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CNEWA – «L’Église ne ménage pas ses efforts pour la Syrie, mais il est urgent de trouver une solution politique »

Manuela Borraccino
27 janvier 2014
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"Alors que l'Église ne ménage pas ses efforts sur les plans diplomatiques et humanitaires, il est urgent que le sommet de Genève 2 aboutisse à une solution politique" ainsi s’exprime Mgr. John E. Kozar, secrétaire général de l’Association pour l’assistance aux catholiques du Proche Orient (CNEWA), bras humanitaire du Saint-Siège pour les chrétiens du Moyen-Orient, dans une interview accordée à Terrasanta.net.


(Rome) – Pendant que l’Église ne ménage pas ses efforts sur les plans diplomatiques et humanitaires, il est urgent que le sommet de Genève 2 aboutisse à une solution politique. « Nous essayons d’aider les chrétiens partout où ils sont, et de cela, nous ne nous excuserons : du reste, nous aidons tout le monde, sans distinction. Nous ne fermons la porte à personne », a déclaré Mgr. John E. Kozar (américain de 67 ans) secrétaire général de l’Association pour l’assistance aux catholiques du Proche Orient (CNEWA), bras humanitaire du Saint-Siège pour les chrétiens du Moyen-Orient, d’Ethiopie, d’Érythrée et d’Inde, dans une interview accordée à Terrasanta.net.

Mgr Kozar, quelle est la vision d’ensemble qui se dégage de vos activités régionales ?

La crise syrienne a eu un impact énorme sur l’ensemble de nos missions : il y a un afflux continu de réfugiés au Liban et en Jordanie, nous sommes préoccupés par la détérioration des conditions de vie des réfugiés irakiens et palestiniens que nous aidons déjà, et par l’instabilité de certaines régions d’Égypte. C’est une situation de souffrance intolérable : nous parlons de presque trois millions de réfugiés, neuf millions de déportés internes, un million et 200 mille enfants séparés de leurs familles, 12 000 enfants tués…

Quelle est impression tirez-vous des discussions récemment tenues au Vatican ?

Cette guerre doit cesser, à cause de ses innombrables conséquences et ce à tous les niveaux. Il ne s’agit pas seulement de l’assassinat d’un peuple, d’affrontements entre des soi-disant rebelles et des fidèles au régime. De nombreuses puissances extérieures sont impliquées dans cette guerre…il y les dommages internes, par la détérioration des relations entre les différentes communautés ; des dommages externes par la détérioration des relations internationales, des dégâts économiques, la destruction et la pauvreté que la guerre a créé ; des dommages écologiques, la sécheresse, la famine, et le risque de voir mourir de faim des milliers de personnes ; des dégâts religieux, dans un conflit fratricide entre sunnites et chiites, et avec les autres minorités non-musulmanes .

Qu’est-ce qui vous a le plus frappé dans les comptes rendus rapportés ?

Personnellement, je suis très impressionné par le témoignage de l’archevêque chaldéen d’Alep, Mgr. Antoine Audo, qui a mis sous nos yeux les urgences pastorales que tout ceci a déclenchées. Il nous a parlé de la collaboration entre chrétiens et musulmans pour sauver le plus de vies possible, et des appels qui s’élèvent du sein de la population. J’ai été frappé de voir que les véritables victimes de cette guerre, les populations les plus pauvres – chrétiennes comme musulmanes – lui aient demandé de transmettre ce message au Pape : « S’il vous plaît, Saint-Père, vous êtes probablement la seule personne sur terre qui puisse mettre fin à cette guerre, s’il vous plaît faites quelque chose pour parvenir à la paix ». De la part des chrétiens, nous pouvions nous y attendre, mais de la part de tant de musulmans, c’est symbolique : ce pape a su gagner en peu de mois une considération internationale qui le place au rang d’autorité morale mondiale.

Pensez-vous qu’il soit réaliste de penser parvenir à un cessez-le feu et à l’arrêt complet du trafic d’armes, comme l’a demandé le Saint-Siège à plusieurs reprises ?

