Il m’a fallu une dizaine de visites pour enfin entrer dans le monastère. Je n’avais jamais pensé à sonner la cloche. Entrer par effraction ou briser le silence, “même combat”. La semaine dernière, le moine hôtelier était assis sous un olivier. La porte était ouverte. Le devoir d’hospitalité des moines à l’épreuve du nombre de pèlerins… Au Moyen-âge déjà, les moines avaient des règles qui limitaient l’accueil des pèlerins. Ces derniers ne devaient pas rester plus de trois jours par exemple. Un moine nous fait passer dans l’église principale. Sur la terrasse qui domine la vallée du Cédron, on a le droit de prendre des photos. C’est bien le seul endroit. C’est aussi le seul qui ne nous intéresse pas ! Heureusement, les photos de l’article – soulignons leur caractère exceptionnel – viendront combler ce vide. Puis le moine est pressé de nous offrir un café. Ce qui signe, selon l’usage local, la fin de la visite et le début de notre marche dans le désert. Content de cette visite, on sent qu’il faut partir, qu’il faut laisser ces hommes vivre à un autre rythme, le leur, tellement hors du temps. Nous sommes bien contents quant à nous d’aller découvrir l’hyrcania, une forteresse en ruine qui aurait été construite par Jean Hyrcan, ethnarque Juif de Judée, 120 ans avant J.-C.
La première fois que je suis allé à Mar Saba, un ami Palestinien m’a montré le chemin qui passe au-dessus du monastère en m’expliquant qu’il emprunte le tracé d’une voie romaine. C’était en fin d’après-midi. J’étais venu là pour prendre l’air. En effet, ce chemin qui traverse le désert est pavé sur certaines longueurs. Au sol, il me montrait le fil du temps, le témoignage du travail séculaire des hommes sur cet espace a priori hostile et presque inhabité. Un peu plus loin, à deux ou trois kilomètres selon différentes échelles de Google maps, se trouve l’hyrcania.
Au milieu du désert, Mar Saba attire toute sorte de gens : les moines qui viennent de Grèce, de Russie, de Roumanie et des États-Unis. Il attire aussi les pèlerins orthodoxes qui viennent visiter un monastère que quinze siècles ininterrompus de monachisme – un des plus vieux au monde – ont élevé au rang de lieu saint. Il attire les Palestiniens chrétiens qui viennent visiter les moines ; et les autres, plus nombreux que ce que l’on imaginait, qui viennent travailler au monastère. Il y a aussi deux jeunes bédouins qui mendient. Quelques Palestiniens musulmans sont venus en famille faire un barbecue à l’ombre de la tour. Il attire enfin des colons qui passent en 4*4… Et moi.
À vol d’oiseau, Mar Saba est à une vingtaine de kilomètres de Bethléem, dans les Territoires palestiniens. C’est le réseau de transport arabe de Cisjordanie que l’on prend : un bus qui de la porte de Damas à Jérusalem nous emmène à Bethléem, puis un taxi qui nous dépose à Mar Saba. Des hauteurs de Mar Saba, on a une vue dégagée sur la dépression de la Mer Morte. On peut y descendre en quelques heures de marche. La descente finale – escarpée – pour la Mer Morte se fait au nord du Wadi Cédron.
Dernière mise à jour: 30/12/2023 15:38