Sauvegarder la présence des loups dans le nord (Golan et Galilée) et le sud (Néguev) d'Israël, sans qu'il ne prolifèrent. C'est le défi auquel est confronté l'Autorité Israélienne des Parcs Nationaux. D'après un rapport qu'elle a publié en 2012, il y a 160 loups dans le nord du pays. Alors même que 60 y sont abattus chaque année. Les loups sont nombreux pour le territoire dont ils disposent. Mais les (fréquentes) interventions de l'homme fragilisent l'espèce en Israël.
(Jerusalem/d.c) – Le prophète Isaïe serait bien déçu, lui qui annonçait que lorsque viendra le Messie d’Israël, les prédateurs vivront en paix avec leurs proies : les prédateurs cités dans ses prophéties ont presque tous disparu de Terre Sainte. « Le loup habitera avec l’agneau, la panthère se couchera avec le chevreau », est-il écrit dans la Bible. « Le veau, le lionceau et la bête grasse iront ensemble (…). La vache et l’ours paîtront, ensemble se coucheront leurs petits ». (Isaïe, 11, 6-7) Les panthères, les lions et autres ours ne peuplent plus cette région du monde. La disparition de ces prédateurs est-elle le signe que la prophétie est réalisée ? Ou bien faudra-t-il des miracles pour qu’elle se réalise ? Quoi qu’il en soit, il reste un espoir pour que la prophétie se réalise : les hurlements du loup sur le plateau du Golan retentissent, encore.
Un instinct de tueur, une ténacité à toute épreuve, des hurlements qui effraient les uns et qui jetteraient les autres (les chasseurs) sur leur fusil si la chasse était permise. En 2012, dans le Golan et en Galilée, il y avait 160 loups, protégés, répartis en 10 meutes, plus sans doute des individus solitaires. C’est ce que dit un rapport de l’Autorité Israélienne des Parcs Nationaux (AIPN), cité par Haaretz. Il ajoute que 60 loups ont été abattus en 2011, pour réguler le nombre d’individus. Ainsi, les éleveurs ont la permission d’abattre les loups qui pénètrent à l’intérieur des clôtures de leur bétail. Les « rancheros » touchent même 2 000 NIS (400 euros) par loup abattu.
Le district nord d’Israël (Galilée et Golan) fait 4 478 km2. Si l’on estime que les loups ne peuvent occuper que la moitié du district, on obtient une moyenne de un loup pour 14 km2. C’est un territoire très étroit. De plus, compte tenu de la présence de nombreuses villes (Nazareth, Safed, Tibériade…), d’autoroutes et d’autres d’installations humaines, son territoire est sans doute encore plus limité. De fait, le Golan est une des régions du monde qui connaît la plus forte densité… en mines anti-char. Mais aussi en loups !
Alors qu’au nord d’Israël, un ornithologue rapporte avoir vu des « loups gris », c’est le « loup d’Arabie » qui est présent au sud du pays, dans le désert du Néguev, et sans doute jusque dans le désert de Judée.
L’AIPN est confrontée à une équation complexe : pérenniser la présence des loups, sans pour autant qu’ils prolifèrent. Protéger les troupeaux des éleveurs sans couvrir le Golan de barrières. Faire reprendre du poil de la bête aux gazelles – proies naturelles des loups – alors que le nombre de sangliers – eux aussi proies des loups – a diminué ces dernières saisons (ils seraient atteints par une maladie).
« On a rarement l’occasion en Europe d’entendre les loups hurler. Les entendre hurler la nuit dans le Golan donne l’impression d’être dans un endroit naturel vraiment préservé » raconte Charline, une touriste en visite dans le nord d’Israël. En l’absence d’êtres humains et de frontières, ce prédateur régule le nombre de gazelles, sangliers et autres proies. Si le nombre de proies augmente sur son territoire, le loup, en se reproduisant, augmente la taille de sa meute. Une fois la meute élargie, la pression s’accentue sur les proies et leur nombre diminue.
Dans le nord d’Israël, un premier facteur met à mal cet équilibre. La quantité de déchets comestibles (légumes, carcasses de poulet etc) pour le chien errant, le chacal, mais aussi… le loup est importante. Si bien que la croissance de la population des loups peut se déconnecter de la croissance de celle de ses proies.
Lorsque les autorités ramassent les carcasses d’animaux morts dans le Golan, elles veulent d’abord lutter contre la prolifération des chacals. Mais cette politique a un impact collatéral sur les loups qui se nourrissent aussi des animaux morts. Pour trouver leur nourriture, les loups se tournent donc vers le bétail. Et le nombre d’attaques de bétail, spécialement de veaux, augmente, provoquant la colère des éleveurs. Le rapport de l’AIPN relate la mort de 150 bestiaux en 18 mois.
Un deuxième déséquilibre pour les loups : les frontières terrestres qui se multiplient. Passer d’Israël en Jordanie par la vallée du Jourdain n’est pas chose aisée, même pour un loup. Il faudrait franchir au moins une ligne de barrière électrifiée. Israël construit en ce moment le même type de barrière sur sa frontière avec la Syrie, après l’avoir fait sur la frontière avec l’Egypte. En outre, la construction du mur qui encercle la Palestine empêche le passage des loups dans cette vallée qu’ils empruntaient auparavant. Pour compléter le tableau, le gouvernement a financé ces dix dernières années de nombreuses clôtures pour protéger des prédateurs le bétail des kibboutzim du Golan.