Et si le pélerinage de Thérèse de Lisieux en terre Sainte était une invitation à se nourrir des textes bibliques comme ele a su le faire autant qu’elle le pouvait ?
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, qui de son vivant n’a jamais quitté son Carmel, depuis quelques années ne cesse de parcourir les routes du monde. Vivant d’amour dans le cœur de l’Église et une fois dépassées les barrières du temps et de l’espace avec la mort, la fécondité de son amour a fait de sainte Thérèse une maîtresse de spiritualité et une prophétesse de dimensions universelles. Le mercredi 16 mars 2011, ses reliques ont été accueillies à Jérusalem par une foule en fête composée d’Évêques, de séminaristes, de prêtres, de religieux, de religieuses et de chrétiens. Le Patriarche latin, S.Exc. Mgr Fouad Twal, qui a conduit la procession de la Porte de Jaffa jusqu’à la Cathédrale où ont été célébrées les Vêpres, l’a saluée ainsi : « L’Église mère de Jérusalem, après l’avoir tant désiré et préparé, est heureuse d’accueillir la visite de la petite, sainte, belle Thérèse le jour où se conclut l’Assemblée des Ordinaires catholiques et à un moment où nous ressentons fortement le besoin de la grâce, de la transcendance de la sainteté, de l’unité afin de réaliser les désirs et les espérances suscitées par le récent Synode de l’Église pour le Moyen-Orient.
Le Bien pour la Terre Sainte
Que Thérèse, qui a promis de passer son Ciel à faire du bien sûr la terre, fasse descendre sur la Terre Sainte les roses de la grâce et de la paix et qu’elle accueille les prières des petits, des jeunes, des familles et de nous tous ».
Les reliques de Thérèse, durant plus de deux mois, se sont rendues dans les sanctuaires, dans les maisons religieuses et dans les paroisses de cette Terre qui a contemplé l’Enfant Jésus et la Sainte Face qu’elle avait associés à son nom de carmélite.
Thérèse ne visita pas la Terre Sainte. Dans une lettre, elle se souvient que son père lui avait proposé de l’emmener à Jérusalem mais le désir irrésistible d’entrer au Carmel lui fit vaincre également « l’attraction naturelle qui (la) portait à visiter les lieux sanctifiés par la vie du Sauveur » (L 178). Mais la terre de la Bible, Thérèse la parcourt spirituellement au travers du grand amour qu’elle avait pour la Parole de Dieu (au point qu’elle désira apprendre l’hébreu et le grec – disait-elle – « afin de pouvoir lire la Parole de Dieu dans le même langage humain au travers duquel Il voulut s’exprimer ») et surtout de la lecture pénétrante de l’Évangile. Dans ses écrits, elle se réfère continuellement à des textes, à des personnages et à des localités évangéliques et les citations littérales et approximatives de l’Ancien et du Nouveau Testament y abondent. Cela peut surprendre si l’on pense que Thérèse ne disposa jamais d’une copie personnelle de l’ensemble de la Bible. Elle a anticipé le retour aux Écritures, une grâce pour l’Église de nos jours. Le Père Marie-Joseph Lagrange (†1938), célèbre dominicain fondateur de l’École biblique de Jérusalem, disait : « Je dois à sainte Thérèse de ne pas être devenu un vieux « rat » de bibliothèque. Je lui dois tout parce que sans elle je me serais endurci et mon esprit serait devenu aride ».
En participant à l’accueil et à la célébration, me revenaient à l’esprit un certain nombre de textes et de pensées de Thérèse dont la relecture me sembla le meilleur moyen de l’accompagner dans son pèlerinage en cette Terre bénie et dramatique en qualité de messagère de l’amour de Dieu et de maîtresse de vie parfumée par l’Évangile de Jésus.
La Bible pour Thérèse
Dans son manuscrit autobiographique A, elle raconte qu’à l’âge de 18 ans, tous les livres de spiritualité qui, auparavant, constituaient sa seule nourriture spirituelle la laissaient dans l’aridité à la différence de la Bible. « Si j’ouvre un livre écrit par un auteur spirituel (même le plus beau, le plus émouvant), je sens aussitôt mon cœur se serrer et je lis presque sans comprendre ou bien si je comprends, mon esprit s’arrête sans pouvoir méditer. Dans cette impuissance, l’Écriture Sainte et l’Imitation viennent à mon secours : en elles je trouve une nourriture solide et pure. Mais c’est surtout l’Évangile qui m’occupe durant la prière. En lui, je trouve tout ce qui est nécessaire à ma pauvre âme. Je découvre toujours en lui des lumières nouvelles, des significations cachées et mystérieuses ». (MA 236).
Dans une lettre de 1897, Thérèse confie au Père Roulland, missionnaire : « Je ferme le livre des sages qui fait exploser ma tête et dessèche mon cœur et je prends en main l’Écriture Sainte. Alors tout devient lumineux pour moi. Un seul mot ouvre devant mon âme des horizons infinis et la perfection me semble simple : je vois qu’il suffit de reconnaître son propre rien et de s’abandonner comme un enfant entre les bras du bon Dieu » (L 202).
Dans les dernières expressions du Manuscrit autobiographique C – écrites au crayon parce que Thérèse ne parvenait plus à tenir la plume à cause de la faiblesse – elle dit : « Puisque Jésus est monté au ciel, je peux seulement suivre les traces qu’Il a laissées mais ce sont des traces si lumineuses, si parfumées ! À peine je regarde le Saint Évangile, je respire le parfum de la vie de Jésus » (MC 339).
Pour Thérèse, la Parole de Dieu vécue avait son centre et sa synthèse dans la personne même de Jésus. À sa sœur Céline, elle écrivait en effet : « Observer la Parole de Jésus, voici l’unique condition de notre bonheur, la preuve de notre amour pour Lui. Mais que sera cette Parole ?… Il me semble que la Parole de Jésus soit Lui-même, soit Jésus, le Verbe, la Parole de Dieu !… Nous savons qu’elle est la Parole que nous devons observer et nous ne demanderons pas à Jésus comme Pilate : « Qu’est-ce que la Vérité ? ». Nous la possédons la Vérité, nous gardons Jésus dans le cœur ! » (L 144).
La contemplation biblique de Thérèse atteint son sommet dans son chef-d’œuvre poétique marial « Pourquoi je t’aime Marie » où, Évangile en main, Thérèse évoque avec une participation intime la vie terrestre de la Vierge de Nazareth au Calvaire et au Ciel et trace un profil de Marie qui vaut bien un traité de mariologie et qui, comme l’écrivait Lino Cignelli (†2010), expert de théologie mariale et connaisseur passionné et dévot de sainte Thérèse, « a tout à la fois anticipé et inspiré la mariologie du Concile Vatican II surtout par l’intermédiaire des théologiens français tels que les Pères Congar et De Lubac ».
L’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte dont font partie les représentants de toutes les Églises ainsi que le Custode de Terre Sainte accueillant la suggestion du Synode pour le Moyen-Orient, a conclu ses travaux en programmant une année à dédier à la Bible. Il est beau de penser que celle-ci s’ouvre au moment du pèlerinage biblique de Thérèse, Docteur de la « petite voie » de l’enfance spirituelle évangélique, consistant dans l’amour et dans la confiance.
Dernière mise à jour: 20/11/2023 16:57