La première fois que j’ai participé à une rencontre de la communauté indienne d’Israël c’était pour le Vendredi Saint 2010. Ils étaient plus d’un millier, venus de tout le pays pour vivre ensemble un Vendredi de la Passion d’une rare intensité. Pas une église de Jérusalem n’est en mesure d’accueillir une telle foule, aussi s’étaient-ils réunis en contrebas de Gethsémani, dans la vallée du Cédron, là où le pape Benoît XVI, l’année d’avant avait célébré l’Eucharistie.
Sous un ardent soleil, ils enchaînèrent chemin de croix et célébration de la Passion du Seigneur en langue Konkani, la langue officielle de la région de Goa dont nombre d’entre eux sont originaires. Leur dévotion, toute en intériorité n’enlevait rien à leur joie, à la perception qu’ils avaient de la grâce ineffable de vivre ce jour-là à Jérusalem. Impossible de passer un moment avec eux sans mesurer, sans être émerveillé de leur joie, eux qui n’ont pas une vie des plus simples ni des plus faciles dans ce pays où ils ont choisi de venir chercher les ressources qui font vivre leurs familles dans leur lointain pays.
C’est le père Praveen de Souza, franciscain indien qui m’avait éclairé sur leurs conditions de vie, qui m’avait dit aussi qu’en ce jour certains d’entre eux, clandestins, couraient un risque, la police pouvait bien débarquer et faire une rafle lors de ce rassemblement. D’ailleurs, quand un policier vint parcourrir les rangs pendant la messe, on sentit quelques respirations se retenir. Il ne se passa rien.
Depuis c’est frère Jayaseelan (sur la photo) qui a pris le relais de l’aumônerie de la communauté indienne. Il est franciscain comme le frère Angelo Beda Ison qui s’occupe, lui, de la communauté philippine. En fait les franciscains sont assez proches de ces communautés migrantes pour plusieurs raisons : d’abord parce qu’ils les accueillent dans leurs paroisses, notamment à Jaffa devenue banlieue de Tel Aviv mais aussi parce que l’internationalisme de l’Ordre franciscain permet d’y puiser des ressources humaines. Les jésuites ne sont pas en reste qui peuvent eux aussi fournir des aumôniers qualifiés de plusieurs nationalités. La pastorale des migrants du diocèse de Jérusalem rencontrerait quelques difficultés si elle n’était soutenue par ces congrégations religieuses qui ont essaimé de par le monde et le diocèse n’exclut pas de faire venir de nouvelles congrégations pour leur venir en aide.
En attendant, cette nouvelle chrétienté de Terre Sainte est une nouvelle pauvreté à secourir. Pauvreté des moyens pour les accompagner dans leurs besoins y compris pastoraux (manque de locaux, de livres, de personnels pour enregistrer les demandes et les suivre) ; pauvreté des migrants eux-mêmes – souvent exploités par des employeurs peu scrupuleux- et qui se saignent pour leurs familles.
C’est aussi une richesse inouïe du fait de leur témoignage car si ces migrants veulent bien vous exposer leurs difficultés, rares sont ceux en revanche qui se plaignent et qui sollicitent quoi que ce soit. Ou plutôt non, ce qu’ils attendent c’est un regard, un sourire et passe un prêtre ou la calotte d’un évêque et ils ne recevront jamais assez de bénédictions. Ils sont ainsi les nouveaux catholiques de Terre Sainte témoins d’une foi simple, discrète et magnifique.
Dernière mise à jour: 31/12/2023 12:04