Les pèlerins qui parcourent la Terre Sainte l’été ont peine à croire que dans la chaleur écrasante qui baigne la ville de Jéri-cho on ait eu l’idée de bâtir tant de palaces. Le fait est que ce sont des palais d’hiver lorsque Jéricho oppose au froid de la montagne de Jérusalem, la douceur de ses climats du fond de sa vallée.
L’historien romain du Ier siècle Flavius Josèphe a évoqué les grands travaux d’Hérode le Grand dont les forteresses de Cypros, Threx et Taurus font partie.
Depuis le monastère de Saint Georges de Koziba, on peut atteindre la forteresse de Cypros (Tell Aqaba) par l’ancienne route de Jéricho qui longe le Wadi Qelt ou bien à pied en suivant le sentier bordant le wadi.
Ainsi que l’a écrit Flavius Joseph : « Hérode, très grand bâtisseur, fit donc construire cette forteresse destinée, tout comme Threx et Taurus, à la protection de Jéricho ; sa mère Cypros inspira son nom. »
Cypros se trouve au sommet d’une colline, face à celle de Nuseib Uweishira. Le géographe Strabon rappelle que ces forteresses furent édifiées sur des sites hasmonéens.
Les fouilles archéologiques menées par E. Netzer et E. Damati confirment la présence de constructions hasmonéennes, dont Flavius Josèphe (ant. jui.14,2.40) nous apprend qu’elles furent détruites par Pompée.
La forteresse de Cypros mesurait 45 mètres de long par 40 mètres de large. En son centre, se trouvaient les thermes construits autour d’une cour carrée 10 mètres sur 10. Des mosaïques blanches ornaient le Tepidarium, tandis que le calidarium de 6 mètres de long sur 4 de large contenait deux niches. Des éléments de fresques ont été retrouvés sur les murs des thermes. La forteresse était approvisionnée en eau grâce à un aqueduc long de 14 km qui acheminait l’eau d’Aïn el-Qelt jusqu’aux quatre citernes creusées dans la roche. 30 mètres plus bas, les vestiges d’une cité subsistent. Cette dernière était protégée par une tour de 14 mètres de diamètre et possédait des thermes de style romain avec des chapiteaux corinthiens, des mosaïques, des stucs et des fresques.
Face à Cypros se dressait la forteresse de Nuseib Uweishira ou Threx protégée par un fossé de 50 mètres de long, de 10 à 20 mètres de large et de 3 à 10 mètres de profondeur.
Lors de la révolte de la Judée contre Rome en 67-72 après Jésus Christ, la forteresse hérodienne de Cypros fut détruite.
Nous savons qu’à l’époque byzantine, un groupe d’ermites chrétiens habita dans ces lieux comme l’attestent les ruines d’une petite chapelle ainsi que la présence d’une citerne.
Les fouilles conduites par E. Netzer en 1976 et en 1980 ont également mis en évidence l’installation de moines sur ce site à la même période. Rappelons que des moines choisirent également d’autres sites abandonnés comme Massada, Hyrcania et Hérodion.
Dans le cas de Cypros, les moines y construisirent, entre le Ve et le VIe siècle, un monastère de 50 mètres de large sur 30, incluant une petite chapelle dont le sol était recouvert de mosaïques.
En quittant ces forteresses qui surplombaient et veillaient ainsi sur l’oasis de Jéricho, on peut découvrir la vallée du Jourdain, la mer morte, les monts Moab et Ammon.
À l’entrée du village de Tulul Abu el-Alayiq se trouve le site d’un édifice croisé, qui selon la tradition est le lieu où l’aveugle Bartimée fut guéri par Jésus Christ (Mc 10,46-52 ; et Lc 18, 35-43).
La synagogue hérodienne de Jéricho
En 1998, E. Netzer a fait, au cours de ses fouilles, la découverte à Tulul Abu el-Alyiq d’une synagogue de l’époque hasmonéenne, la plus ancienne à ce jour connue en Israël et antérieure aux synagogues de Gamla, Magdala, Massada et Hérodion construites, elles, au Ier siècle après Jésus-Christ. et qui furent détruites durant la première révolte des juifs contre Rome.
La synagogue de Jéricho se trouve à l’Est du second palais hérodien et présente un plan qui diffère des plans habituels de synagogues.
Cette construction a probablement connu plusieurs phases d’occupation entre 104 et 31 avant Jésus-Christ.
Au temps du roi hasmonéen Alexandre Jannée (104-76 av. J.-C), il s’agissait vraisemblablement d’une habitation à usage privé constituée de quatre pièces s’articulant autour d’une cour.
Ensuite, des aménagements ont eu lieu du côté ouest de la maison avec une salle pour la prière, des gradins, des colonnes et un bain rituel (mikveh) orienté au sud.
Enfin, une dernière phase de travaux eut lieu, au cours de laquelle le triclinium et des cuisines furent ajoutés à l’ouest de la construction qui atteignait ainsi une longueur totale de 16 mètres sur une largeur de 11 mètres.
