Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Quand des réfugiés fêtent Pessah

Fanny Houvenaeghel
5 avril 2012
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Hier soir mercredi, en plein cœur de Tel Aviv, près d’un millier d’africains ont fêté… Pessah, la Pâque juive. L’évènement, ayant rassemblé des réfugiés venant principalement du Soudan, d’Erythrée, d’Ethiopie ou du Congo, était organisé par le Centre de Développement des Réfugiés Africains en coopération avec d’autres organisations caritatives israéliennes. 


(Jerusalem/ f.h) – Hier soir mercredi, en plein cœur de Tel Aviv, près d’un millier d’africains ont fêté… Pessah, la Pâque juive. L’évènement, ayant rassemblé des réfugiés venant principalement du Soudan, d’Erythrée, d’Ethiopie ou du Congo, était organisé par le Centre de Développement des Réfugiés Africains en coopération avec d’autres organisations caritatives israéliennes. 

Étrange idée dira-t-on, car la plupart des réfugiés ne sont pas juifs et ont encore moins entendu parler de cette célébration. Et pourtant… il y avait bien un lien, révélé entre autres par une grande pancarte sur laquelle on pouvait lire « Out of Egypt » (Hors d’Egypte) : tandis que Pessah commémore l’exode des esclaves juifs menés par Moise hors d’Egypte vers la Terre promise, des dizaines de milliers d’africains ont traversé le pays des pharaons pour trouver asile en Israël.

Au rythme des lectures, chansons et prières de la Haggadah (le livre racontant l’exode des juifs d’Egypte) faite sur mesure pour l‘évènement, les invités se sont attablés autour de plats chauds et de matza, le pain azyme que les juifs mangent à Pessah pour se remémorer les temps difficiles d’alors.

C’est la quatrième année consécutive que se tient cet original repas de Pessah. Selon les organisateurs, le but est de créer des connexions entre les Israéliens et les réfugiés en rapprochant les expériences de persécutions et de recherche de liberté de chacun. « Mettre en lumière ces mêmes histoires de fuite peut s’avérer un instrument important pour combler le fossé existant et permettre une meilleure compréhension entre les différentes communautés » estime Sarah, une volontaire allemande. À dire vrai, l’immense majorité des réfugiés ne semblait pas au courant de la raison d’être du rassemblement. Ils étaient venus pour prendre un bon repas et se détendre, plus que pour faire un pas vers l’intégration. Mais peu importe, la soirée s’est très bien déroulée et a au moins réussit quelque chose : divertir les réfugiés.

Plus de 700 assiettes furent remplies et dévorées, re-remplies et re-dévorées. La distribution des oranges fut particulièrement touchante et très appréciée par les réfugiés.

Il était également saisissant de voir le changement des visages au fil des heures. Les timides sourires observables en début de soirée se métamorphosaient peu à peu en véritables rires. Les corps, aussi. Droits et raides la première heure et épousant ensuite la forme des chaises le temps de se remplir l’estomac, ils ont fini par se déchainer. Au son de musiques africaines, une masse mouvante diffusait une énergie peu commune dans le parc Levinsky.

A pied ou en voiture, tous ces réfugiés ont payé au minimum 3 000 dollars pour arriver en Israël, en quête d’une vie meilleure et de liberté. 
La liberté, oui, mais à quel prix ? Aujourd’hui, innombrables sont les rêves brisés, les espoirs cassés. Regroupés dans certains quartiers de Tel Aviv, la majorité des réfugiés est sans travail et privée des services de santé. Elle peine à s’intégrer, notamment à cause des barrières linguistiques et culturelles, et les interactions sont rares entre résidents israéliens et réfugiés. 

Yohaness est chrétien, il vient d’Erythrée. Son exode n’a pas duré 40 ans comme celui des juifs, mais n’en était pas moins épuisant. Ancien soldat, il a déserté son pays et réussi à passer la frontière soudanaise. Du Soudan, il est remonté vers l’Egypte. De l’Egypte, il a traversé le Sinaï et grâce aux indications monnayées des Bédouins, il a atteint la frontière israélienne. « J’ai fui l’Erythrée à cause de l’oppression là-bas, je voulais une vie meilleure. Mais ici la vie est dure, il n’y a pas de travail et je suis seul car toute ma famille est restée dans mon pays. Alors oui, j’ai la liberté, mais si je pouvais, je rentrerai chez moi ».

Ce sont ainsi les enfants qui sont le plus porteurs d’espoirs. En allant à l’école et en apprenant l’hébreu et l’anglais, ils servent de ponts entre les deux communautés. Tamir, réfugié soudanais, confie : « Je n’ai aucune perspective d’avenir ici, mais je travaille pour que ma fille puisse aller à l’école. C’est important. »

La soirée s’est terminée sur les coups de 22h. Kalkidan, une fillette éthiopienne d’une dizaine d’années, raconte épuisée : « Je suis contente d’avoir été ici ce soir, il y avait beaucoup de joie, ce n’était pas comme d’habitude ».

Une trentaine de minutes plus tard, la piste de danse était vide et le parc de jeu transformé en lieu de campement à ciel ouvert. Fin de la fête, remballez les sonos et déroulez les sacs de couchages.

“Si un étranger vient s’installer dans votre pays, ne l’exploitez pas. Traitez-le comme s’il était l’un des vôtres. Tu l’aimeras comme toi-même: car vous avez été vous-mêmes étrangers en Egypte » lit-on dans le Lévitique (19, 34).

Pourtant, au petit matin, la dure de vie des réfugiés a repris aussi soudainement qu’elle s’était arrêtée hier soir pendant 5h de fête. Comme chaque jour, les hommes se sont postés dans les rues et ont attendu indéfiniment qu’on vienne les chercher pour effectuer un quelconque travail… pourvu qu’ils aient de quoi manger.

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