Une centaine de chrétiens coptes ont atterri lundi dernier à Tel Aviv, en provenance du Caire, en violation de l’interdiction de se rendre en Israël qu'avait décrétée leur défunt patriarche, le pape Chenouda III.
(Milan/e.p.) – Une centaine de chrétiens coptes ont atterri lundi dernier à Tel Aviv, en provenance du Caire, en violation de l’interdiction de se rendre en Israël qu’avait décrétée leur défunt patriarche, le pape Chenouda III.
Selon le service d’informations en ligne Ahram, des vols à destination d’Israël, affrétés par la compagnie Air Sinai, ont, la semaine avant l semaine sainte orthodoxe, transporté jusqu’en Terre Sainte un nombre important de coptes chrétiens d’Égypte.
Ahram cite une source officielle de l’aéroport international du Caire, selon laquelle 104 passagers au total ont atterri en Israël vendredi à bord de deux avions au départ du Caire. « C’est une première depuis le traité de paix israélo-égyptien de 1979 » a déclaré cette même source, indiquant qu’il était prévu qu’il y ait deux vols quotidiens à destination de la Terre Sainte.
La nouvelle fait suite au décès, au mois de mars, du pape Chenouda III, patriarche de l’Église copte orthodoxe. Il avait promulgué en 1979 un décret papal interdisant aux coptes de se rendre en Israël, en signe de solidarité avec les Palestiniens soumis à l’occupation israélienne.
Les pèlerinages en provenance d’Égypte furent interrompus après la guerre des Six Jours de 1967, et continuèrent à être interdits, Israël étant alors en guerre avec l’Égypte, durant les onze années qui suivirent, en vertu de la législation nationale et en raison des réalités de la politique en temps de guerre. La mesure fut condamnée par le pape Chenouda III.
Suite aux accords de Camp David et à la signature par la suite du traité de paix entre Israël et l’Égypte en 1979, le tourisme israélien en Égypte connut un essor considérable, mais la réciproque ne fut pas vraie du côté égyptien.
Le traité était impopulaire en Égypte, tout comme les pèlerinages des Égyptiens de confession musulmane en Terre Sainte. Les pèlerinages coptes orthodoxes auraient pourtant pu reprendre et contribuer à la normalisation des relations entre Israël et l’Égypte, mais le pape Chenouda III ne voulut signer aucun décret en ce sens.
En effet, en 1979, alors que le traité de paix israélo-égyptien entrait en application, le pape Chenouda III promulgua un décret papal toujours en vigueur aujourd’hui, interdisant aux coptes orthodoxes de se rendre en Israël. Tout au long des trente-trois années qui se sont écoulées depuis lors, cette interdiction a fait l’objet de nombreux éloges mais aussi de violentes critiques.
D’après un livre d’Alexander Wamboldt, paru en 2009 et intitulé « Le pèlerinage interdit », les raisons pour lesquelles l’interdiction est toujours en vigueur sont obscures. Les partisans de son maintien (des membres du clergé pour la plupart) y voient le résultat conjugué de la volonté de protéger un certain nombre des intérêts de l’Église et des objectifs poursuivis par celle-ci, notamment le maintien de relations pacifiques entre les chrétiens coptes orthodoxes et les musulmans d’Égypte et le désir de fournir une réponse éthique face au conflit israélo-palestinien.
Les opposants à cette interdiction, qui, d’après Wamboldt, sont tous des laïcs coptes, jugent que de tels pèlerinages seraient appropriés pour le salut des membres de l’Église. L’interdiction du pèlerinage en tant que telle leur paraît soit inappropriée (en tant que mesure politique émanant d’une institution apolitique), soit constitutive d’une prise de position éthico-humanitaire, certes noble, mais qui devrait, selon eux, relever d’une décision exclusivement personnelle.
Wamboldt soutient en outre que le pape Chenouda III se servait de positions populaires en Égypte au sujet d’Israël, ainsi que de cette interdiction de se rendre en Terre Sainte, pour renforcer les liens entre la position de l’Église copte orthodoxe et les sentiments nationaux (à la différence d’autres groupes judéo-chrétiens ayant des liens avec Israël).
Wamboldt ajoute que l’interdiction de se rendre à Jérusalem est par conséquent venue incarner « la supériorité doctrinale de l’Église en Égypte à travers cette opposition à Israël ». Il pense aussi que cette politique d’interdiction des pèlerinages en Israël continuera à « à façonner les différents courants à l’intérieur de la communauté copte orthodoxe et à être façonnée par eux, tout en reflétant et en participant à la transformation des fondements de l’Église elle-même ». Il affirme qu’il s’agit là d’un « indicateur de la santé de l’Église » à une époque où l’Église copte orthodoxe connaît une nouvelle période de croissance et de transition au niveau international vers une Église universelle.
En dépit de cette interdiction, toutes ces dernières années, des pèlerins coptes résidant en Égypte avaient déjà fait le pèlerinage. Ils auraient été alors supposés être « excommuniés », ne pas avoir le droit de communier, durant les célébrations pascales à Jéusalem.
Cette année, alors que l’Église copte orthodoxe, a célébré Pâques hier, dimanche 15 avril, conformément à l’ancien calendrier julien, on voyait les pèlerins portés images saintes et foulards à l’effigie du défunt Pape Chénouda tandis que chacune des célébrations ne manquait pas de faire mention de son nom.