Le respect de la diversité, la liberté religieuse ainsi que le rôle crucial de l’éducation : ce sont les clés que le pape a données aux chrétiens du Liban et à chacun", explique Habib C. Malik, professeur libano-américain, agrégé d'histoire et d'études culturelles à l'Université libano-américaine de Byblos, partageant ses réflexions sur "l’excellente" visite du pape au Pays du Cèdre.
(Milan) – « Le respect de la diversité, la liberté religieuse ainsi que le rôle crucial de l’éducation : ce sont les clés que le pape a données aux chrétiens du Liban et à chacun« , explique l’un des principaux spécialistes de l’expérience historique des minorités chrétiennes au Moyen-Orient.
Habib C. Malik, professeur libano-américain, agrégé d’histoire et d’études culturelles à l’Université libano-américaine de Byblos, a partagé ses réflexions avec Terrasanta.net à propos de « l’excellente« visite du pape au Pays du Cèdre.
Professeur, que pensez-vous de la visite du Pape ?
Le Pape et le Saint-Siège comprennent très bien la situation délicate des chrétiens du Liban et de l’ensemble du Moyen-Orient. La visite du pape au Liban dans le contexte actuel est essentielle car elle souligne l’importance de l’expérience historique de la liberté dont les chrétiens du Liban ont joui et qui les distingue du reste des chrétiens de la région. En adressant son exhortation apostolique à l’ensemble du Moyen-Orient depuis le Liban, le pape a pu insister également sur le rôle central et la liberté des communautés chrétiennes au Liban.
Il a appelé les chrétiens à être des « serviteurs de la paix ». Est-ce un objectif réaliste?
Le pape veut faire revivre dans la mémoire des peuples la manière dont le Liban, avant 1975, était un brillant exemple de la coexistence pacifique et du respect mutuel entre chrétiens et musulmans ; il veut présenter ce modèle positif libanais (par opposition à celui de la fragmentation et des luttes intestines qui ont émergé pendant les années de guerre) comme un modèle pour toute la région. En fait, il explique aux chrétiens du Liban, et à travers eux aux chrétiens du Moyen-Orient que le respect de l’autre, la liberté religieuse ainsi que l’éducation (que le Liban a promu avec succès pendant plusieurs dizaines d’années dans le monde arabe) sont les clés qui permettent à chacun de vivre le message du Christ : être au service de tous dans l’amour.
Le pape a voyagé au Liban pendant une semaine perturbée par la réaction violente à un film blasphématoire contre l’islam, avec des manifestations dans plusieurs pays islamiques et des attaques organisées contre des infrastructures américaines. Comment interprétez-vous ces faits?
L’islam se heurte aux défis de la modernité laïque militante, comme le christianisme s’y est heurté pendant plus de deux siècles. Cependant aujourd’hui, avec Internet et la diffusion mondiale et instantanée de l’actualité, ces attaques provocatrices contre une religion, comme ce film scandaleux, se répandent très rapidement et ont le pouvoir de déclencher des réactions violentes des foules en colère partout dans le monde. Il est évident que la plupart des acteurs de ces violences et de ces attentats perpétrés au nom de la religion n’ont pas vu le film – ceci est un exemple de l’hystérie des masses aveugles. Il faut aussi ajouter que beaucoup d’individus et de forces qui conspirent dans l’ombre ont pour but d’attiser les feux de la haine religieuse et utilisent de telles occasions pour régler leurs comptes avec les États-Unis ou l’Occident en général. Al-Qaïda et les restes d’anciennes dictatures vaincues ainsi que les services de renseignement des puissances rivales sont quelques-uns de ces forces de l’ombre.
Comment est-il possible qu’un film si stupide et grotesque, puisse provoquer la violence de milliers de personnes?
Les musulmans doivent comprendre que chaque jour des attaques similaires, sinon pires contre Dieu, Jésus, Marie, l’Église, le christianisme, etc. surviennent partout dans le monde (sur le web, à Hollywood, dans le monde de l’art, dans des livres et des magazines, partout)… mais les vrais croyants, tout en condamnant ces attaques, ne descendent pas dans la rue pour détruire, blesser et tuer. De plus, les musulmans ne comprennent pas ou n’apprécient pas suffisamment le caractère sacré de la liberté de pensée et d’expression des démocraties occidentales. Les gouvernements occidentaux et leurs ambassades ne sont pas les bonnes cibles pour déverser sa colère, même si cette colère est justifiée. Dans tous les cas, la violence au nom de la religion au point de tuer n’est jamais justifiable. Je crains que ces scènes de foules en colère, avec leur violence aveugle et insensée en réaction aux atteintes à la religion ne deviennent le quotidien du monde islamique à l’avenir.
Cette semaine, il y a aussi eu une confrontation entre le président américain Barack Obama et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Israël va-t-il attaquer l’Iran?
Je ne le pense pas. J’espère que les grandes puissances vont intervenir au bon moment comme ils l’ont toujours fait tout au long de l’histoire de cette région, pour conclure une sorte de pacte ou de grand accord entre eux, à la fois sur la Syrie et l’Iran. Je crois que la Russie et les États-Unis tentent de parvenir à une position de force maximale afin de négocier immédiatement après les élections présidentielles de novembre aux Etats-Unis. Si le président Obama est réélu, il y a une forte probabilité qu’il s’engage dans un accord global avec les Russes
Et si Mitt Romney est élu?
Dans ce cas, l’incertitude est grande parce que beaucoup dans ses rangs à droite ont recours à un langage de menaces et de guerre, beaucoup plus que ne le fait Obama, et aussi parce que dans ce cas, la droite israélienne se sentirait plus libre pour faire pression en vue d’une action militaire… Mon sentiment personnel est qu’Obama a de bonnes chances d’être réélu, et ce sera finalement mieux pour la région. Non seulement il a mis fin à la guerre en Irak mais il tente aussi de mettre fin à la guerre en Afghanistan ; surtout, il n’a pas l’intention de créer de nouveaux conflits.