Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Massada, l’ultime rempart des Zélotes

texte : Pietro Kaswalder, Photos Rosario Pierri
30 septembre 2013
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La mer Morte s’étend sur 80 km dans le prolongement de la dépression du Jourdain, entre le désert de Juda et la montagne de Moab. La rive occidentale, en grande partie formée d’escarpements et de côtes inaccessibles, est l’unique route praticable menant de Jéricho à la mer Rouge.


Massada se situe à 70 km au sud de Jéricho et l’on y arrive en longeant la mer Morte sur ce versant. Il est encore aujourd’hui possible de parcourir les vieux sentiers qui mènent à la forteresse en descendant de la montagne d’Hébron. À partir de cette zone, l’accès en voiture depuis l’occident n’est possible qu’au départ d’Arad.
Le long de la mer Morte, se trouvent des oasis naturelles, des exploitations agricoles ainsi que des fortins militaires dont la présence remonte à l’Antiquité. Le texte géographique de Jos 15, 61 parle simplement de “désert”, sans distinction, et cette zone est effectivement une terre désertique et peu hospitalière. Après avoir dépassé l’oasis d’Ein Gedi, l’on arrive au pied de Massada, le piton naturel sur lequel Hérode le Grand construisit plusieurs palais dignes d’admiration.
Après avoir dépassé Massada, on atteint la plage d’Ein Bokek, une ancienne station thermale encore en activité de nos jours, où était construit un fortin militaire. La route continue en direction de l’Arabah, où elle rencontre la terre désolée de la montagne de Sodome et croise les voies de communication descendant d’Arad et de Mamshit.
Face à Massada, sur le versant oriental de la mer Morte, s’étend la plaine de Ghor el Safi qui monte en direction d’Al-Karak, l’ancienne capitale de Moab.

Massada gravée dans la mémoire de Flavius Josèphe

Massada est une résidence-forteresse construite sur un éperon rocheux détaché de la montagne. Elle s’élève à 440 m au-dessus de la mer Morte et à environ 50 m au-dessus du niveau de la mer. La surface sommitale, 600 m de long et 300 m de large, peut accueillir un grand nombre de personnes. Dans son récit portant sur la résistance aux troupes romaines, Flavius Josèphe écrit qu’environ 1 000 zélotes, entre les militaires et leurs familles, s’y étaient retranchés.
L’historien raconte avec abondance de détails l’histoire de ce site devenu le symbole de l’épopée juive. Il s’attarde avec admiration sur les constructions d’Hérode et exalte la défense héroïque des zélotes contre les légions de Lucius Flavius Silva. Le sentier du Serpent, les camps des légionnaires, les citernes, le mur d’enceinte protégeant la montagne, les tours défensives et les commodités des palais royaux sont fidèlement décrits. Un vrai plaisir pour les archéologues qui ont étudié et étudient encore le site, ainsi que pour les touristes qui désirent visiter le site tout en parcourant les pages de l’historien juif.
Josèphe poursuit à l’évidence deux objectifs. D’une part, il entend célébrer la grandeur d’Hérode, et de l’autre, il souhaite exalter la résistance des zélotes, dont l’ultime action (le suicide collectif) marque le début du mythe de Massada.

