L’inévitable unité des chrétiens orientaux
Depuis le synode sur les chrétiens d’Orient (septembre 2010) un véritable tsunami s’est abattu sur l’Orient. De Tunis à Tripoli et d’Égypte à Damas une lame de fond a balayé les dictatures arabes. Le résultat n’aboutira pas à l’accouchement de démocraties à l’américaine. En Orient la richesse, même aux mains d’un petit nombre, est signe de la bénédiction céleste.
Tous espèrent que la prise de ces bastilles annonce des jours meilleurs pour un avenir pas trop éloigné. L’histoire de cette aventure reste à écrire, même si la plume change de main. La part de l’Islam sera prépondérante, personne n’en doute. Sa puissance séculaire l’investit de nouvelles responsabilités politico-religieuses dans le processus qui s’ouvre. C’est là qu’est le nœud d’une mutation considérable que vit l’Orient.
Dans le système tribal de la Lybie comme dans l’émancipation des peuples tunisien et égyptien, l’Islam apparaît comme une alliance déterminante. Sa nature le pousse à gérer les ressorts de la société. Dans le printemps arabe l’Islam retrouve une capacité d’action qui se traduira sans aucun doute dès les premières consultations électorales.
Mais quel Islam triomphera ? La question revient souvent en Occident. Celui d’une simple soumission à Allah ou celui des islamistes qui chercheront à insérer la loi coranique dans la constitution des nouveaux États ? L’Islam djihadiste qui poursuit la lutte fondamentaliste contre les démons de l’Occident ou celui qui s’ouvre lentement à la laïcité ?
Signe des temps
Ces catégories s’exprimeront selon les situations économiques et l’influence des affiliations – chiite, sunnite et alaouite. Les jeunes arabes artisans de leur révolution sur Facebook n’ont apparemment pas de goût trop prononcé pour le djihadisme. Certains analystes pensent qu’ils devront composer avec un islam plus laïc, à la Turque, qui fait bon ménage avec la démocratie. Erdogan, le premier ministre turc a d’ailleurs le vent en poupe en Orient et se présente comme le rassembleur des Arabes, tout en laissant flotter un parfum ottoman sur son passage.
Le problème majeur reste celui des minorités chrétiennes vivant dans ces pays. L’opinion publique sait que les chrétiens sont malmenés en Irak, inquiets en Syrie et au Liban et divisés partout comme auparavant. Le calvaire des chrétiens de Mossoul en Irak est connu en Occident grâce à la présence active de Mgr Louis Sakho, l’évêque chaldéen de Kirkouk. 70 % des chrétiens d’Irak ont quitté leur pays depuis la guerre de 2003. Beaucoup de chrétiens sont constamment sur le qui-vive, dans la peur de l’attentat ou de l’enlèvement. En Syrie la situation des chrétiens devient plus difficile chaque jour : entre la crainte de l’islamisme et le désir des réformes la minorité chrétienne hésite. En Algérie les chrétiens se souviennent de la fin brutale des moines de Tibhirine en 1996.
La véritable solution ne consiste-t-elle pas pour les chrétiens à s’unir au-delà de leurs divisions séculaires. Si les événements sont des anges de Dieu, et s’ils nous parlent, pourquoi ne pas les écouter ? Le synode voulait inviter les chrétiens orientaux à lire les signes des temps. Si les chrétiens d’Orient oublient la prière pour l’unité de leur Maître, ce dernier pourrait se servir de l’Islam comme bâton de sa colère, comme jadis Assour fut le gourdin de son courroux (Is 10,5). n
Dernière mise à jour: 31/12/2023 15:26