Ángel Kreiman est rabbin, argentin et vit dorénavant à Jérusalem.
Il compte au nombre de ses amis, le “Père Jorge” comme il l’appelle
et témoigne des liens qui l’unissent au Saint-Père.
Angel Kreiman est le directeur du Centre latino-américain pour l’Entente et la Coopération Judéo-Chrétienne, situé dans le quartier de Ré–havia à Jérusalem. Argentin d’origine et Chilien d’adoption (il s’est vu doté de la nationalité chilienne à titre honorifique après avoir exercé pendant presque 20 ans la fonction de Grand Rabbin du Chili entre 1973 et 1989), Kreiman a entretenu une étroite relation avec le pape récemment élu, dont il se souvient avec sympathie comme le “Père Jorge”, alors qu’il vivait et étudiait le Droit à Buenos Aires.
“J’ai ressenti une grande joie lorsque j’ai appris qu’un homme si bon, si simple, si humble et si proche avait été choisi par le Saint-Esprit pour diriger l’Église catholique en ces temps modernes et difficiles”, raconte le Rabbin devant la Grande Synagogue de la rue King George une demi-heure avant le début de la fête du Shabbat. “En tant que latino-américain, il possède un caractère différent de celui de tous ses prédécesseurs européens”, ajoute-t-il. “Un homme au style jésuite, intelligent et qui partage aussi les valeurs franciscaines puisqu’il fait preuve d’une véritable humilité et modestie”, voilà ce qui caractérise le nouveau pontife.
Kreiman n’en finit pas d’être salué par ceux qui s’apprêtent à entrer dans la synagogue, attestant de sa popularité au sein de sa communauté. “Le choix du nom François n’est pas un hasard, étant donné qu’il symbolise le rapprochement à l’égard des pauvres. Et le nouveau pape est comme cela. C’est une personne qui vit avec les pauvres, avec les malades, avec les déshérités, suivant la tradition des curés qui choisissent d’exercer leur mission dans les bidonvilles et dans les quartiers pauvres afin d’aider ceux qui en ont le plus besoin”, juge-t-il. Un individu qu’il qualifie de “vraiment exceptionnel”.
“Ce qui ne l’empêchera pas par la suite de se montrer ferme dans son rejet de ceux qui pratiquent la violence et le terrorisme”, poursuit-il concernant l’extrémisme religieux, un aspect sur lequel Rabbin Kreiman est particulièrement sensible puisque sa femme Susy trouva la mort lors d’un attentat en juillet 1994 dans le centre de Buenos Aires. “Je l’ai senti très proche à la suite de l’assassinat de mon épouse lors de l’attentat terroriste contre l’AMIA perpétré par des Islamistes fanatiques. Il s’est immédiatement tenu à nos côtés, il est venu tout de suite après la veillée funèbre pour nous présenter ses condoléances”, se rappelle-t-il.
Il souligne également que “le nouveau pape François croit au dialogue inter-religieux car lui-même l’a vécu en permanence ; en effet, c’est un homme qui participe volontiers aux fêtes juives et aux événements de la communauté auxquels il est invité.
Il est très proche du peuple juif, et il s’est toujours senti très proche de la communauté juive en Argentine.”De plus, il explique que le nouveau pontife plaide pour l’approfondissement des relations avec le monde musulman, même s’il met en garde contre les courants de l’islam “qui prêchent la haine et la violence, alors que Dieu nous propose la paix et l’amour”.
Interrogé sur la possibilité que l’esprit œcuménique et inter-religieux du nouveau pape, tout comme cette symbiose particulière qu’il entretient avec la communauté juive, puissent aider à conclure les derniers détails de la négociation sur le nouvel accord bilatéral entre Israël et le Saint-Siège, Kreiman se montre prudent : “Eh bien, comme vous le savez déjà, un conseil rabbinique entier est saisi de cette question, de même que les autorités politiques qui, nous l’espérons, pourront mener ces négociations à bonne fin dans les meilleurs délais”. Ensuite, il termine sur une métaphore antonomastique : “En tout cas, je ne crois pas qu’il y ait deux États entretenant une plus grande relation spirituelle, car tandis que d’autres négocient selon des intérêts géopolitiques et économiques, le Saint-Siège et Israël négocient au nom de Dieu”.
