Chapeaux noirs ou recouverts de fourrure, chaussettes blanches ou noires, calottes tricotées ou en velours, qui porte quoi et pourquoi ? Michaël Blum nous permet d’effleurer un monde, celui des juifs religieux orthodoxes.
Pour comprendre les différences vestimentaires entres juifs orthodoxes, il faut dans un premier temps connaitre les quatre groupes principaux du judaïsme religieux.
Les hassidim
Les hassidim sont issus du mouvement hassidique, crée au XVIIIe siècle en Europe de l’est par le Baal Chem Tov, pour rapprocher les juifs de Dieu en leur offrant un judaïsme plus joyeux, les différents groupes de hassidim ont chacun leurs propres règles.
Les groupes les plus connus sont Gour, Belz, Loubavitch, Satmar et Breslev (du nom des villages où le mouvement s’est crée) mais il existe des centaines de groupes différents, avec leurs propres coutumes et leur dirigeant vénéré par ses disciples.
En Israël, sur le plan politique, l’ensemble des groupes hassidiques sont représentés par le parti Agoudat Israël, une des deux factions du parti Yaadout Hatorah (Judaïsme de la Torah)
Les Lituaniens
Le nom de lituaniens désignait les juifs originaires de ce pays, dont la capitale Vilna (Vilnius) à été le centre du judaïsme orthodoxe pendant des siècles. Il désigne aujourd’hui les juifs orthodoxes ashkénazes n’étant pas hassidim.
Opposés violemment au hassidisme à sa création, ces divergences ont peu à peu disparu mais il reste encore des différences entre les deux groupes notamment au niveau vestimentaire et de la pratique de certaines coutumes.
Politiquement, c’est Deguel Hatorah, qui les représente au sein de Yaadout Hatorah et leur leader incontesté est le rabbin centenaire Yossef Shalom Elyachiv.
Les lituaniens plus centrés sur létude des textes que les Hassidim possédent les plus grandes yechivot (instituts talmudiques) du monde comme la Yechiva de Mir à Jérusalem, qui a plus de 6 000 élèves sur plusieurs campus, dont la moitié sont des hommes mariés.
Les séfarades
Le monde séfarade (juifs originaires d’Afrique du nord et du Moyen-Orient), longtemps considéré comme traditionnel a connu un rapprochement vers le monde lituanien depuis quelques dizaines d’années en Israël, de nombreux immigrants religieux se retrouvant dans des yechivot lituaniennes
Le dirigeant du monde séfarade orthodoxe est le rabbin Ovadia Yossef, fondateur du parti Shass.
Les séfarades orthodoxes ont des coutumes différentes des juifs ashkénazes mais ne s’habillent pas différemment.
Les sionistes religieux
Les sionistes religieux, élèves du rabbin Avraham Yitzhak Kook (1865-1935), qui a tenté de légitimer le sionisme politique dans le monde orthodoxe, se sont également divisés en plusieurs groupes, qui s’opposent parfois sur la relation avec l’Etat et avec la pratique de certains commandements.
Contrairement au monde ultra-orthodoxe, les sionistes religiseux ne votent pas pour un seul parti mais se retrouvent au sein de tous les partis sionistes.
Deux formations politiques tentent de représenter ce courant au Parlement, Habayit Hayehoudi (Foyer juif), qui fait partie de la coalition du Premier ministre Binyamin Netanyahou et Ihoud Leoumi (Union Nationale), un parti d’extrême droite de l’opposition.
Dans la tenue vestimentaire des juifs religieux, on observe des règles communes à tous mais interprétées de manière différente.
Il s’agit avant tout de se différencier des non-juifs dans l’apparence extérieure, de se rappeler de la présence divine dans son aspect extérieur et de rester modestes.
Costumes
Les hassidim s’habillent différemment selon leur groupe mais ont en commun le port de la redingote, fermée de droite à gauche contrairement aux costumes modernes.
Parmi les différentes redingotes, on peut distinguer un nombre de boutons différents (2, 3 ou 6), une fente sur le dos ou pas, des plus longues en tissu de couleurs différente avec des bandes grises ou vertes, ou tout simplement noires…
Certains ne la portent que pour les fêtes, d’autres en possèdent une spéciale pour la maison et d’autres que pour les grandes occasions.
Les lituaniens portent des costumes modernes comme les sefardim mais toujours noirs, parfois dans le monde sioniste de couleur bleue.
Les rabbins de tous les milieux portent des « fracks », sorte de longue redingote avec fente et plus longue que la traditionnelle redingote.
