« Frère Olivier est quelque part dans le jardin. Bonne chance ! » Le moine installé derrière le comptoir du petit magasin de souvenirs de l’abbaye bénédictine d’Abu-Gosch ne semble pas très confiant. Son confrère, responsable de l’accueil, est un homme très demandé. Et cette journée ne fait pas exception : les groupes de visiteurs défilent. En ce moment, frère Olivier a réuni à l’ombre un groupe de pèlerins venu en bus, issu du diocèse de Metz en France. « Si je peux transmettre un message, ce sera celui-ci : il faut s’aimer et se comprendre ! », explique ce moine de 56 ans, dans sa soutane blanche caractéristique de la congrégation bénédictine de Notre-Dame du Mont-Olivet. Son auditoire est suspendu à ses lèvres.
L’accueillante communauté bénédictine d’Abu-Gosch, près de Jérusalem, est, tout comme le village arabe du même nom – identifié par les croisés comme le site biblique d’Emmaüs – réputé pour ses excellentes relations avec ses voisins juifs.
Lieu de partage
« Les médias ne parlent que des problèmes et des conflits, mais il y a aussi des lieux de partage. Chez nous, il arrive tellement de personnes différentes que cela donne une mosaïque multicolore », affirme frère Olivier. Le bénédictin se trouve dans son élément. Depuis près de 30 ans, il s’engage à faire de son abbaye une maison ouverte à tous : juifs, chrétiens et musulmans, pèlerins et touristes.
Ce citoyen français, qui a même servi dans la marine, est connu pour ses rencontres avec les soldats israéliens. « Tout a débuté par une limonade partagée un jour de canicule en été », raconte-t-il au sujet de sa première rencontre avec le commandant responsable de la formation des soldats à Jérusalem. C’était en 1984. Depuis, des générations de soldats ont visité l’abbaye bénédictine : ils ont été jusqu’à 12 000 par année, ils sont actuellement environ 4 000.
La plupart d’entre eux, affirme le frère Olivier, viennent contre leur volonté et sans conviction. Ce qu’il comprend parfaitement : « Qu’est-ce que de si jeunes soldats israéliens ont à voir avec un vieux moine ? » Mais le changement que le religieux peut alors observer chez eux est d’autant plus étonnant. Beaucoup expriment régulièrement le vœu de revenir sur place, et des contacts étroits se tissent avec certains parmi eux. De telles visites redonnent de l’espoir sur l’avenir du pays, a affirmé un de ces soldats au frère Olivier. Un autre a senti qu’un mur s’était effondré dans son cœur.
Respect mutuel
Frère Olivier, qui parle couramment l’hébreu et a obtenu la nationalité israélienne il y a près de 7 ans, reste néanmoins modeste. « Je ne suis pas un gourou pour ces soldats, comme certains le prétendent. C’est bien plus simple : J’accueille et je reçois quelque chose en retour. » C’est le respect mutuel qui est important, et non les différentes opinions politiques, affirme le bénédictin. Surtout, il faudrait « ne pas vouloir que le vis-à-vis soit comme moi ». Devant les jeunes soldats, il parle librement du message de l’Évangile, mais il ne cherche pas à convertir ses visiteurs. « Je ne le pourrais absolument pas. Ce serait de l’hypocrisie ! »
Et même s’il y a parfois des incompréhensions ou quelques réactions isolées de désapprobation, l’action de ce moine peu ordinaire porte des fruits. Certains soldats parmi les premières générations qu’il a accueillies reviennent en visite, parfois même avec leurs enfants, raconte frère Olivier. « Il ne s’agit peut-être que d’une goutte, mais elle montre que ça fonctionne. C’est pourquoi il est important de continuer », ajoute-t-il, en recueillant des réactions d’approbation de la part des pèlerins français.
Le fait que le religieux ait su attirer la sympathie des soldats israéliens avec sa malice et ses anecdotes ne semble étonner personne. Les pèlerins français sont enthousiasmés par cette rencontre et prennent congé de leur hôte avec des applaudissements nourris et en lui remettant une bouteille d’eau-de-vie de mirabelle en signe de reconnaissance. Frère Olivier leur exprime encore une dernière requête : « Je recommande tout cela à votre prière. Et n’abandonnez jamais l’espoir, sans être naïfs pour autant ! » Un bref coup d’œil sur sa montre, et l’homme très occupé disparaît. C’est l’heure de la prière.
Dernière mise à jour: 01/01/2024 00:05