Raconter les racines du christianisme et des lieux qui en portent la mémoire, ainsi se définit l’ambitieux projet que s’est fixé la Custodie de Terre Sainte et pour la réalisation duquel elle entend aménager trois nouveaux musées dans la Vieille Ville de Jérusalem.
“Ce pays a une histoire où la présence juive est évidente, la présence musulmane est évidente, et où la présence chrétienne est elle aussi évidente. Toutefois, elle a besoin d’être montrée davantage et de se faire mieux connaître.” C’est par ces mots que le Custode, frère Pierbattista Pizzaballa, présente la motivation initiale du nouveau projet culturel porté par la Custodie de Terre Sainte.
“Nous avons remarqué qu’il n’y avait pas de musée sur l’histoire de la présence chrétienne en Terre Sainte, ou bien uniquement de petites présentations, mais rien de systématique. Il fallait donc faire quelque chose, car les chrétiens ont toujours vécu ici, et ils y vivent encore aujourd’hui, même s’ils sont minoritaires. Ils sont une présence culturellement très active et très riche, qui a contribué de façon importante à construire des relations, pas seulement avec la population locale mais aussi avec de nombreuses sociétés dans le monde. C’est une réalité qu’il est bon de faire connaître”, poursuit le Custode.
Forts de ce constat c’est donc un projet de musée que les Franciscains de Terre Sainte, entourés de spécialistes, ont commencé à envisager, il y a trois ans.
Le projet depuis a pris un nom qui porte son ambition Terra Sancta Museum 2015. Ce n’est pas un mais trois musées que la Custodie espère ouvrir à partir de 2015. Les bâtiments existent, car les musées seront accueillis dans l’enceinte même de deux des couvents de la Vieille Ville de Jérusalem.
C’est en exposant le matériel de leur propre patrimoine dans des expositions permanentes, que les religieux veulent faire découvrir l’histoire de cette terre fascinante où s’entrecroisent depuis des millénaires les destins des différents peuples cohabitant dans les lieux sacrés des trois grandes religions monothéistes. Le Terra Sancta Museum, en exposant des pièces archéologiques et des œuvres d’une extraordinaire importance historique et artistique – comme en a déjà été témoin l’exposition Le Trésor du Saint Sépulcre au château de Versailles (1) – dévoilera l’histoire chrétienne et franciscaine en Terre Sainte. Avec l’ouverture au grand public d’un complexe de musées modernes, les Franciscains de la Custodie souhaitent valoriser le patrimoine artistique, archéologique et culturel qu’ils ont acquis et conservé au cours des huit siècles de leur présence sur cette terre comme gardiens des Lieux Saints, lieux de la vie de Jésus.
Au coeur des couvents
En tout ce seront 2 573 m2, disponibles pour l’exposition, dans trois musées : archéologique, multimédia et historique, situés sur deux sites. Le couvent de la Flagellation, à la deuxième station du chemin de croix accueillera le musée archéologique, dans les locaux de l’actuel musée ouvert dès 1902 et dont la muséographie sera (une nouvelle fois) complètement revue et modernisée.
Une section offrira un pèlerinage archéologique avec du matériel issus des sanctuaires les plus importants de la vie de Jésus.
Une autre section présentera les collections que les chercheurs du Studium Biblicum, la faculté d’enseignement d’histoire et archéologie biblique ouverte par les Franciscains en 1924, ont recueillies au fil des ans.
À côté de cet espace, le couvent de la Flagellation abritera également, dans l’actuel lapidarium, le musée multimédia. Des vidéos de courte durée pourront facilement s’insérer dans le programme des pèlerinages. Le fil conducteur de l’installation partira du présent pour procéder ensuite à rebours jusqu’à l’époque de Jésus, retraçant l’évolution du changement urbain de la Ville Sainte selon les interprétations les plus récentes.
Le troisième musée ouvrira lui ses portes dans le couvent Saint-Sauveur des Franciscains Porte Neuve. Il sera plus spécifiquement consacré à la présence franciscaine en Terre Sainte. Le patrimoine artistique de la Custodie se compose de sculptures, de peintures, d’orfèvreries, de vases rares de pharmacie, de livres enluminés, d’ornements et objets liturgiques et de documents d’archives d’une valeur inestimable. Jamais exposé au public, ce patrimoine ne dit pas seulement l’histoire des franciscains mais l’universalité de la ville de Jérusalem qui a de tout temps attiré à elle les chrétiens du monde entier.
Passé gage d’avenir
Interrogé sur ce désir de miser sur la culture et l’histoire, le custode de Terre Sainte explique encore : “En cette terre, notre présence et les chrétiens n’ont pas seulement besoin de travail et de pain, mais aussi de sens. Le projet naît d’un désir général d’investir dans la culture et dans l’histoire, mais également d’un désir caché de connaître notre passé, afin de nourrir un sentiment d’appartenance plus fort, une identité mieux définie. À Jérusalem, cette nécessité se ressent de manière évidente. Et cela ne peut pas se faire sans l’histoire et sans savoir ce que nous avons été. Nous avons besoin de relire et de connaître notre histoire pour pouvoir vivre le présent d’une manière plus sereine. Si nous nous rendons compte que la plupart des phénomènes actuels (sociaux, politiques, religieux) ont déjà été vécus par nos pères et par nos grands-pères, nous pouvons redimensionner les problèmes, les relativiser, prendre de la distance, afin de trouver la force de construire et d’investir dans le futur.”
Ce faisant la Custodie ne se fait pas plaisir, mais elle continue d’œuvrer à la mission qui lui est assignée au service des chrétiens de Terre Sainte comme aime à le faire valoir Frère Pizzaballa :
“Le musée sera source de développement social et économique pour la population locale également. Les musées, les archives et les bibliothèques ne sont pas seulement des dépôts où l’on conserve du matériel, ce sont aussi des institutions culturelles qui ont une retombée économique et qui créent des opportunités d’emploi pour la communauté résidente, pas seulement de religion chrétienne. Ceci est aussi un des devoirs que la Custodie assume depuis plusieurs siècles sur ce territoire. Dans les lieux où naîtra le musée, il y avait jadis un atelier de cordonnerie, de menuiserie, une ferronnerie, etc dans lesquels les frères enseignaient ces métiers aux populations locales. Aujourd’hui, ces réalités n’existent plus car les temps ont changé, mais l’idée est de continuer, de créer d’autres opportunités, de prolonger ce lien, cette relation de nature également économique, avec cette terre.”
Enfin la Custodie espère que les musées créeront des liens entre les différentes populations du pays qui ne manqueront pas de se croiser dans les couloirs des musées sur lesquels plane toujours l’esprit de l’artisan de paix qu’était saint François d’Assise.
Voir “Le trésor du Saint-Sépulcre” in Terre Sainte Magazine n° 623, janvier février 2013.
Dernière mise à jour: 30/12/2023 19:02