La recherche archéologique

Après la phase des explorations, les premières fouilles à Massada (Khirbet es-Sebbe) furent dirigées par Ygael Yadin de 1963 à 1965. Une seconde série de fouilles fut conduite par Ehud Netzer entre 1989 et 2000. De nos jours, les travaux de restauration des monuments sont toujours en cours. Les fouilles fournissent des données sur les monuments de Massada confirmant la crédibilité du témoignage de Flavius Josèphe.
La montagne avait été choisie par les Hasmonéens (167 à 37 av. J-C) en vue d’y construire une résidence princière et une forteresse sur la frontière qui les séparait des Nabatéens.
La reconstruction par Hérode le Grand à partir de 37 av. J-C effaça toute trace des édifices hasmonéens et se déroula en trois phases. La première commença probablement vers 35 av. J-C et vit la construction du palais occidental qui mesure 23,5 x 28 m. Cette structure abrite dans ses thermes une magnifique mosaïque,
parfaitement bien conservée. La deuxième phase, après 25 av. J-C, correspondit au palais nord, construit sur trois niveaux de hauteur. Par rapport au palais supérieur, le palais intermédiaire se situe 15 m plus bas et le palais inférieur 35 m plus bas. Les trois palais ont été conçus en trois formes géométriques différentes : rectangulaire en haut, circulaire en position médiane et carré en bas.
Le palais supérieur, doté de 4 chambres séparées par une salle de 7,5 x 11,5 m, servait d’espace domestique. Le sol des chambres était couvert de mosaïques aux motifs géométriques de couleurs blanche et noire. Les murs étaient ornés de fresques. Un portique dystile s’ouvrait depuis la salle, donnant sur un grand balcon semi-circulaire exposé au nord. Cette structure présentait un rayon de 9 m et deux rangées de colonnes.
Un escalier permettait de rejoindre le palais situé en dessous, à savoir le palais intermédiaire.
Le mur extérieur, d’un diamètre de 15 m, était surmonté de colonnes. Le cercle intérieur de 10 m de diamètre formait une tholos, une salle de réception. À l’est de la salle, se trouve une pièce dont la fonction n’est pas claire. Le mur adossé à la roche présente encore 5 niches qui pouvaient contenir des statues ou d’autres objets. Le palais était pourvu d’une petite piscine et d’un bain rituel.
Le palais inférieur est le mieux préservé. Il occupe une aire de 17,6 x 17,6 m et servait de terrasse en plein air. Au centre, se trouve une salle de 9 x 10 m, délimitée par des colonnes sur les quatre côtés. Les murs de la structure étaient ornés de fresques et de stucs en plâtre. Sur le côté est, il y avait un petit complexe thermal, plus bas que la grande salle.
Bien qu’ils se trouvent à une certaine distance, les thermes sont reliés au palais nord. L’entrée est composée de la palestre
(8,4 x 18 m), dont les sols sont recouverts de mosaïques aux tesselles blanches et noires ; le motif hexagonal est prédominant. La structure des thermes couvre une aire de 11,5 x 17,5 m et comprend le vestiaire, le tépidarium, le frigidarium et le caldarium. Cette dernière salle, un carré de 6,6 m de côté, était recouverte d’une coupole. Les petites colonnes de soutien du sol et quelques tuyaux de circulation de l’air chaud sont extrêmement bien conservés.
Les casernes pour les soldats et les entrepôts-dépôts avaient été construits afin de protéger le palais royal. Quelques traces de peintures sur plâtre de style pompéien ont été récemment restaurées.
Lors de la troisième phase intervenue en 15 av. J-C, fut construit le mur défensif doté de casemates d’une longueur de 1.400 m et d’une largeur de 4 m en moyenne.
Le mur était protégé par 37 tours placées à intervalles irréguliers. Quatre portes donnaient accès à la cité : à l’est une porte montant du sentier du Serpent, du sud une venant de la vallée, à l’ouest la porte principale, celle que les soldats romains défoncèrent à l’aide d’un bélier lors de l’assaut final, et au nord la porte des Eaux, près du palais septentrional.
Après la conquête de la forteresse par les rebelles juifs en 66 ap. J-C, l’aspect militaire du lieu se renforça. Les rebelles érigèrent également quelques structures publiques à caractère religieux, parmi lesquelles la synagogue et plusieurs bains rituels.
Les aqueducs et les citernes destinés à l’approvisionnement en eau représentent d’importants ouvrages hydrauliques. Un aqueduc d’1,4 m de large acheminait les eaux de la vallée de Massada aux citernes supérieures. Un autre canal provenant de la vallée de Ben Yaïr ravitaillait les citernes inférieures. On compte 8 grandes citernes, 4 sur la ligne supérieure et 4 sur la ligne inférieure. La réserve d’eau représentait un total de 40 000 m3.
Les Romains imposèrent un siège infranchissable. Les soldats construisirent le mur d’enceinte (vallus) alterné de 8 camps militaires et de plusieurs tours d’observation. Le point le plus faible de Massada était le flanc occidental, et ce fut à cet endroit que les légionnaires construisirent une gigantesque rampe (agger) afin d’approcher les machines d’assaut, les tours et les béliers. Le défoncement de la porte et des tours défensives du mur ouest fut mené à terme par les soldats de la legio decima fretensis sous le commandement de Lucius Flavius Silva à la veille de Pâques en 73 ap. J-C. D’après Flavius Josèphe, tous les habitants de Massada se suicidèrent la nuit précédente, mais les historiens doutent de l’authenticité de cette information qui a rendu Massada célèbre.
À l’époque byzantine, aux Ve et VIe siècle ap. J-C, une communauté de moines occupa plusieurs grottes et construisit la petite église au centre de l’esplanade supérieure. Une partie de la mosaïque de la sacristie demeure. Elle présente 16 médaillons dotés de fleurs, de fruits et d’une corbeille de raisins. Des tessons de céramique incrustés dans le plâtre forment une jolie décoration des murs. Les moines créèrent un accès à Massada sur le versant occidental en exploitant la rampe romaine.

