Quelques jours avant la «révolution du 30 Juin», Tawadros II, le pape copte d'Alexandrie d'Egypte, avait essayé de convaincre le président Mohammed Morsi de prendre au sérieux les revendications des manifestants. Mais il dut faire face à son refus. Le pape Tawadros s’en est ouvert lundi dans une interview exclusive accordée au journal égyptien Watani.
(Milan / c.g) – Quelques jours avant la «révolution du 30 Juin», Tawadros II, le pape copte d’Alexandrie d’Egypte, avait essayé de convaincre le président Mohammed Morsi de prendre au sérieux les revendications des manifestants. Mais il dut faire face au refus du chef d’État, qui quelques jours plus tard fut destitué. Le pape Tawadros s’en est ouvert lundi dans une interview exclusive accordée au journal égyptien Watani. Pour la première fois, il livre son point de vue sur les jours tourmentés de cette seconde révolution.
« Au cours de cette année de mandat, j’ai rencontré deux fois le président Morsi au palais présidentiel », a déclaré le pape Tawadros II dans une interview à Watani. « Une troisième fois, nous nous sommes rencontrés en allant déposer une gerbe au cimetière militaire, puis une quatrième pour la cérémonie d’ouverture du Parlement. Occasions formelles au cours desquelles nous n’avons jamais échangé nos points de vue. Mais notre rencontre du 18 juin, cependant, fut complètement différente : avec Ahmed al Tayeb, grand imam d’Al-Azhar, nous avons demandé une audience avec le président. Al Tayeb et moi avions constaté que l’Egypte était dans une situation critique, insoutenable, et incertaine. Inspirés par un vrai patriotisme, nous avons demandé à parler avec le président, pour parvenir à un accord unanime pour le bien du pays. Mais il était clair que Morsi voyait les choses d’une manière complètement différente de la nôtre. Il nous a dit que le 30 juin 2013, date anniversaire de la première année de son gouvernement, choisie par le mouvement Tamarrud pour demander sa démission, se passerait sans aucun problème, tout comme n’importe quel autre jour de l’année… Cependant, alors que le 30 juin approchait, je constatais que la colère grandissait dans les rues, contre Morsi et son régime islamiste, et il était évident que cette date serait difficile. Donc, le 26 juin je me suis retiré au monastère d’Anba Bishoy, dans le désert égyptien, pour prier pour le pays, pour nos fils et nos filles qui allaient assister à l’événement. Alors que j’étais à Anba Bishoy, dans les premières heures de la matinée du 3 juillet, j’ai reçu un appel téléphonique du ministre de la Défense (le général Abdel Fattah à Sisi – ndlr) me demandant de participer à une réunion au Caire. Je me doutais du motif de cette réunion, puisque que le 30 juin avait eu lieu la plus grande manifestation jamais vue pour le changement et pour la déposition du gouvernement. Les forces armées ont compris combien la situation était critique et avait déjà mis en garde Morsi sur les conséquences de son intransigeance et de son indifférence face à la colère du peuple. Le ministre de la Défense avait posé un ultimatum au président Morsi, afin qu’il écoute les demandes du peuple et propose une voie pour le changement. Autrement, l’armée aurait agi sans attendre. L’ultimatum, que le président avait déjà rejeté, a expiré à midi précise, le 3 juillet. Un avion militaire a été mis à ma disposition pour me conduire du monastère au Caire, et assister à la réunion avec le général Sisi, l’Imam al Tayeb et des représentants de nombreux secteurs de la vie politique égyptienne. Pendant plus de quatre heures, nous avons discuté du contenu de la feuille de route qui serait annoncé le soir même. Nous étions tous présents lorsque Sisi l’a faite connaître à la télévision »…
Dans l’interview accordée à Watani, le pape Tawadros a également abordé la question sensible de l’engagement politique de l’Église copte, qui s’est résolument rangée aux côtés du nouveau gouvernement, en opposition aux Frères musulmans. «La participation de l’Église n’était pas un engagement politique, a-t-il déclaré. Il s’agissait plutôt d’une implication dans une affaire d’intérêt national. Si le président Morsi a reçu le pouvoir par le peuple au moyen des urnes, il est aussi vrai qu’il a été destitué par le peuple, réuni en une foule jamais vue auparavant. Les Coptes étaient présents dans cette foule. La feuille de route est une question nationale et non pas de partisannerie politique. La première et principale préoccupation de l’Église est spirituelle. Cela se traduit au service de tous, sans distinction, prendre à cœur les préoccupations du pays, prier pour son bien chaque jour. C’est cette responsabilité spirituelle qui nous amène à assister aux préoccupations du pays, dont le premier est la feuille de route. Même la Constitution est une responsabilité nationale au premier niveau. Et l’Église la considère comme telle ».