Les juifs rassurés après l’élection du pape François
Après l’annonce de la renonciation du pape Benoît XVI au ministère pétrinien, la communauté juive en Israël et dans le monde a suivi avec une particulière attention l’élection du nouveau pape.
Depuis la déclaration Nostra Aetate du Concile Vatican II sur les religions non chrétiennes et notamment le judaïsme, les relations judéo-chrétiennes se sont grandement améliorées. Pour la communauté juive, chaque changement de pape amène son lot d’interrogations. Quelle attitude le nouveau chef de l’Église catholique adoptera-t-il vis-à-vis du judaïsme ? Ils n’ont pas été déçus par Jean-Paul II ni par Benoît XVI à tel point qu’on sentait une pointe d’inquiétude à l’idée d’un nouveau changement. D’autant que comme l’a rapporté le rabbin Rosen, grande figure du dialogue entre le judaïsme et l’Église catholique, “les vaticanistes, avaient dit que l’accent mis par le Vatican sur les relations avec les juifs allait diminuer après Benoît XVI, et que nous aurions un pape qui ne s’intéresserait pas particulièrement à cette question. Ils se sont trompés.” commentait-il avec satisfaction.
Avec l’élection du cardinal Bergoglio, voilà les juifs rassurés. Deux heures après l’apparition du pape François au balcon du Vatican, les réseaux sociaux faisaient déjà circuler une vidéo du cardinal de Buenos Aires participant à l’allumage des bougies de la fête de Hanouka, la fête des lumières, en décembre dernier à Buenos Aires.
Depuis, la presse juive a abondamment commenté la proximité de Mgr Bergoglio avec la communauté. Plusieurs de ses amis juifs ont témoigné. Certains d’entre eux ont même commenté au-delà des intérêts de la communauté juive. Ainsi son ami intime Baruch Tenenbaum qui a déclaré : “Il est un motif d’espérance. Je suis sûr qu’il saura trouver la voie du dialogue avec les fidèles musulmans”.
Au cours de son allocution devant les représentants des Églises chrétiennes et des autres religions, le pape François s’est tourné d’une manière spéciale vers les délégués du peuple juif. “Ce qui nous lie – a-t-il dit – est un très spécial lien spirituel, puisque, comme l’affirme le Concile Vatican II, “l’Église du Christ reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du Salut dans les patriarches, Moïse et les prophètes”. Je vous remercie de votre présence et je suis convaincu qu’avec l’aide du Tout-Puissant, nous pourrons continuer le dialogue fraternel que le Concile espère et qu’il a effectivement entamé, portant déjà quelques fruits, en particulier au cours des dernières décennies.”
Un salut spécial qui fut particulièrement apprécié par l’ensemble de la communauté juive. M.-A. B
Au lendemain de l’inauguration de son pontificat, le pape François a reçu plusieurs invitations à visiter la Terre Sainte. Lors d’une rencontre avec les représentants des Églises chrétiennes et des autres religions, le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, a proposé au Saint-Père d’aller ensemble en Terre Sainte en 2014, pour commémorer le 50e anniversaire de l’étreinte historique entre le patriarche Athénagoras et le pape Paul VI, pionniers du dialogue catholique-orthodoxe.
Une invitation qui lui a été faite par ailleurs par le président israélien Shimon Peres qui “l’a invité à venir en Israël dès que possible pour promouvoir la paix dans une “région orageuse”, et par le président palestinien Mahmoud Abbas, qui a souhaité que le pape visite Bethléem, la ville qui a vu naître Jésus, et a dit son espoir qu’il contribuerait à la paix en Terre Sainte.
Une invitation réitérée déjà à plusieurs reprises par le patriarche latin de Jérusalem Mgr Fouad Twal : “Saint-Père, la Terre Sainte attend avec chaleur et impatience d’avoir l’honneur et la joie de vous accueillir ici sur la Terre du Salut. Soyez le bienvenu : ‘Ahlan wa sahlan’!”
M.-A. B
Dernière mise à jour: 30/12/2023 15:55