Les manuscrits

Lors des fouilles réalisées à Massada, nombre d’objets matériels datant de l’époque hérodienne jusqu’à zélote (39 av. J-C – 73 ap. J-C) ont été trouvés : monnaies, ostraca, vases en céramique, lampes à huile, tissus, sandales, outils de travail, armes, frondes, pointes de flèches et lances, objets en bois et en os forment le trésor aujourd’hui conservé au musée archéologique aménagé à l’entrée du site.
Les objets les plus précieux sont les fragments de parchemin présentant des textes de l’Ancien Testament et des prières du rite synagogal. Ce sont des fragments du Lévitique, du Deutéronome, de certains Psaumes et du prophète Ézéchiel. Parmi les apocryphes, on trouve le Livre des Jubilés et parmi les textes liturgiques, les prières du samedi. Certains manuscrits semblent provenir de Qumrân, ce qui suggère une proximité entre les esséniens et les zélotes lors de la rébellion de la Judée contre Rome.
La découverte du Siracide en langue hébraïque a revêtu une importance toute particulière. Ce livre n’a pas été intégré au canon biblique juif car il n’existait alors qu’en grec. Les chapitres 39,27 à 44,17 du Siracide en hébreu ont été retrouvés à Massada, lesquels s’ajoutent au manuscrit de ce même livre, toujours en langue hébraïque, trouvé dans la Guenizah de la synagogue du Caire. Le Siracide en langue grecque est donc une traduction d’un original hébreu.

La synagogue

Une des plus importantes découvertes archéologiques de Massada fut la synagogue. Construite après la conquête de la forteresse (66 ap. J-C) par Menahem Ben Yaïr le Galiléen, chef des zélotes, elle fut détruite en 73 ap. J-C en même temps que les autres édifices. Elle est approximativement orientée vers le nord, en direction de Jérusalem. Avec celles d’Hérodion, de Magdala et de Gamla, la beit knesset de Massada est l’une des quatre synagogues détruites lors de la première révolte contre Rome pour l’heure retrouvées.
La synagogue de Massada fut construite en adaptant une casemate du mur occidental. Elle présente la forme d’un L, l’angle nord-ouest ayant été transformé en dépôt. La structure mesure 10,5 x 12,5 m et possédait 5 colonnes pour soutenir le plafond et des bancs pour les fidèles sur trois côtés. Il n’était pas prévu d’emplacement fixe pour la Torah qui était probablement conservée dans la salle de service. C’est dans les lieux proches de la synagogue que la plupart des fragments de rouleaux présentant les textes bibliques ont été trouvés.

Dernière mise à jour: 30/12/2023 23:26