Couvre chefs
La calotte (kippa) est une coutume assez moderne (XVIe siècle) mais respectée par tous les juifs religieux comme signe distinctif des non-juifs et par respect pour Dieu se trouvant au dessus de chacun.
Elle est noire en tissu double pour les lituaniens, hassidim et séfarades, tricotée et colorée chez les sionistes et en coton blanc (parfois avec un ponpon) chez certains groupes hassidiques.
Sur les kippot (pluriel de kippa), on trouve souvent des chapeaux sauf chez les sionistes religieux :
– le Borsalino que portent les lituaniens et les Hassidim Loubavitch, qui eux en un bord triangulaire pour des raisons mystiques.
– le chapeau rond des Hassidim plus ou moins large selon le groupe
– le shtreimel, une calotte noire entourée de fourrure que portent les Hassidim de Russie, les jours de shabat et fêtes
– le spodik, plus haut et moins large que le shtreimel, porté par les groupes hassidiques de Pologne
– Le kolpik, sorte de shtreimel porté par les rabbins originaires de Hongrie
– certains rabbins séfarades portent encore des turbans autour de la tête, vestige de l’empire ottoman, notamment les grands rabbins séfarades d’Israël, qui portent également une tunique particulière.
Pantalons
Tous les groupes ultra-orthodoxes portent des pnatalons noirs mais certains hassidim mettent le bas dans leurs chaussettes comme les cosaques, une coutume venant de Russie…
Chaussures
Chez les hassidim, on ne porte pas de lacets en général afin d’éviter de se souiller en touchant ses pieds qui sont considérés comme impurs.
Divers
Les Hassidim n’ont pas de cravates alors que ne pas en porter dans le monde lituanien, plus porté sur la qualité de l’habillement serait une faute de goût.
Les Hassidim portent une ceinture appelée gertel, pour prier afin de différencier les deux parties du corps, le bas étant plus impur que le haut.
Tous les juifs orthodoxes portent sous leur chemise un talit katan (petit châle) qui peut être en laine ou en coton et qui a des fils blancs (tsitsit), qui est une obligation religieuse datant de la Bible, la seule obligation vestimentaire écrite dans la Torah.
Et les femmes ?
Il n’y a pas de règles d’habillement particulier pour les femmes, uniquement des règles de pudeur et de modestie.
Les femmes religieuses se couvrent le corps et doivent faire attention à ne pas dévoiler la moindre partie, certains milieux orthodoxes exigeant le port de chaussettes ou collants, ainsi que des manches recouvrant les bras.
Des livres entiers ont été écrits sur ce sujet mais outre le fait d’éviter des couleurs trop vives et le port du pantalon, les femmes peuvent choisir leurs habits.
Par contre, le fait de se couvrir la tête pour les femmes mariées est une obligation religieuse.
Certaines portent une perruque, que de nombreux rabbins interdisent, d’autres des foulards ou des chapeaux.
Ces dernières années, quelques femmes ont décidé de se couvrir plus que le demande la loi et portent des châles en toutes saisons sur leurs habits afin de cacher leurs formes, tandis que d’autres se voilent le visage et portent des gants, bien que les rabbins les plus radicaux ayant rejeté cette mode, qui attire le regard des passants, donc en contradiction avec les principes de pudeur du judaïsme orthodoxe.
Les juifs orthodoxes et la photographie
Leurs habillements nous paraissent si « exotiques » si « typiquement juifs » que nous ne résistons pas à les prendre en photo. Mais ils n’aiment pas. Imaginez que vous passiez pour le chrétien de France si typique que tout le monde veuille faire votre portrait, vous aimeriez ?
Mais ce n’est pas d’être la caricature du judaïsme qui gêne les juifs religieux, ce n’est pas tant non plus que nous violions éventuellement et ostensiblement le shabbat. Non, ce qui gêne les juifs orthodoxes dans le fait de faire de la photo c’est que chaque être étant créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, c’est comme si l’on photographiait Dieu Lui-même ; cette notion est un peu passée de mode dans le monde chrétien car tout est centré sur Jésus et qu’il peut être représenté (icônes, crucifix etc.). Le mot hébreu » tzelem/צלם veut dire « image, photographier, dupliquer, saisir jusqu’à l’ombre (tzel) de ce qui est existentiel et dans une interprétation orthodoxe juive cela interdit les représentations ou duplications humaines. Il y a une forte réflexion en cours et c’est pourquoi l’agressivité diminue car les photos sont souvent permises ; en revanche, sûrement pas le shabbat.
M.-A.B avec A.Winogradsky
Dernière mise à jour: 20/11/2023 17:02