La salle centrale (de prières ?) était de forme rectangulaire (7,60 mètres sur 12,4 mètres), ponctuée de quatre rangées de douze colonnes qui soutenaient le plafond et délimitaient ainsi la nef centrale entourée de quatre petites nefs de proportions différentes. Des gradins pouvant accueillir 150 personnes s’élevaient à 90 cm au-dessus de cette salle en contrebas. L’attention se portait au centre de cette pièce centrale où se trouvait la Torah placée sur une table.
La présence d’un petit bassin (gurna) utilisé pour se laver les mains, d’une petite niche d’1 mètre 45 par 1 mètre 60 située à l’angle nord-est confirme que ce lieu était bien une synagogue ; de plus le mikveh était alimenté en eau par un petit canal qui divisait la pièce en deux. À noter également l’existence de deux latrines orientées au sud.
Les rouleaux de la Torah étaient conservés au premier étage d’une resserre, tandis que l’étage inférieur abritait la genizah ou remise qui conservait de vieux documents.
La synagogue de Jéricho remplissait de nombreuses fonctions, en particulier celle de réunir des fidèles lors de repas qui se déroulaient dans la salle à manger ou triclinium. En outre, elle traitait des affaires sociales, politiques et juridiques avec sa cour de justice ou sahnédrin. Elle accueillait également les étrangers et venait en aide aux pauvres. Enfin, elle était un centre d’enseignement et d’étude de la Torah.
Le tremblement de terre de l’an 31 avant Jésus-Christ détruisit cette synagogue, dont le site fut utilisé par Hérode pour la construction de son second palais.
L’hippodrome de Jéricho
Lors de la mort d’Hérode le Grand, Flavius Josèphe évoque à plusieurs reprises l’hippodrome de Jéricho (Flavius J., Guerre 1,659-660 ; Ant. Jui. 17,175.178.193).
Des photographies aériennes puis les fouilles de E. Netzer effectuées entre 1975 et 1977 ont mis en évidence cet hippodrome situé du côté sud de Tell Samrat et à 1 km 5 de Tulul Abu el-Alayiq et à 600 mètres de Tell es-Sultan. L’hippodrome était utilisé pour des courses de char et des représentations théâtrales et pouvait réunir jusqu’à 3 000 spectateurs.
Le cimetière juif de Jéricho
Le cimetière s’étend sur une vaste zone à l’ouest de la ville actuelle de Jéricho, entre le wadi Qelt au sud et le wadi Qarantal (la quarantaine) au nord. Il a été utilisé durant deux siècles (IIe siècle av. J.-C au Ier siècle ap.J.-C).
L’archéologue israélienne R. Hachilli a mené plusieurs campagnes de fouilles en 1975, 1977 et 1979 et a ainsi mis à jour une nécropole regroupant 120 tombes. Quelque 250 000 corps auraient été enterrés dans ce cimetière au cours de ces deux siècles, période faste pour la Jéricho hérodienne avant sa destruction par le tremblement de terre de 48 ap. J.-C. Le cimetière de Jéricho regroupe deux types de tombes et de rites funéraires correspondant à deux périodes historiques différentes.
Tout d’abord, ces tombes sont toutes constituées d’une chambre funéraire carrée creusée dans la roche avec des niches sur les côtés. Seulement deux de ces tombes ont des murs peints.
Durant la période la plus ancienne, les corps étaient placés directement dans la sépulture ou bien déposés dans des cercueils en bois généralement peints en noir et rouge ornés de motifs géométriques. Le corps était placé dans ce cercueil avec des objets de la vie quotidienne comme des sandales, des vases, des lanternes. Dans trois cas on a retrouvé des pièces de monnaie placées sur le crâne du défunt.
Les sépultures plus récentes présentent des ossuaires en pierre parfois avec quelques ornements et des inscriptions ; celles-ci sont intéressantes car elles révèlent des noms de famille juifs très répandus au Ier siècle ap. J.-C .ainsi que quelques détails relatifs à la vie d’alors. On retrouve ainsi les noms Akaviah, Yehoezer, Goliath, Ishmael, Shelomzion, Salomé. Parfois les origines de la famille sont rappelées comme celle de Ishmael, grâce à une inscription en araméen figurant sur un plat placé dans la sépulture du défunt et précisant qu’Ishmael était : « Ishmael, fils de Shimon, fils de Palta, de Jérusalem ».
De même, une sépulture au nom de famille Goliath, qui dans l’Ancien Testament est le nom du colosse philistin (1 Sam 17), révèle qu’il s’agissait sans doute d’une famille juive qui utilisa cette sépulture pour ensevelir ses morts durant trois générations. Cette tombe disposait de deux étages et vingt-quatre inscriptions en grec et en araméen indiquaient la généalogie des Goliath. L’ancêtre s’appelait Yehoezer fils de Eléazar marié à Shelomzion et ayant pour fils Yehoezer ; il y avait également Yehoezer Goliath et son épouse Salomé avec leurs fils Ishmael et Yehoezer.
Une dernière tombe mentionne le nom de Theodotos, dont le nom juif était Netanel, originaire de Rome et qu’Agrippine, épouse de l’empereur Claude (50-54 ap.J.-C) avait affranchi.
Dernière mise à jour: 20/11/2023 16:29