En mai dernier, ils étaient des dizaines de milliers de juifs ultra orthodoxes à protester contre le projet de loi qui entend les soumettre au service militaire, tout comme les laïcs. Mais mercredi dernier, la commission parlementaire chargée d’établir le plan de conscription de leurs jeunes a mis un point final à son projet de loi. Bientôt aux armes citoyens.
(Jérusalem/c.d.) – Le shofar a sonné pour les Juifs ultra-orthodoxes exemptés jusqu’à présent, pour la plupart, du service militaire israélien. Mercredi dernier, la commission parlementaire chargée d’établir le plan de conscription de leurs jeunes a mis un point final à son projet de loi.
Pour essayer de désamorcer le conflit avec les ultra-orthodoxes, dont un certain nombre ne veulent pas entendre parler d’un État d’Israël avant la venue du Messie, la commission a décidé d’un échéancier sans céder sur l’essentiel : « partager le fardeau » de la citoyenneté.
Au cours d’une opération de séduction, les appelant « mes frères haredim », le Ministre des finances, Yair Lapid (centre), s’est adressé aux ultra-orthodoxes mercredi dernier en conférence de presse : « Nous avons besoin de vous, les armes à la main, pour protéger nos vies, et les vôtres. »
L’État d’Israël est encore officiellement en guerre avec plusieurs de ses voisins. On assiste dans les Territoires palestiniens occupés, qui sont sous le commandement militaire de l’armée israélienne, à un déploiement militaire important.
La conscription des Juifs ultra-orthodoxes, qui représentent 10% de la population israélienne, a été un thème de campagne très débattu lors des élections législatives de janvier dernier. C’est autour de cette question que les divers courants politiques entrés dans le gouvernement Nétanyahou se sont réunis. A l’occasion de ces élections, les partis ultra-orthodoxes ont été évincés du gouvernement.
Le projet de loi doit encore être validé par le gouvernement et voté (éventuellement amendé) par le parlement.
C’est au nom de l’égalité de traitement entre les citoyens israéliens que la plus haute instance juridique israélienne, la Cour suprême, avait annulée en 2012 la loi Tal, votée en 2001. Cette loi exemptait les haredim, autre nom des ultra-orthodoxes, de service militaire.
Des manifestations ont eu lieu à Jérusalem et dans d’autres villes où ils sont très présents. Ces manifestations ont réuni jusqu’à 30 000 personnes.
L’objectif est de recruter dans les rangs de Tsahal, l’armée israélienne, 3 200 jeunes ultra-orthodoxes par an d’ici 2017, contre 1 300 aujourd’hui. 8 000 jeunes hommes haredim arrivent à l’âge de la conscription chaque année, selon les chiffres donnés par l’agence de presse Reuters.
Les jeunes restant devront être orientés, d’ici 2017, vers un service civil. Les jeunes femmes, qui souvent se marient à la fin de leur adolescence, resteront exemptées. Pour les plus doués de ces jeunes, 1 800 exemptions maximum seront accordées par an.
A l’été 2011, des manifestations rassemblant des centaines de milliers de personnes s’étaient levées pour dénoncer des injustices de la société israélienne. Entre autres : les avantages conquis par les ultra-orthodoxes grâce à leur influence politique. Introduits dans les coalitions gouvernementales depuis les années 70, ils reçoivent des aides sociales implorantes, sans participer à l’effort militaire.
En vertu d’un accord qu’ils avaient passé aux origines de l’État d’Israël avec le gouvernement et qui avait toujours été renouvelé depuis, les haredim étaient dispensés de faire, à l’âge de 18 ans, trois ans de service militaire pour les garçons et deux ans pour les filles. Pour cela, ils devaient justifier de leur enrôlement dans une yeshivah, une école talmudique.
On est loin aujourd’hui des 400 exemptions accordées par Ben Gourion à la fondation de l’État d’Israël. C’est une communauté en forte expansion : quand un tiers des Juifs de Jérusalem se déclarent ultra-orthodoxes, ce sont les deux tiers des élèves juifs des écoles de la ville qui appartiennent à la communauté.
Deux jours avant la sortie du plan, les ministres du parti de Yair Lapid, arrivé en seconde position aux dernières élections en capitalisant sur les revendications d’égalité sociale formulées par les classes moyennes, ont menacé de démissionner si le projet n’aboutissait pas.
Le taux d’enrôlement des jeunes ultra-orthodoxes est aujourd’hui de 15%, contre 75% pour l’ensemble de la population. Certaines minorités, les druzes et les circassiens, sont aussi enrôlés. Les arabes israéliens, en revanche, en sont dispensés.
Autour de la conscription des haredim, se dessine la place de chaque communauté dans la société israélienne.