration du dossier de nomination, un document assez complet sur la basilique de la Nativité et la route des pèlerins.
En quoi le fait que la Palestine ne soit pas un Etat affecte-t-il le processus d’inscription ?
Le problème ici est que tant que la Palestine n’est pas un Etat, le Comité du Patrimoine Mondial ne peut ni recevoir ni considérer le dossier de nomination de la basilique de la Nativité et de la route des pèlerins. Le dossier sera pris en compte lorsque la Palestine sera un Etat. Pour cette raison, je crois que l’initiative de l’Autorité Palestinienne est également un message qui marque une étape pour la reconnaissance de l’Etat Palestinien, bien que je croie qu’il s’agit aussi d’un message plus technique sur l’importance de la basilique de la Nativité et sa conservation.
Sommes-nous en train de parler de politique ou de culture ?
Nous parlons indéniablement des deux. Il y a d’une part l’argument culturel pour la conservation de ce site important qu’est la basilique de la Nativité, et d’autre part la position de l’Autorité Palestinienne qui a pour stratégie d’utiliser cet argument à des fins politiques, mais il s’agit là de sa décision et je ne crois pas devoir me prononcer à ce sujet.
La ministre palestinienne du Tourisme a annoncé clairement lors d’une conférence de presse que le processus d’inscription de la basilique de la Nativité sur la liste du Patrimoine de l’Humanité « faisait partie de la campagne pour mettre fin à l’occupation israélienne et asseoir les bases des institutions de l’Etat Palestinien ». L’Unesco et la liste du Patrimoine de l’Humanité seraient-elle utilisées ici à des fins politiques ?
En tant qu’organisme des Nations Unies, nous soutenons la solution à deux Etats et nous travaillons avec l’Autorité Palestinienne, non pas dans cette dimension politique mais d’un point de vue technique, afin d’assurer que les institutions palestiniennes soient totalement préparées pour assumer et prendre les rênes de leur propre Etat Palestinien. Pour cette raison, je le répète, il y a bien là une question politique sur laquelle nous ne formulons aucune opinion, la décision finale est entre les mains de la communauté internationale qui votera à ce sujet.
La Palestine reconnue à l’ONU ?
En septembre 2011, lors de la session de l’Assemblée générale de l’Onu, les Palestiniens envisagent de solliciter la reconnaissance internationale d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 et son adhésion aux Nations unies en tant que membre à part entière.
Cette demande devrait néanmoins avorter du fait du veto que l’Etat américain ne manquera pas de mettre à cette résolution, comme l’a laissé entendre le Président Obama courant mai.
En tout 20 sites répartis dans différentes régions des Territoires Palestiniens font partie de la liste provisoire des lieux qui un jour pourront se voir inscrits sur la liste du Patrimoine de l’Humanité. La liste provisoire, préparée par le Ministère Palestinien du Tourisme et des Antiquités en collaboration avec le siège de l’Unesco à Ramallah, commence par la basilique de la Nativité et la route des pèlerins, mais quels sont les dix-neuf autres sites ?
1. L’ancienne Jéricho : Tell es-Sultan
2. La vieille ville d’Hébron, Al-Khalil, et ses alentours
3. Le mont Garizim et les Samaritains
4. Qumran : les grottes et le monastère des manuscrits de la Mer Morte
5. El-Bariyah : la nature et les monastères
6. La Mer Morte
7. Palestine, terre d’oliviers et de vignes
8. Les chemins religieux de la Terre Sainte
9. Wadi Natuf et la grotte de Shuqba
10. Les palais Omeyyades
11. La vieille ville de Naplouse et ses alentours
12. Qanat es-Sabeel (les aqueducs de Jérusalem)
13. Tell Umm Amer
14. Les “Throne villages”
15. Sébaste
16. Le quai Anthedon
17. Les routes commerciales
18. La forêt de Umm al-Rihan
19. Les zones côtières humides du wadi de Gaza
Dernière mise à jour: 30/12/2023 00:31