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Guerre fratricide autour du service sous les drapeaux

Andrea Krogmann (APIC)
1 décembre 2013
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Le père Gabriel Naddaf, prêtre grec-orthodoxe à Nazareth, a brisé un tabou qui a tous les ingrédients pour provoquer une guerre idéologique : en militant pour l’engagement des jeunes chrétiens israéliens dans le service civil et militaire, il menace de clivage la population chrétienne de Terre Sainte.


Des questions – soulevées par le père Naddaf et le Forum chrétien des militaires, fondé en 2012 – se posent sur l’identité des chrétiens locaux et leur position par rapport à Israël.

Il y a d’une part une génération de jeunes chrétiens en possession d’un passeport israélien, qui voient leur avenir dans l’État d’Israël et cherchent une intégration complète. Si bien qu’être qualifié de “chrétiens arabes” est délibérément évité, parfois rejeté avec véhémence. “Nous sommes araméens, nous sommes chrétiens israéliens, nous ne pouvons pas nous laisser imposer l’arabisation”, reproche Shadi Haloul, membre du Forum.

D’autre part, il y a les Églises officielles et de nombreux chrétiens palestiniens qui voient dans cette initiative une nouvelle tentative israélienne de semer la zizanie dans la population palestinienne et de diviser les chrétiens et les musulmans d’Israël. De toute évidence, cela rejoint les propos du patriarche émérite de Jérusalem, Michel Sabbah. En tant que président de la Commission “Justice et Paix” de l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte, il considère l’armée israélienne comme une “une armée d‘agression” qui servirait à poursuivre l’occupation de la Palestine et l’idée d‘Israël en tant qu’État-Nation juif. L’initiative palestinienne chrétienne “Kairos Palestine” a condamné le recrutement des chrétiens arabes par l’“armée d’occupation”, jugeant cela immoral et nuisible à l’“identité palestinienne-chrétienne”. Qui soutient ce recrutement “ne nous représente pas, ni nos Églises, ni les chrétiens.”

Pour le Forum, c’est clair : c’est la crainte face à la majorité musulmane qui détermine ces positions. “Ce sont de belles paroles pour les arabes. La vérité est que beaucoup de chrétiens ont quitté le Moyen-Orient à cause de tels chefs d‘Église. Mon discours est peut-être agressif, mais clair et honnête : nous, chrétiens au Moyen-Orient, sommes dans la conjoncture actuelle guidés par la peur”, parle ainsi Haloul, qui nie la légitimité des Églises sur cette question : “Nous sommes des citoyens d’Israël et notre gouvernement nous représente, indépendamment de la religion.” Il y a également la peur tangible de l’islamisation croissante du Moyen-Orient. “Observez le Moyen-Orient, nous vivons ici sur une bonne terre, pourquoi ne devrions-nous pas la défendre ?”

Jusqu’à présent, les chrétiens d’Israël ne sont pas tenus d’effectuer le service militaire. Ceux qui servent le font volontairement.

Les conséquences sont d’autant plus lourdes qu’il y a souvent un manque de compréhension au sein même de leur propre communauté. “Même après deux ans et demi, la position est inconfortable, alors on s’adapte en fonction : j’ai déménagé dans un quartier résidentiel juif et je ne vais pas en ville en portant l‘uniforme”, explique Irin. La jeune catholique, avocate de Nazareth, convaincue, a décidé de se porter volontaires pour effectuer son service militaire contre les résistances de sa famille paternelle “qui jusqu‘à ce jour ne veut pas me soutenir”. Elle considère le comportement des autres comme blessant : “Les gens devraient arrêter de juger les autres, c’est ma carrière !”

Au total, il y aurait actuellement 140 arabes chrétiens, hommes et femmes confondus, qui d’après les informations de l’armée font leur service militaire. À ceux-là, s’ajoutent des milliers d’immigrés chrétiens d’autres pays. Un nouveau comité, composé de représentants chrétiens et de représentants du gouvernement, veut encourager davantage la participation des chrétiens dans l’armée, même si le recrutement national de près de 75 % des hommes et de 60 % des femmes des 3 000 chrétiens en âge de servir ne constitue qu’un faible potentiel à l’échelle nationale.

Pour Naddaf et ses collègues, ce n’est pas seulement prendre part à la vie de “notre État” : “le service civil ou militaire donne des avantages économiques et psychologiques” affirme Gabriel Naddaf – un point de vue que confirme l’officier Irin : “Être avocate dans l’armée ouvre de nombreuses portes. J’ai beaucoup appris dans l’armée, et je ne l’aurais pas appris ailleurs.”

Irin ne regrette pas sa décision et s’est engagée à faire deux ans et demi de plus de service. Elle encourage d’autres jeunes chrétiens à faire de même, “mais uniquement sur une base de volontariat, car alors nous faisons de notre mieux.”

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