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En Turquie, Erdogan flatte les Kurdes

Carlo Giorgi
27 novembre 2013
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Samedi 16 Novembre, un événement sans précédent s’est tenu à Diyarbaki, dans le sud de la Turquie. Devant une place submergée par la foule, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a rencontré Massoud Barzani, président du Kurdistan irakien. Pendant ce temps, les Kurdes en Syrie se mobilisent.


(Milan) –  Dans un Moyen-Orient ravagé par le conflit syrien, un nouvel interlocuteur se fait entendre: le peuple kurde. Il représente environ 30 millions de personnes, unies par une langue et une culture, mais dispersées entre la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran, où ces derniers  sont souvent persécutés. Samedi 16 Novembre, un événement sans précédent s’est tenu à Diyarbaki, dans le sud de la Turquie. Devant une place submergée par la foule, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a rencontré Massoud Barzani, président du Kurdistan irakien (région autonome de l’Irak, depuis 1991). Diyarbakir est l’une des plus grandes villes kurdes de Turquie. Il y a encore quelques années, la visite d’un dirigeant kurde comme Barzani n’aurait pu être envisagée, en raison de violents affrontements entre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et les forces armées turques.

Cependant, en mars, la Turquie et le PKK ont signé un armistice, et les militants kurdes ont commencé à démanteler leurs bases militaires en Turquie. Pour sa part, le gouvernement d’Ankara a annoncé une série de réformes visant à rétablir les droits refusés jusqu’à présent aux Kurdes. Ces réformes ont été récemment dévoilées, mais le PKK les ayant jugées décevantes a menacé de bloquer le processus de paix.

D’où ce déplacement sans précédent de M. Erdogan, répondant à l’invitation du président Barzani. « Pour moi, il s’agit d’une visite historique : nous savons tous que je ne pouvais pas m’exprimer ici il y a encore 15 ou 20 ans – a déclaré M. Barzani sur une place pleine de drapeaux aux couleurs du Kurdistan (vert, blanc et orange) -. Le Premier ministre Erdogan a fait un pas très important vers la paix. Je veux que mes amis turcs et kurdes soutiennent le processus de paix ».

Erdogan, de son coté, a essayé par tous les moyens de témoigner de son ouverture : il a par exemple souhaité la présence du chanteur kurde le plus populaire, Sivan Perwer, symbole du rêve de l’autonomie kurde (l’une de ses chansons les plus célèbres est intitulée « Qui sommes-nous? » et proclame : « Nous sommes les Kurdes du Kurdistan, un volcan actif, du feu et de la dynamite dans le visage des ennemis » – ndlr). Erdogan lui-même a parlé publiquement pour la première fois du Kurdistan, faisant voler en éclats le tabou nationaliste turc qui nie l’idée même d’un État pour les Kurdes. Dans son discours, il a ensuite fait miroiter la possibilité d’une plus grande autonomie pour les Kurdes de Turquie, ainsi qu’une amnistie générale, requête de nombreux partis kurdes : « Nous serons les témoins d’une nouvelle Turquie – a-t-il dit – où ceux qui vivent dans les montagnes descendront (référence aux combattants du PKK – ndlr), où  les prisons se videront et les 76 millions de citoyens turcs ne feront plus qu’un ».

Ce changement radical – de la répression violente à la proposition de paix – est probablement le fruit de deux ans et demi de guerre en Syrie.

En effet, la Turquie va devoir compter sur un nouveau «voisin» qui était, jusqu’à l’heure, inattendu : ces derniers mois, les Kurdes de Syrie – une communauté d’environ 2 millions de personnes vivant sur un territoire adjacent à la Turquie – ont fait de grands progrès militaires, tout en jetant les bases d’une administration indépendante dans la région. Le lundi 11 novembre, le Parti de l’Union démocratique kurde (Pyd), le plus grand parti kurde en Syrie, a annoncé la formation d’une assemblée constituante, première étape vers l’autonomie gouvernementale dans la région, et nouvelle articulation des régions autonomes en Syrie.

Semaine après semaine, les Kurdes de Syrie se révèlent être une entité forte. Indépendants du régime de Bashar al-Assad, ils sont capables de se faire respecter par les bandes islamistes armées qui font rage dans le nord du pays. Le 12 novembre dernier, Saleh Muslim, chef du Pyd, a affirmé que dans les affrontements des derniers mois près de 3000 militants salafistes ont été tués par son parti, et que le Pyd avait reçu une aide financière ainsi que des armes de la part des partis kurdes de Turquie et d’Irak. Saleh Muslim a également déclaré que 30% des puits de pétrole syriens seraient désormais sous contrôle kurde, bien qu’il ne s’agisse pour le moment que de gisements inutilisés, et pour lesquels il n’existe aucun projet de remise en activité.

La Turquie et tous les pays de la région ne sont donc plus en mesure de prétendre que les Kurdes et leurs demandes d’autonomie n’existent pas.

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