Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

De l’espoir pour l’Égypte

Propos recueillis par Marie Armelle Beaulieu
30 septembre 2011
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De passage à Jérusalem, le père Vincent Mistrih livre quelques impressions d’Égypte


Vincent Mistrih ofm

Père Vincent où en est la nouvelle Égypte ? Qu’en est-il des chrétiens ?
La nouvelle Égypte balbutie encore. Les Égyptiens ont obtenu leur liberté mais ils ne savent pas encore en user. Les chrétiens peuvent parfois faire les frais de ces balbutiements. À ce stade (juin 2011) nous espérons que le nouveau gouvernement restaurera la sécurité et instaurera plus de justice. Il y a des signes d’espoir en ce sens. Prenons l’exemple de l’église qui a été incendiée en mars près de Ghizé. L’armée l’a restaurée et le Premier ministre l’a inaugurée. C’est une première dans l’histoire. Cela montre les nouvelles dispositions des autorités : ils veulent de meilleurs rapports, plus de sûreté, de justice et d’égalité.

La nouvelle constitution fera-t-elle évoluer le statut des chrétiens ?
Oui. Le gouvernement a proposé une loi pour les lieux de culte. Les chrétiens ont refusé 10 points, mais au moins il y a dialogue.
Que pensez-vous du fait que les Frères Musulmans se constituent en parti politique ?
Les Frères Musulmans sont divisés entre ceux qui aspirent à un État libéral, prenant exemple sur la Turquie et ceux qui veulent un pouvoir qui repose tout entier sur l’Islam.
Dans l’ensemble, il y a une petite amélioration. Dans le parti des Frères Musulmans nouvellement constitué, il y a 90 chrétiens. Le vice-président lui-même est chrétien ! Mais on a toujours peur de la « taqîya », le principe de précaution qui consiste à dissimuler votre vrai visage tant que vous n’êtes pas en situation de vous exposer. Quand vous pouvez faire ce que vous voulez, alors vous montrez votre vrai visage. Les frères musulmans montrent-ils aujourd’hui leur vrai visage ?

Qu’est-ce qui a le plus changé depuis janvier ?
Les médias. On discute beaucoup, il y a une grande liberté d’expression. Tous les partis peuvent s’exprimer, et il y a désormais place à la critique.
Malgré les événements, les gens viennent-ils toujours étudier dans votre bibliothèque du Muski ?
Oui, ils viennent toujours. Dernièrement j’ai participé à la défense d’une thèse d’une doctorante yéménite. Elle fait ses études au Caire pour devenir prof d’université à Sanaa. Je l’avais déjà aidée pour son master dont le sujet de thèse était Les tremblements de terres au Moyen Orient du temps des croisés. Les sources sont en arménien et en latin et je les lui ai traduites. Quant à sa thèse du doctorat, elle portait sur L’image des Arabes dans les sources croisées. Elle a présenté les croisés comme des fous. Le jury lui a dit : « Vous avez plutôt fait un prêche du vendredi ! Est-ce que les musulmans étaient meilleurs que les croisés ? »

La rencontre avec l’islam est très intéressante. Le Muski, notre centre d’études chrétiennes orientales, est aussi ouvert et à destination des musulmans qui s’intéressent aux études chrétiennes. Mais pourtant l’Université Al-Azhar a coupé le dialogue avec Rome ?
Oui mais c’est de la politique, nous, nous sommes libres.
Pour revenir à l’État de l’Égypte en ce moment, je dirais que nous avons une bonne tête avec un corps malade à mes yeux… mais oui, nous avons une bonne tête.

Dernière mise à jour: 31/12/2023 15:33

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