L’État d’Israël a annoncé mardi 22 avril que les arabes israéliens de confession chrétienne auront la possibilité formelle de s’engager au sein des forces de défense israéliennes (IDF) et qu'ils recevront les lettres d'appel à la conscription. Arabes chrétiens israéliens : la pluralité des identités soulève de nombreuses questions d’allégeance.
(Jérusalem/ APP) – L’État d’Israël a annoncé mardi 22 avril que les arabes israéliens de confession chrétienne auront la possibilité formelle de s’engager au sein des forces de défense israéliennes (IDF).
Jusqu’à présent, les arabes chrétiens, au titre d’arabes israéliens, étaient dispensés de service militaire. Ils pouvaient néanmoins s’engager volontairement dans l’armée.
Auparavant, chaque personne souhaitant s’engager volontairement dans l’armée devait présenter une requête individuelle. Dorénavant, des appels à la conscription seront directement envoyés aux jeunes chrétiens en âge de servir sous les drapeaux. Cette mesure hautement controversée vise à inciter les jeunes chrétiens à participer à s’investir dans la défense militaire du pays. La communauté arabe israélienne est largement hostile à l’engagement militaire et les autorités espèrent que cette démarche apaise les pressions sociales et familiales sur ce sujet.
Cet appel n’a cependant rien d’obligatoire et les jeunes gens pourront refuser de s’enrôler sans autre conséquence.
On dénombre 1.5 million d’arabes israéliens, qui représente environ 20% de la population totale de l’État d’Israël, avec parmi eux, près de 130.000 chrétiens.
Cette nouvelle fait polémique dans la communauté arabe israélienne.
Gabriel Nadaf, un prêtre grec orthodoxe de Nazareth, est un fervent défenseur de cette idée qui permettra selon lui à améliorer l’intégration des jeunes arabes chrétiens dans la société israélienne (1).
« Dans ce pays, l’IDF est la première école si on veut devenir un véritable citoyen israélien, » a insisté Shadi Haloul, un maronite ancien engagé volontaire dans l’IDF.
Pour les deux hommes, en revanche, la question se pose également en termes identitaires et sécuritaires.
« Il faut rappeler un fait important : en tant que chrétien, nous sommes originaires de cette terre, depuis l’époque de Jésus. La chrétienté trouve ses racines dans le judaïsme, dans la Bible. Parce que nous sommes liés à cette terre, mais aussi à cause de ce qui se passe dans les pays voisins, à cause des persécutions quotidiennes contres les chrétiens, notre jeunesse doit aider Israël, le pays qui les protège, » a ajouté Nadaf lors d’une conférence de presse mercredi 23 avril.
Haloul a évoqué les origines araméennes des chrétiens locaux, présents avec leur langue et culture propre, avant l’invasion arabe au VIIe siècle. Pour lui, le mythe de « l’arabisme » né au XIXe siècle est un amalgame qui cherche à faire oublier leurs véritables racines.
Il s’est également insurgé contre l’islam fanatique qui gagne du terrain dans la société arabe et qui veut faire de la communauté chrétienne des « dhimmis ». Ce terme fait référence à un statut juridique en vigueur sous l’Empire Ottoman qui forçait les minorités à payer des taxes particulières pour maintenir leur présence et exercer leur culte.
Haloul a par ailleurs rappelé que les Bédouins et les Druzes, deux communautés arabes et musulmanes participaient à l’armée israélienne.
Selon l’AFP, cette mesure est à mettre en perspective avec un autre projet de loi, qui veut faire la distinction entre citoyens arabes musulmans et ceux de confession chrétienne. Le projet de loi fait lui aussi polémique et a suscité de nombreuses protestations. Les Palestiniens accusent l’État d’Israël de jouer la carte de la division entre Arabes chrétiens et musulmans au sein du conflit avec les Palestiniens.
Bassel Ghattas, un chrétien israélien membre du parti majoritairement arabe Hadash (communiste) a déclaré à l’AFP : « Il s’agit d’une mesure attendue dans le cadre de la campagne de la droite israélienne visant à couper les chrétiens de leur peuple, en les incitant à penser qu’ils ne sont pas arabes ».
M. Ghattas a appelé les jeunes chrétiens qui recevront ces convocations à les « renvoyer ou à les brûler en public car la prochaine étape pourrait être le service militaire ou civil obligatoire ».
Jusqu’en 2012, 35 arabes chrétiens s’engageait en moyenne chaque année dans les forces de défense israéliennes. En 2013, ils sont presque 150, alors que 427 arabes chrétiens s’étaient portés volontaires pour le service civil, majoritairement des femmes.
Si aucun texte officiel de l’Église catholique n’a (encore ?) été écrit sur le sujet précis de la conscription pour les Arabes chrétiens israéliens, des voix se sont déjà fait entendre pour s’y opposer. Telle celle de Mgr Sabbah dès novembre 2012 qui déclarait « Le « fusil » israélien est pointé contre les Palestiniens. Il n’est donc pas logique qu’un Palestinien se fasse enrôler dans cette armée. Il s’agit d’une question de conscience et de dignité. Le chrétien palestinien israélien est un élément qui participe à la construction de sa société israélienne, mais ne peut pas la construire par le sang versé de son frère palestinien sous Occupation israélienne. » (voir article original ici)
En revanche, l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte (AOCTS) a publié un texte très clair sur son opposition à voir l’Etat israélien décidé de l’identité des chrétiens israéliens. «Les responsables politiques israéliens insistent de plus en plus sur le fait que les palestiniens chrétiens ne sont pas arabes et ne font pas partie du peuple palestinien. Ceci a notamment été évoqué lors de la campagne menée pour que les palestiniens chrétiens fassent leur service militaire, et plus récemment dans un projet de loi proposé par un membre de la Knesset, Yariv Levin. Ce dernier introduit une distinction entre les palestiniens chrétiens et musulmans en affirmant que les palestiniens chrétiens sont chrétiens et non palestiniens.
Nous, Chefs de l’Eglise catholique en Israël, nous tenons à préciser que ce n’est ni le droit ni le devoir des autorités civiles israéliennes de nous dire qui nous sommes. » (voir texte intégral ici)
Cette nouvelle disposition israélienne pourrait obliger l’Eglise catholique à s’exprimer sur la question du « service (militaire et civil) des chrétiens en Israël ». Une question sur laquelle l’AOCTS a débattu lors d’une réunion d’octobre dernier sans finir par adopter une déclaration officielle.
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1. Terre Sainte Magazine, proposait dans son numéro de Novembre Décembre 2013, un dossier intitulé Arabe, chrétien, isarélien et soldat, un des articles du dossier intitulé: »Guerre fratricide autour du service sous les drapeaux » est en ligne ici.