Le 16 janvier, à La Haye, aux Pays-Bas, la première audience d'un procès historique a eu lieu, au sein d’un tribunal spécial conçu par l'ONU contre les assassins de l'ancien Premier ministre libanais Rafik Harir, politicien sunnite milliardaire tué à Beyrouth il y a neuf ans. Au même moment, une nouvelle voiture piégée a explosé au Liban.
(Milan) – Le dernier attentat qui encore ensanglanté le Liban a laissé un goût plus amer que d’habitude. Au matin du 16 janvier, vers neuf heures, un terroriste s’est fait exploser au volant d’une voiture dans le centre de la ville de Hermel, dans la vallée de la Bekaa, faisant quatre morts et au moins quarante blessés. La bombe a explosé à l’heure où s’ouvrait à La Haye, la première audience d’un procès historique, au sein d’un tribunal spécial conçu par l’ONU, contre les assassins de l’ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri, politicien sunnite milliardaire tué à Beyrouth il y a neuf ans.
La ville de Hermel, située près de la frontière syrienne, comporte une forte présence du parti chiite Hezbollah, allié du président syrien Bashar al-Assad. L’attentat pourrait être interprété comme un message adressé au Hezbollah pour son soutien militaire à Assad, de la part de mouvements sunnites libanais en opposition à l’ingérence syrienne au Liban.
D’autre part, le Hezbollah s’est toujours farouchement opposé au procès qui a commencé hier à La Haye : ce procès a été lancé contre cinq citoyens libanais, tous membre du mouvement chiite, accusés d’avoir organisé et mené l’attaque contre Hariri. À ce jour, tous les cinq sont en fuite.
Le 14 Février 2005, à Beyrouth, l’ancien Premier ministre libanais alors à bord d’une voiture blindée, avait été tué dans l’explosion d’une énorme bombe (un fourgon chargé de deux tonnes et demie d’explosifs, qui provoquèrent un cratère grand comme un terrain de basket). Ce fut un véritable massacre : 22 morts et 226 blessés. Une manifestation gigantesque à laquelle participèrent un million de libanais (soit un quart de la population) fut organisée dans les jours qui suivirent l’assassinat. Tout au long de sa carrière politique, Hariri avait lutté contre la présence militaire syrienne au Liban, toujours en place après la guerre civile (1975-1990). L’opinion publique mondiale pointa le gouvernement syrien du doigt ; la pression internationale augmenta à tel point que dans les semaines qui suivirent, le gouvernement de Bachar al-Assad décida de retirer ses troupes du Liban.
Mais ce n’est pas tout : depuis ce jour, le gouvernement libanais n’a cessé de demander aux Nations Unies de créer un tribunal spécial pour juger les auteurs de ce massacre, mais aussi d’autres attentats qui, advenus entre le 1er octobre 2004 et le 12 décembre 2005, pourraient être liés à celui de Hariri. Bien que le Parlement de Beyrouth n’ait pas ratifié la précédente requête gouvernementale de fonder la Cour, le tribunal prit forme en 2009 et choisit pour siège La Haye. Malgré le désir de vérité et de justice qui fit naître ce Tribunal spécial, son activité semble avoir accru les tensions et les divisions dans le pays. Pour exemple, la crise du gouvernement, il y a deux ans : un bureau d’unité nationale, composé de chiites et de sunnites et présidé par Saad Hariri, fils de Rafik, gouverna le Liban de 2009 à 2011. Le Hezbollah décida de le faire tomber après la confirmation, par Saad Hariri, du financement libanais pour le tribunal de la Haye (dont les coûts sont assurés à 49 % par le Liban). Pour le Hezbollah, cette contribution est inacceptable.
Peu de temps après la chute de son gouvernement, Saad Hariri prit le chemin de l’exil (il vit aujourd’hui entre la France et l’Arabie Saoudite). « Nous avons longtemps attendu ce jour. Quelque chose de nouveau pour le Liban. – a déclaré hier Saad Hariri – . Pendant 40 ans, il n’y a eu ni justice ni vérité sur les assassinats au Liban». Pour sa part, le Hezbollah n’a jamais collaboré pour l’arrestation des coupables. Sayyed Hassan Nasrallah, chef du mouvement chiite, aurait déclaré : « La main qui les touchera sera coupée ».
Le Tribunal spécial pour le Liban appliquera les lois libanaises. Selon les estimations, la phase de débat devrait durer 13 mois.