Tout Israël s'est figé ce matin à 10 heures quand une longue sirène a retenti pour marquer l'ouverture des célébrations de Yom HaShoah, le jour de la Shoah. Cette journée, chaque année, rend hommage aux 6 millions de juifs morts durant la Seconde Guerre Mondiale, victimes d'une folie meurtrière qui les visait expressément.
(Jérusalem/f.h) – 10h00, la sirène retentit. Dans les rues de Jérusalem Ouest, majoritairement fréquentées par les israéliens juifs, le temps s’arrête soudain. Pendant deux minutes, plus rien ne bouge : les gens se tiennent debout, immobiles. Les voitures, vélos et même le tramway cessent de circuler. Quelques touristes, ne comprenant pas ce qui se passe, continuent à marcher quelques secondes, avant de s’arrêter quand en deux mots quelqu’un leur explique.
C’est Yom HaShoa, le jour de commémoration de l’Holocauste. Tous les ans depuis 1953, le 27 Nissan est consacré à la mémoire des six millions de juifs tués pendant la Seconde Guerre Mondiale. « C’est le jour de l’année le plus important pour les Juifs, un jour très triste. Six millions, vous vous rendez-compte ? Comment est-ce possible ? Je prie pour que cela n’arrive plus jamais », commente Avi, un israélien de 43 ans.
Hier soir, le Président israélien Shimon Peres et son Premier Ministre Benjamin Netanyahou étaient au musée de l’Holocauste Yad Vashem. Netanyahou a dénoncé la politique iranienne qui « travaille à notre destruction », et a souligné l’importance de tirer des leçons du passé. Le message est clair : « N’oublie jamais, plus jamais ça ». Dans les écoles, la journée est consacrée au souvenir et aux débats. Beaucoup d’enfants se rendent en classe habillés de bleu et de blanc, les couleurs du drapeau israélien. Sur les chaines de télévision défilent des programmes en relation avec la Shoah : témoignages des derniers survivants, images des camps, débats sur la politique sécuritaire d’Israël…
Natasha est nouvelle dans le pays, elle a fait son alyah en décembre dernier. Pour elle, Yom HaShoa est bien plus intense en Israël qu’aux Etats-Unis, où les gens pensent pendant quelques minutes à la tragédie et poursuivent leur routine journalière. « Ici il y a des panneaux d’affichage dans les rues, les gens postent toutes sortes de commentaires sur leur page facebook. C’est très puissant, c’est dans l’air, j’ai l’impression de respirer les mémoires, ça colle à la peau » confie-t-elle.
Mais si on commémore l’Holocauste, on commémore aussi l’héroïsme. En effet, l’appellation exacte de ce jour est « Yom HaZikaron laShoah ve-laG’vurah », littéralement le jour de commémoration de l’Holocauste et de l’Héroïsme. L’idée est de ne pas se focaliser uniquement sur les images de victimes, mais aussi sur les images de résistance. D’un côté les Juifs veulent se souvenir de ce qui s’est passé, ne pas oublier. Mais de l’autre côté, ils ne veulent plus vivre avec ce traumatisme sur les épaules. Ils considèrent qu’Israël n’est pas bâtie par des victimes mais par des hommes forts, des pionniers. Ainsi, le jour de la commémoration de l’Holocauste est aussi le jour de la commémoration de la révolte du ghetto de Varsovie, quand la population juive se souleva et combattit par les armes contre les forces d’occupation allemande. En quelque sorte, ce jour est aussi un jour de fierté nationale, qui rappelle le courage des victimes des nazis.
Yoni a 30 ans, c’est un activiste pour la paix. Il déplore que les arabes israéliens ne respectent pas cette minute de silence. « Je ne dis pas que tous les arabes de la région doivent se taire et se tenir debout pendant deux minutes. Mais les arabes israéliens sont citoyens d’Israël, ils devraient respecter ce jour ». En écho, Jihad (arabe israélien) répond que cette tragédie ne le concerne pas et qu’il ne voit pas pourquoi il devrait y prêter attention.
Plus loin dans la rue, Mirva (une juive yéménite), raconte que même si aucun membre de sa famille ne fut victime des nazis, elle se sent autant touchée que tous les autres Juifs. « Je pense à tous les enfants qui ont péri dans les camps et qui n’ont pas eu la chance de profiter de leur vie. Tout ca parce qu’ils étaient Juifs. Nous voulons vivre en paix avec nos voisins, sans avoir à toujours se méfier. Mais pour le moment ce n’est pas possible car l’antisémitisme est encore très présent. Alors oui je suis pour la paix, mais pas si ma sécurité est en danger. »
A 10h02, la vie reprend son cours. Les gens se remettent à marcher, les moteurs redémarrent. Cependant la tristesse se fait encore sentir. Yonatan est vendeur de cartes à gratter et de grilles de loto, mais il attend peu de clients. Personne ne jouera aujourd’hui, le commerce reprendra demain.