Les plus anciens se souviendront de la chanson de Régine “Laissez parler les petits papiers, à l’occasion papier chiffon. Puissent-ils un soir, papier buvard, vous consoler.”
Elle a beau dater de 1965… l’air m’est revenu en tête en les voyant-là joncher le sol. Quel pèlerin se risquant à glisser dans les interstices du mur occidental une prière n’a pas été confronté au problème du manque de place. On estime à plus d’un million les papiers ainsi glissés chaque année. Deux fois par an, à l’occasion du nouvel an juif (en septembre) et de la fête de Pâques (mars avril), le rabbin du Kotel, Shmuel Rabinovitch, aidé d’ouvriers, nettoie méticuleusement les fentes pour les ôter. Certains de ces papiers sont juchés si haut qu’on se demande bien comment ils sont arrivés là.
La tradition d’insérer une prière dans le mur remonterait à 300 ans. Ce serait un rabbin, né au Maroc et décédé à Jérusalem en 1743, Rabbi Ben Moche Ben Attar, qui le premier aurait écrit une prière à insérer dans le mur. Mais il ne le fit pas lui-même. D’ailleurs la prière qu’il écrivit n’était pas pour lui mais pour un homme venu le voir parce qu’il était trop pauvre pour nourrir sa famille. Le rabbin rédigea donc une prière, charge à l’homme d’aller la nicher dans les interstices du mur. Tradition marocaine ou pas, les “petits papiers” portent aujourd’hui un nom yiddish, celui de “Tzetel”.
Selon Rabinovitch, l’esprit de la tradition remonterait à Salomon lui-même qui déclarait que ce lieu serait un lieu où Dieu répondrait à toutes les prières qu’elles soient prononcées par un juif ou non (1 R 8, 22 sq et 2 Ch 6, 12 sq). Et des non juifs, le rabbin Rabinovitch a l’habitude d’en recevoir, dont certains de marque. Mais lui regrette que les prières de Jean-Paul II, Benoît XVI, Barack Obama aient été révélées à la presse. Parce “c’est péché”. D’ailleurs lorsqu’il procède au nettoyage, il informe toute son équipe : “On ne lit rien.”
À chaque “récolte” ce ne sont pas moins de cents sacs remplis de prières. Et que fait-on de cette sainte collecte ? Selon le rabbin du Kotel, la façon la plus “pure” serait de les brûler, mais il lui préfère la façon qu’il estime la plus honorable : les enterrer sur le Mont des Oliviers. Le cimetière le plus cher au cœur du judaïsme car placé sur le trajet qu’empruntera le Messie quand il viendra. Et le Messie, qu’il vienne ou qu’il revienne, pourvu qu’il vienne !
Dernière mise à jour: 30/12/2023 18:25