«Tu as l’air d’une enfant », me lance Fanny, stagiaire à La Terre Sainte alors que je parcours cette nécropole juive de l’époque hérodienne qui se trouve sur les terres d’Aboud, à 800 mètres des dernières demeures du secteur chrétien. C’est vrai, je gambade, je sautille, j’explique en français, en anglais, je mouline des bras… je suis toute excitée d’avoir sous les yeux une réplique de ce que pouvait bien être le jardin de la résurrection. Je suis une amoureuse de la basilique Saint-Sépulcre, et occasionnellement j’y guide de petits groupes avec la ferme intention de leur faire comprendre que nous sommes bien là dans le jardin de la Résurrection.
Les strates du temps, les destructions naturelles ou causées par l’homme, les constructions diverses et variées, les systèmes politiques, les croyances religieuses, les schismes et les nécessités ont fait de cet édifice ce qu’il est devenu : la cathédrale du souk. À l’image du souk. Et je l’aime exactement comme cela, tantôt vide, le plus souvent débordant, bruyant, déconcertant et en même temps et fondamentalement le lieu où aujourd’hui encore le Christ ressuscité nous apparaît sous des traits qui ne nous permettent pas plus de le reconnaître que l’édifice ne nous laisse entrevoir le jardin de la Résurrection. C’est pourtant là et nulle part ailleurs que la mort est vaincue et que nous naissons pour toujours à la vie glorifiée.
Reste que dans cette nécropole d’Aboud je vois de mes yeux ce que je m’évertue à expliquer aux pèlerins que je rencontre.
Le lieu du Sépulcre est une carrière de pierre abandonnée au IIe siècle avant Jésus Christ et la zone se couvrit de végétation tandis que dans les parois rocheuses on creusa des tombes. Et c’est bien où nous sommes ici, dans une carrière abandonnée, on voit la taille des blocs de pierre qui se dessinent en escalier dans la paroi rocheuse, ici ou là, comme au saint Sépulcre, on trouve des tombeaux creusés dans les parois à différents niveaux. (voir aussi le poster central pages 30-31) Comme on trouve des tombes en différents endroits du Saint Sépulcre et avec des architectures différentes. À Aboud ce matin-là, ce n’est pas encore tout à fait une aube d’avril, mais il y a un jardin. Les siècles ont déposé assez de sédiments pour que la végétation se soit déposée un peu partout. Les amandiers sont en fleurs… Dans la bible, l’amandier s’appelle le veilleur. « Que vois-tu, Jérémie ? » Il répondit : « Je vois une branche de veilleur ! » Alors Dieu lui dit : « Tu as bien vu, car je veille sur ma parole pour l’accomplir. » Jer 1, 11. Je pense à cette autre parole biblique extraite du psaume 129 : « Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. » Et je pense à Marie de Magdala venue elle dès l’aube, cherchant le corps du Seigneur dans les buissons et la pénombre. Et je l’imagine si bien là, fouillant un bosquet après l’autre, vérifiant toutes les autres sépultures s’inquiétant, s’afférant comme savent le faire les femmes d’ici jusqu’au moment où elle s’entend appeler par son nom. Si j’étais guide de pèlerins, je conduirais peut-être les groupes à Aboud, pour lire l’apparition à Madeleine. Et pourtant, je ne voudrais pas les détourner du Saint Sépulcre parce que c’est là, précisément là, que le Seigneur veut appeler chacun par son nom dans le tumulte de nos vies, c’est là qu’il veut se faire entendre dans nos cœurs où nous avons couvert le jardin de la Résurrection de toutes sortes de construction pour Sa gloire et beaucoup aussi pour la nôtre… On ne devrait pas visiter le Saint Sépulcre, on devrait le laisser nous appeler.
Dernière mise à jour: 01/01/2024 15:37