C’est une des constructions les plus anciennes de la ville de Jérusalem qui n’a jamais été ni détruite ni ruinée, elle a 2700 ans pourtant rares sont les touristes et pèlerins qui la connaissent en dépit de sa taille impressionnante dans l’enceinte même de la vieille ville de Jérusalem. À la découverte de la piscine d’Ezéchias.
Un édifice soustrait aux regards
Si la piscine d’Ezéchias, pourtant située porte de Jaffa, est si largement méconnue des touristes et pèlerins c’est qu’elle n’est pas d’un accès facile.
À moins de connaître quelqu’un vivant dans l’une des maisons qui la bordent et la soustraient aux regards, pour la voir il fallait, jusqu’à un passé récent, soit avoir réservé une chambre dans l’hôtel Petra soit soudoyer l’hôtelier afin d’avoir accès à la terrasse. Depuis mai 2010, grâce à la communauté grecque orthodoxe et à la passion de Nora Kort pour faire vivre le patrimoine chrétien palestinien, le petit balcon du Wujoud (Existence) Museum offre une vue imprenable sur le bassin. L’entrée du musée se trouve dans le souk qui prend porte de Jaffa, à une vingtaine de mètres sur la gauche. Au premier plan droit de la photo, l’hôtel Petra, porte de Jaffa, qui a achevé de cerner la piscine de bâtiments. En médaillon l’écriteau d’entrée du musée grec orthodoxe.
Taille et capacité
Le bassin mesure 43 mètres sur 73 soit (presque) la taille d’un petit terrain de football (la taille minimale d’un terrain de foot étant de 45 mètres sur 90. On estime sa capacité à 11 000 000 de litres. Le fond de la piscine est la roche même de la ville. Cliché pris entre 1890 et 1900 et colorisé.
Histoire
La construction de la piscine est attribuée au roi Ezéchias, 13e roi du royaume de Juda qui régna 29 ans, de -716 à -687. Le roi Ézéchias est connu pour avoir construit une partie des murailles de la ville mais aussi des citernes et des piscines à l’usage des habitants. Aucune fouille archéologique sérieuse ne semble jamais avoir été faite du bassin.
Il est vrai qu’il fut en eau (au moins l’hiver) jusqu’à la moitié du XXe. Néanmoins la découverte de l’arrivée d’un aqueduc dans son angle sud ouest permet de penser qu’il est relié au bassin de Mamillah situé lui dans l’actuel jardin de l’indépendance rue Gershon Agron.
Initialement construit en dehors des murs de la ville, la construction de nouvelles murailles à la fin de la période du Second Temple l’intégra à la ville.
Maquette de Jérusalem durant la période byzantine, elle permet de situer l’emplacement de la citerne par rapport au Saint Sépulcre. Cette maquette se trouve à Saint Pierre en Gallicante chez les Assomptionnistes.
Piscine d’Ezéchias ou bassin du bain du Patriarche
C’est sous Juvénal évêque puis patriarche de Jérusalem de 422 à 458 que le bassin prit le nom de bassin du bain du patriarche, en arabe Birket hammam al-Batrak, nom sous lequel il est encore connu dans la ville quand bien même il fut appelé Birket l’Ad du temps de patriarche Sophronius (638). La piscine reprit son nom de bassin du bain du patriarche durant les croisades alors que les chrétiens s’étaient installés majoritairement dans le Muristan à l’actuelle rue des chrétiens qui borde le bassin à l’Est. Il devint propriété du waqf musulman à la prise de Jérusalem par Saladin mais conserva son nom y compris quand Soliman le Magnifique travailla à restaurer tout le système de distribution des eaux de la ville.
Vue aérienne de 1931
Enfermement et désaffection
Dans les années 1850, avec l’essor de la ville, le bassin se vit cerné de toute part par les constructions. Dès lors il n’était plus accessible. Cela sonna le glas de son exploitation. Un nouveau coup de semonce fut donné lors du Mandat britannique quand les Autorités civiles interdirent aux populations de remplir les citernes domestiques pour raison d’hygiène.
On abandonna peu à peu l’entretien des derniers canaux existant.
La piscine resta belle à voir du toit de l’hôtel jusque dans les années 1940. Puis elle se détériora au point de devenir ces dernières années une décharge à ciel ouvert les habitants alentours se débarrassant de leurs objets encombrants, gravats et autres détritus. Un désastre pour cet ensemble, dont les demeures alentours datent pour la plupart de la période mamelouk.
Nettoyage et polémique
Depuis des années, les sœurs de l’école Saint Joseph se plaignaient de l’insalubrité grandissante. C’est l’ouverture du musée Wujoud qui motiva les copropriétaires des bâtiments environnants – le waqf musulman, les Grecs orthodoxes et les Coptes – à envisager sérieusement le nettoyage. Mais le devis de l’entreprise approchée d’un million de shekels freina leur ardeur. La municipalité (de facto israélienne) aurait fait valoir (à vérifier) un droit de préemption si elle devait s’acquitter des travaux.
Après un an de blocage, en juin 2011, à la surprise de tous, la municipalité a entrepris le nettoyage. Le montant de la facture s’élèverait à 3 millions de shekels (610 000 euros) qu’elle entendrait envoyer aux copropriétaires. Il est donc vraisemblable que nous allions tout droit vers un incident diplomatique avec l’Égypte qui se veut garante des Coptes d’ici et la Jordanie qui chapote le waqf de Jérusalem.
Ces questions réglées (ou non) qu’adviendra-t-il de la piscine d’Ézéchias ? Nous suivrons la question et ne manquerons pas de vous informer.
Dernière mise à jour: 20/11/2023 16:51