(Jérusalem) – Le 5 janvier 2014, 50 ans se seront écoulés depuis la rencontre historique entre le Pape Paul VI et le Patriarche œcuménique Athénagoras I, à Jérusalem, au Mont des Oliviers. La photo du baiser de paix entre ces deux Chefs d’Église est devenue comme une icône de tout le développement ultérieur des relations œcuméniques entre catholiques et orthodoxes. Elle est icône avec toute la signification que la tradition orientale y attache : non pas une simple image, mais un signe presque sacramentel contenant déjà dans le mystère toute la réalité qu’il représente. Le patriarche Athénagoras a confirmé cette signification en offrant au Pape Paul VI, en souvenir de la rencontre, une icône représentant le baiser de paix entre les deux apôtres frères, Pierre et André, saints patrons des Églises de Rome et de Constantinople.
Conscient de la portée symbolique de l’événement de 1964, le Patriarche Bartholomaios I, successeur d’Athénagoras, a proposé au Pape François, lors de l’inauguration de son ministère comme Évêque de Rome, qu’ils se rencontrent à Jérusalem pour commémorer le cinquantième anniversaire, pour rendre grâces et pour raviver l’esprit du dialogue. Malheureusement pour un Pape de Rome, même pour un François qui aime tant la simplicité et les surprises, il n’est pas facile de se rendre dans cette ville, symbole de paix et de fraternité mais encore lieu de division et de contestation, tant en religion qu’en politique.
D’autre part, si nous sommes invités à nous demander quels ont été les fruits des événements de 1964 pour le développement des relations entre les Églises à Jérusalem même, il importe de reconnaître que les rencontres entre le Pape Paul VI et le Patriarche grec orthodoxe Bénédictos de Jérusalem revêtent sans doute encore une importance plus grande. Avant de rencontrer Athénagoras, dans la soirée du 5 janvier 1964, Paul VI a rencontré à deux reprises Bénédictos, la veille : d’abord le Patriarche lui a rendu visite à la Délégation apostolique, puis le Pape lui a rendu la visite à la résidence patriarcale au Mont des Oliviers. De ce fait, le Patriarche Bénédictos s’est senti reconnu de fait comme le Chef de l’Église à Jérusalem, qui en tant que tel accueillait Paul VI et Athénagoras I. Cette reconnaissance a été à l’origine d’un nouvel esprit dans les relations entre les Églises à Jérusalem : quand on est reconnu on peut s’ouvrir et parler aux autres.
Depuis lors, les relations œcuméniques se sont peu à peu développées à Jérusalem, portées aussi par le nouvel esprit de Vatican II. Une autre étape importante a été le retour des reliques de saint Sabas de Venise au monastère entre Jérusalem et Bethléem qui porte son nom, en novembre 1965. Le Patriarcat orthodoxe de Jérusalem célèbre encore chaque année ce retour comme une grande fête liturgique, mais les fruits sont un peu décevants pour les catholiques, à qui les moines ne permettent pas de réciter une prière autour de reliques quand ils visitent le monastère.
Les événements violents et douloureux qui ont marqué le premier soulèvement palestinien (intifada), à partir de décembre 1987, ont suscité un nouvel élan dans les relations entre les patriarches et évêques de Jérusalem. Interpellés par les souffrances et les injustices, ils prirent la décision de se consulter et de parler d’une seule voix. Dans les années suivantes leurs rencontres se sont multipliées et ont lieu à peu près tous les deux mois actuellement. Ils publient un message commun pour toutes les fêtes de Pâques et de Noël ; ils ont aussi publié deux mémorandums, en 1994 et en 2006, sur la signification de Jérusalem pour les chrétiens et sur les droits qui en découlent pour les communautés chrétiennes. Certes, nous pourrions souhaiter que ces réunions débouchent davantage sur une collaboration pastorale, et une certaine routine de l’habitude a pu s’y installer. Mais il convient de se réjouir du fait que ces rencontres existent et offrent une réelle possibilité pour d’autres initiatives communes.
Une rencontre du pape François et du Patriarche Bartholomaios à Jérusalem, accueillis ensemble par le Patriarche grec orthodoxe actuel Théophilos III de Jérusalem, pourrait insuffler un nouvel élan aux relations œcuméniques dans la ville sainte, en même temps qu’elle constituerait une nouvelle promesse vivante pour les relations entre les Églises catholiques et orthodoxes à travers le monde.