Je reste optimiste, mais sans être naïf. C’est la seule chose à faire pour toutes les parties concernées, car il n’y a pas de solution militaire à la crise syrienne. Je vais vous en dire plus : l’appel du Vatican est le signe des nombreux efforts mis en place par le Saint-Siège à tous les niveaux – non seulement humanitaire, mais également politique, diplomatique, interreligieux – pour arriver à une solution. On a pu le constater lorsque le pape a personnellement décidé d’organiser une journée de prière et de jeûne pour la paix, le 7 septembre dernier. Le pape François semble avoir touché le cœur de tous, et j’espère même celui des plus extrémistes. Il demande que l’Église prenne part au dialogue et à la réconciliation nationale. L’Église fait beaucoup sur le plan humanitaire, mais il est urgent que la conférence de Genève aboutisse à une solution politique et diplomatique.

Y a-t-il une aide distinctive pour les réfugiés chrétiens ?

Beaucoup de Syriens refusent de s’inscrire dans les camps de réfugiés des agences humanitaires, et les chrétiens, par leur choix et leur culture, ne veulent pas rester dans les tentes : ils ne s’y sentent pas à l’aise, ils préfèrent trouver refuge chez des amis ou parents. Au Liban, en particulier, où nous travaillions déjà pour 400 000 réfugiés palestiniens, et où le gouvernement ne permet pas de construire de camps, nous pouvons les joindre dans les maisons et les paroisses où ils se trouvent, à travers le réseau de prêtres maronites, syriaques, orthodoxes avec qui nous travaillons. Nous essayons d’aider les chrétiens partout où ils sont mais nous aidons tout le monde, sans distinction. Nous ne fermons la porte à personne. En effet, dans beaucoup de pays, nos activités sont très variées, en particulier dans le domaine sanitaire et social, au service de 90 % de musulmans ; c’est pourquoi nous ne nous excuserons pas d’aider les chrétiens. Notre tâche est d’accompagner les Églises locales en répondant aux besoins des gens, et en faisant toujours de notre mieux pour aider les chrétiens à rester au Moyen-Orient, car après tout, c’est leur droit fondamental, une demande légitime d’un point de vue historique, juridique, moral, culturel et spirituel.

Comment les aidez-vous à faire face à cette période de graves privations ?

Avec l’aide héroïque de tant de prêtres et de religieuses, nous essayons d’apporter à tous confort et protection, et aussi de préserver la dignité des personnes, ce qui est avant tout leur première requête. Nous essayons de fournir une éducation, que nous considérons comme essentielle pour la reconstruction humaine et matérielle après la guerre, et d’enseigner la citoyenneté : apprendre à être de bons citoyens et diffuser la doctrine sociale de l’Église constituent une aide considérable pour ces pays.

En Irak, l’Église mène depuis des années une bataille de civilisation pour le respect du droit à l’égalité pour toutes les populations. Mais les résultats restent bien insuffisants …

L’Irak est une autre catastrophe et une véritable source de douleur pour chacun d’entre nous. L’intervention de mon pays (les Etats-Unis) s’est réalisée de la pire des manières : tout ce qui pouvait arriver de mal s’est accompli. Les pires scénarios ont été réalisés, et ce qui s’est passé pour les chrétiens irakiens se répète désormais pour les chrétiens de Syrie : ils sont contraints à fuir. Les défis sont les mêmes à bien des égards, en Irak comme en Syrie.

Selon vous, quels sont les signes d’espoir ?

Ce qui me donne de l’espoir, c’est de voir de mes propres yeux dans toutes les régions du monde – et pas seulement au Moyen-Orient mais aussi en Afrique et en Inde – les effets de la présence héroïque de nos sœurs. La maternité, la tendresse, la protection, la confiance qu’elles inspirent sont inestimables : elles sont capables, même au milieu des conflits les plus violents, d’insuffler un sentiment de calme et de sécurité qui fait naître chez les enfants, les personnes âgées et les adultes, un sens de l’humanité perdu dans les atrocités qu’ils ont vécues. Pour moi, les soeurs sont la ligne de front de l’Église pour ainsi dire, ses troupes d’infanterie. Elles ne cherchent aucune reconnaissance et sont prêtes à mourir pour défendre leurs petits : loin de l’Occident, elles sont souvent l’unique « expérience chrétienne » pour beaucoup de non-chrétiens. Nous l’avons vu avec les 12 religieuses prises en otage à Maaloula, comme avec les trois prêtres et les deux archevêques enlevés en Syrie : même dans les situations les plus inhumaines, elles restent fidèles à leur mission, sans se retirer d’un pouce.

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