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Constitution égyptienne, une nouvelle page pour les chrétiens ?

Emilie Rey
21 janvier 2014
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Jeudi 16 janvier 2014, le peuple égyptien a adopté par référendum une nouvelle constitution après de multiples amendements. Elle voit le jour trois ans après le début des manifestations, place Tahrir, en janvier 2011. Mgr Mina - évêque copte catholique de Guizèh - a fait partie du comité de révision du texte. C’est l’une des plus longues constitutions que l’Égypte ait connue avec 247 articles. Au lendemain de son approbation, le Patriarcat copte catholique a publié une note revenant sur les différents articles abordant les droits et libertés des chrétiens. Quelle place ce nouveau texte accorde-t-il aux minorités religieuses ?


(Jérusalem/ E.R) – Les chrétiens d’Égypte se sont fortement mobilisés en faveur du projet proposé au peuple égyptien par voie de référendum. Estimés à au moins 10% de la population (9 millions), les coptes constituent la plus importante minorité chrétienne au Proche-Orient et ils ont tout fait pour que soient pris en compte leurs attentes, appartenances culturelles et système de valeurs.

À la lecture de l’article 2, qui fait du droit islamique la base de la législation égyptienne, un lecteur occidental pourrait rester dubitatif quant au respect des minorités religieuses. Ce n’est pas le cas des évêques coptes catholiques. Dans une interview accordée à l’association Aide à l’Eglise en détresse, Mgr Kyrillos William Samaan précise : « Il y longtemps que c’était le cas en Égypte. Déjà bien avant Morsi. Cela ne nous a jamais nui, à nous autres chrétiens ». Son confrère Mgr Boutros Hanna ajoute soulagé : « Il  n’y a pas de guerre de religions dans mon pays, mais un conflit entre des extrémistes et le peuple. Nous avons les mêmes problèmes et les mêmes espoirs que nos voisins musulmans. Ensemble, nous trouverons des solutions ». À la lecture du préambule de cette constitution, on trouve d’ailleurs une référence au « voyage de la Sainte Famille en Égypte », des figures chrétiennes auxquelles le peuple égyptien exprime son respect. Le préambule reprend aussi l’adage de Sa Sainteté le Pape de l’Église orthodoxe Shenouda III : « L’Égypte n’est pas un pays dans lequel nous vivons, mais un pays qui vit en nous ».

Décomposée en 6 chapitres, la constitution égyptienne consacre 18 articles aux libertés individuelles et collectives. L’article 3 souligne d’emblée l’indépendance de l’Église et des chrétiens qui peuvent garder comme source principale de législation interne les canons du christianisme. Cet article leur garantit ainsi « l’autonomie de gestion et d’organisation dans leurs affaires religieuses », comme par exemple le choix de leurs représentants.

L’article 50 aborde le patrimoine civil dans toute sa diversité (architectural, littéraire, artistique…) depuis l’Égypte ancienne en passant par la période copte puis islamique. Il est élevé au rang de « richesse nationale et mondiale » dont l’État doit être le garant et le protecteur. L’État accordera une attention particulière au maintien des composantes de ce pluralisme culturel et « toute agression envers ce patrimoine sera considérée comme un crime punissable par la loi ».

«  Tous les citoyens sont égaux en droits devant la loi et jouissent des mêmes libertés et devoirs sans discrimination fondée sur la religion » voilà ce que proclame l’article 53. Cet article ouvre également le droit aux victimes (on pense aux chrétiens persécutés) de poursuivre en justice leurs oppresseurs puisque « toute discrimination et incitation à la haine est dorénavant considérée comme un crime punissable par la loi ».

L’important article 64 rappelle « la liberté absolue de croyance et de pratique religieuse pour les religions dites du Ciel c’est-à-dire l’Islam, le Christianisme et le Judaïsme » mais aussi leur «  liberté d’établir des lieux de culte ». L’article 235 vient en complément de ce dernier en engageant le Parlement à émettre une loi qui réglementera la construction et la rénovation des églises. L’État exprime ainsi sa volonté de réparer les torts et pertes subis par la communauté chrétienne durant la guerre civile et lutter contre le terrorisme et les idées sectaires. C’est un vent d’optimiste qui souffle sur la communauté chrétienne car la construction d’églises était, jusqu’à présent, soumise à des séries de procédures restrictives.

L’article 74 revient sur la formation des partis politiques qui sont autorisés « sans distinction religieuse, géographique ethnique ou de genre ». Il ne sera donc plus possible en Égypte de fonder un parti politique sur des bases religieuses. La dissolution du parti crée par les Frères musulmans et qui a propulsé Morsi au pouvoir, est donc annoncée. C’était sans doute l’un des objectifs premiers visés par le nouveau pourvoir égyptien.

Quant à l’exercice du pouvoir, le quart des sièges des conseils locaux devront être alloués à des jeunes de moins de 35 ans (qui représente plus de 40 % de la population) et un autre quart aux femmes (article 180). Cette constitution prend en considération les discriminations fréquentes de genre que subissent les femmes. C’est un pas en avant par rapport aux dispositions de la constitution de 2012 qui faisait de la femme le « complément de l’homme » mais nullement son égal.

Les travailleurs et les paysans devront aussi être représentés à hauteur de 50% des sièges. Un succès pour ces classes sociales pauvres qui ont été le fer de lance du mouvement de contestation. « Aucune constitution dans le monde ne comporte un taux d’ouvriers et de paysans » souligne le Dr. Amr al-Chobaki, membre du comité de rédaction. Dans une démarche de discrimination positive, les minorités devront aussi être représentées de façon équitable au sein du nouveau Parlement (article 244).

Les frères de la Custodie de Terre Sainte sont présents au Caire où ils ont un couvent dans le quartier populaire de Musky. Le frère Vincenzo, religieux italien, vit depuis plus de douze ans en Égypte, il témoigne : « Cette constitution a laissé beaucoup de chrétiens perplexes mais quelle autre opportunité auront-ils dans le futur ? C’est pour cela qu’ils se sont mobilisés. Les fondamentalistes musulmans voulaient retourner au système du millet où les sujets non musulmans étaient légalement protégés et accueillis en contrepartie d’une taxe. Les chrétiens se sont battus pour ne pas devenir des ‘hôtes’ dans leur propre pays, cela vous surprend ? ». Fréquemment accusés d’être la « cinquième colonne de l’Occident », le frère Vincenzo nous redit combien ces chrétiens d’Égypte aiment leur pays. Pour exemple, dans de nombreux couvents de la Province franciscaine d’Egypte, les chrétiens ont préféré au rite latin le rite copte qui fait partie de leur identité. Il conclut par ces mots : « Un pas en avant a été fait, mais je ne peux pas vous affirmer que le pire est derrière nous. Il faut maintenant attendre de voir comment la population va accueillir cette constitution. Beaucoup d’Égyptiens rêvent du passé, d’un âge d’Or de l’Égypte qui est révolu. Les chrétiens font partie de cette frange de la population qui regarde l’avenir. Il faut maintenant stabiliser ce premier acquis qu’est la constitution et prier pour que l’économie et le tourisme reprennent, condition pour que cesse cette crise économique qui nous paralyse tous ».

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