Les leaders catholiques de Terre Sainte dénoncent un vaste trafic de réfugiés dans le Sinaï
Les leaders catholiques de Terre Sainte ont fait part de leur « profonde préoccupation au sujet de la terrible situation » dans laquelle se trouvent des centaines de demandeurs d’asile africains actuellement retenus en otage dans le Sinaï.
(Milan/e.p.) – Dans une déclaration publiée le 20 mars, l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte a appelé à la « cessation immédiate » du trafic d’êtres humains qui a lieu dans la péninsule, et à une plus grande prise de conscience concernant le sort des quelque 500 personnes retenues en otages dans le Sinaï par des passeurs.
Gérée par des gangs bédouins, cette industrie particulièrement brutale serait en plein essor depuis un an environ. Enhardis par leur apparente impunité, les passeurs extorquent des rançons de plus en plus élevées en échange des migrants kidnappés.
La plupart des otages sont de jeunes demandeurs d’asile érythréens et soudanais, désireux de quitter la région pour une vie meilleure. Chacun d’eux paierait environ 3000 dollars à l’un de ces gangs qui promettent de les faire parvenir jusqu’à la frontière israélienne. Au lieu de cela, ces derniers soumettent les demandeurs d’asile à des tortures quotidiennes et contactent leurs proches dans leur pays d’origine et à l’étranger, exigeant des sommes faramineuses pour leur laisser la vie sauve.
Le pape Benoît XVI avait attiré l’attention sur cette violence et ces abus en décembre 2010, mais la situation des victimes s’est détériorée depuis lors.
Dans leur déclaration du 20 mars, les responsables de l’Eglise Catholique en Terre Sainte ont exhorté les autorités civiles égyptiennes et israéliennes ainsi que la communauté internationale « à intensifier leurs efforts pour lutter contre la poursuite du trafic d’êtres humains dans le Sinaï, et contre les abus, les humiliations, les tortures, les viols et les meurtres qui ne cessent d’y être commis ».
Ceux qui fuient leur pays d’origine en raison de la guerre ou de la violence « doivent être protégés des abus criminels de ceux qui cherchent à profiter d’eux » poursuit la déclaration. « Nous sommes particulièrement horrifiés d’apprendre quel sort épouvantable est réservé aux femmes et aux enfants. »
Le père Mussie Zerai Yosief, président de l’agence Habeshia, un groupe de défense des réfugiés présent dans la Corne de l’Afrique, a indiqué sur Radio Vatican à la fin de l’année dernière, que les dernières demandes de rançon des trafiquants, dont beaucoup sont basés en Libye, en Egypte et au Soudan, s’élevaient à « plus de 40000 dollars par personne ».
Le prêtre érythréen a ajouté que « l’inertie » de la communauté internationale « est une aubaine » pour les criminels, puisqu’elle leur permet de s’enrichir en obligeant des centaines de familles à s’endetter pour emprunter des sommes qu’elles mettront des décennies à rembourser afin de sauver la vie d’un fils, d’une fille ou d’un mari. « Un grand nombre d’entre elles vendent tout ce qu’elles possèdent, ou se retrouvent à la merci des usuriers » a-t-il déclaré.
Il a ajouté que les conventions internationales permettent de faire traduire ces criminels en justice mais que le manque de volonté politique empêche que cela soit le cas dans les faits.
En outre, grâce une vaste enquête menée récemment par la International Commission on Eritrean Refugees (ICER), au cours de laquelle celle-ci a fait appel à des informateurs clandestins, les noms et les numéros de téléphone des trafiquants ont été rendus publics (cliquer ici pour accéder à ces informations et au rapport – en anglais -). Malgré cela, les familles des victimes disent qu’elles attendent de l’Etat d’Israël et plus encore de l’Etat égyptien qu’ils prennent les mesures nécessaires pour éradiquer ce trafic.
Les leaders catholiques ont rappelé aux autorités civiles, en Egypte comme en Israël, l’obligation qui leur incombe de faire cesser ce trafic. Ils ont également rendu hommage aux activistes qui, dans les deux pays, viennent en aide aux victimes des trafiquants.
Les responsables de l’Eglise de Terre Sainte ont encouragé les organisations et les personnes « engagées dans la défense, l’assistance et le conseil aux victimes » à poursuivre leur action.
Les Ordinaires catholiques se sont également engagés à prendre spirituellement en charge les catholiques qui se trouvent parmi les demandeurs d’asile et ont demandé aux autorités israéliennes « de permettre aux aumôniers et à leurs assistants d’avoir accès aux demandeurs d’asile détenus dans des centres de rétention israéliens, afin de leur offrir la consolation spirituelle qu’ils pourraient attendre de l’Eglise ».
Parmi les signataires de la déclaration, on trouve notamment : Monseigneur Fouad Twal, Patriarche latin de Jérusalem, Monseigneur Antonio Franco, Délégué apostolique pour Jérusalem et la Palestine, Elias Chacour, Archevêque melkite catholique d’Acre, Fr. Pierbattista Pizzaballa, O.F.M., Custode de Terre Sainte et Monseigneur Maroun Lahham, Vicaire patriarcal latin pour la Jordanie.