À peine deux ans plus tôt, des dizaines de baigneurs se pressaient pour aller prendre le soleil, le parasol sur l’épaule, vers une plage connue sous le nom de « Hawaï beach » au bord du lac de Génésareth. Journal et crème solaire à la main, ils plantaient là leurs hamacs sans se soucier ni savoir que le terrain sur lequel ils se trouvaient faisait partie de l’antique Magdala. Deux ans plus tard, il est toujours possible de voir le panneau indiquant là un espace récréatif pour baigneurs. Cependant les vendeurs de glace ont désormais laissé leurs places aux tracteurs, les baigneurs aux équipes d’archéologues et de volontaires, et les transats aux fouilles archéologiques retournant la terre çà et là. Nous sommes dans la Magdala du premier siècle, la ville de Marie Madeleine. Aucun doute : Jésus a dû passer par là.
Le Centre Magdala, les pèlerins de Galilée
Lorsqu’en 2009 les Légionnaires du Christ achetèrent le terrain adjacent aux fouilles franciscaines de Magdala, l’idée était d’y construire un lieu d’accueil pour les pèlerins de Galilée. À Jérusalem, le centre Notre Dame en face de la Porte Neuve accueille chaque année des milliers de pèlerins, l’objectif premier était donc d’offrir une structure similaire aux groupes en visite dans la région de la Galilée. Finalement, le futur « Centre Magdala » sera bien plus qu’un centre hôtelier, il sera aussi un centre multimédia et un espace au service du développement du dialogue œcuménique.
La découverte des restes d’une synagogue du premier siècle après J.-C. a donné priorité à la poursuite des fouilles, une œuvre dont l’enjeu est de taille : connaître et pouvoir conceptualiser la Magdala du premier siècle, telle que Jésus et ses disciples l’ont connue. Magdala en hébreu « migdal » (tour) ou en grec « tariquea » (salaisons), ville dont la principale activité économique consistait en la conservation du poisson, n’apparaît pas directement dans les Écritures. Cependant, la figure de Marie Madeleine, originaire de cette ville, tient une grande importance dans les Évangiles. « En outre, l’historien Flavius Josèphe raconte la bataille navale menée dans le port de Magdala contre l’armée de Vespasien pendant la révolte juive en l’an 66 après J.-C. La pèlerine Égérie parle aussi d’une basilique construite sur la maison de Marie-Madeleine » déclare le père Arturo Diaz, Légionnaire du Christ.
Les fouilles de l’équipe archéologique dirigée par le Dr Marcela Zapata de l’Université mexicaine ANAHUAC menées en partenariat avec l’Institut de Recherche Anthropologique de l’UNAM (Université Nationale Autonome du Mexique) ont clairement mis à jour les vestiges de la ville de Magdala qui s’étendent depuis la synagogue jusqu’au sud du terrain.
Malgré l’indifférence initiale des archéologues israéliens face à la méthode de fouilles employée à Magdala, l’équipe du docteur Zapata persista dans la volonté d’expérimenter pour la première fois la méthodologie de la fouille extensive en dehors de son pays d’origine. « C’est là une méthode radicalement différente de celles employées normalement en Israël » explique la docteur Zapata tandis qu’elle m’indique la zone actuellement fouillée par les volontaires, un vaste morceau de terrain. « Chacun s’applique à fouiller son carré de terre, en moyenne deux mètres par deux, sur une profondeur de vingt centimètres, et toujours tous à la fois, en équipe » continue-t-elle. « Cette technique extensive de fouiller permet de découvrir le sol strate par strate dans une zone beaucoup plus étendue en s’arrêtant sur chaque détail, nous dévoilant comment vivaient les habitants de l’époque, qui ils étaient et à quelles activités ils se consacraient » soutient-elle. Finalement, face au succès des fouilles réalisées par l’équipe mexicaine, les Israéliens n’ont pu que reconnaître la qualité de cette méthode pourtant si différente de l’archéologie de sauvetage employée par l’État d’Israël, une méthode beaucoup plus rapide. Deux raisons peuvent expliquer cette dernière : Israël peut compter sur l’histoire, c’est-à-dire sur toute la documentation historique écrite qui explique comment on vivait à chacune des époques traversées sur cette terre. Il reste peu encore à découvrir, même s’il y a toujours place aux découvertes inédites. Cependant il n’en est pas de même en Amérique Latine où chaque découverte archéologique apporte une nouvelle lumière sur quelque chose de complètement inconnu jusque-là. « La méthodologie extensive que nous utilisons pour ces fouilles développée par la docteur Linda Manzanilla, est adaptée à la réalité de notre pays » commente la docteur Zapata. « Si nous l’appliquons à Magdala, c’est parce que nous avons pris le parti de connaître en profondeur comment vivaient les premiers Chrétiens au temps de Jésus » conclut-elle.
Une ville autonome commercialement
« La quantité de pièces de monnaies, de céramiques et d’objets en verre découverts nous conduit à penser que Magdala était au premier siècle une ville juive de grande importance et de grand rayonnement économique. La ville entretenait de bonnes relations avec Rome » commente le docteur Zapata.
Une fois le permis du Ministère des Antiquités d’Israël obtenu en juillet 2010, l’équipe d’archéologues mexicains a décidé d’orienter les fouilles vers un objectif précis : replacer la synagogue dans son contexte c’est-dire avec le reste de la ville et avec sa population. « Qui donc étaient les habitants de Magdala au temps de Jésus ? Comment vivaient-ils ? Quelle était leur principale activité économique ? Juifs, premiers Chrétiens et Romains vivaient-ils ensemble ? », le docteur Zapata pose des questions en l’air mais espère pouvoir y répondre une fois que les fouilles seront terminées, en 2012.
« À l’heure actuelle, il y a trois zones de fouilles ouvertes sur le terrain et après avoir creusé pendant environ un an, nous avons déjà des résultats intéressants : nous n’avons trouvé aucun élément hellénistique ou byzantin jusqu’à ce jour, toutes les pièces – la céramique, le verre…- découvertes datent d’une seule et même période : le premier siècle après J-C. » souligne le docteur Zapata. Le premier espace de fouilles, situé au sud-est de la synagogue, révèle les restes archéologiques d’une maison de notables « Il y a un mikvé privé à l’intérieur ce qui prouve que vivait là une famille de classe privilégiée » explique le docteur Zapata. « En outre, il nous reste encore à déblayer les restes d’une mosaïque de la même période que celle de la synagogue et qui se trouve d’ailleurs à la même profondeur de terrain » souligne le docteur Zapata. Les deux autres espaces réservés à la fouille, situés respectivement au sud et à l’est du terrain, apporteront davantage d’éléments sur la partie de la ville située au bord du lac qui devrait correspondre au port et au marché.
Dernière mise à jour: 31/12/2023 12:17