Unis pour demander à la communauté internationale d’aider à relancer la reconstruction. Unis pour réaffirmer qu’« il n’y a ni chrétiens ni musulmans, ni pro ni anti-régime, mais seulement des Syriens ». La campagne Chrétiens de Syrie est lancée depuis Genève : le défi de parler d'une seule voix, comme le résume le nom de la conférence tenue le 9 mai dans la ville suisse, en présence de sept personnalités chrétiennes.
(Genève) – Unis pour demander à la communauté internationale d’aider à relancer la reconstruction. Unis pour réaffirmer qu’« il n’y a ni chrétiens ni musulmans, ni pros ni antis régime, mais seulement les Syriens ». La campagne Chrétiens de Syrie est lancée depuis Genève : le défi de parler d’une seule voix, comme le résume le nom de la conférence tenue le 9 mai dans la ville suisse, en présence de sept personnalités chrétiennes, dans l’ancienne église protestante de l’Espace de Fusterie, en plein centre-ville.
A l’aube de la quatrième année de guerre et après plus de 150 000 morts et des millions de personnes déplacées ou réfugiées, quatre religieux et trois laïcs, à la tête d’organisations humanitaires chrétiennes travaillant sur le terrain, ont lancé un appel depuis la ville-symbole de la diplomatie internationale pour « préserver la mosaïque syrienne », composée de sunnites, d’alaouites, de druzes et de onze confessions chrétiennes différentes (selon un recensement effectué en 2011, on comptait alors en Syrie 500 000 grec-orthodoxes, 200 000 gréco-catholiques (ou melkites), 100 000 arméniens orthodoxes, 90 000 syro-orthodoxes ou jacobites , 40 000 syro-catholiques, 35 000 arméniens catholiques, 30 000 maronites, 30 000 chalcédoniens, 30 000 assyriens ou nestoriens, 10 000 latins et 10 000 protestants).
L’archevêque syro-orthodoxe de Damas, Mgr Denys Jean Kawak, a rappelé que depuis trois ans cette mosaïque est menacée par l’islam radical, représenté par Al-Qaïda ou par le Front Al Nusra, qui, comme nous l’avons vu récemment dans les horribles crucifixions perpétrées à Raqqa, « est aussi dirigé contre les musulmans modérés, avant même les chrétiens ». Les pensées se tournent vers le martyre et jésuite Frans van der Lugt, assassiné il y a un mois à Homs, et vers les deux évêques enlevés en avril 2013 : « L’enlèvement de l’archevêque métropolitain syriaque orthodoxe d’Alep, Mgr Gregorius Hanna Ibrahim, et de l’archevêque grec orthodoxe d’Alep, Mgr Boulos al-Yazigi, ne peuvent pas être considérés comme un banal enlèvement – dit-il – et en dépit de tous les efforts et tentatives pour obtenir des nouvelles, depuis treize mois, on ne sait toujours rien de leur sort », tout comme pour les prêtres de Paul dall’Oglio, Michel Kayyal et Ishac Mahfouz.
Dans la difficulté de pouvoir se faire « une idée claire de la situation sur le terrain et des évolutions possibles », l’archevêque melkite de Bosra et Hauran, Mgr Nicolas Antiba, a cependant déclaré qu’« il n’y aura de paix pour la Syrie que lorsque les pouvoirs qui se disent être des régimes démocratiques cesseront de soutenir, par armement et financement, l’entrée de milices étrangères qui terrorisent la population syrienne ». « C’est devenu une guerre par procuration », déclare en écho Mgr Giuseppe Nazzaro, vicaire apostolique émérite d’Alep pour les Latins et ancien Custode de Terre Sainte. L’évêque a appelé les médias internationaux à vérifier la véracité des informations divulguées sur la situation syrienne, comme par exemple après le massacre du 2 juin 2012, dans le village de Es Gisser Schoughour, où 125 policiers ont été décapités par des terroristes islamiques, et non par l’armée gouvernementale, comme l’a rapporté la presse. Il évoqua encore la traite de fillettes vendues pour remédier à la faim, véritable arme de guerre en Syrie.
« Nous ne sommes pas des messagers du président Bachar al-Assad – dit Samir Laham, directeur des relations œcuméniques et du développement du patriarcat grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient (Damas) – nous ne sommes pas des protégés du président Assad, et nous ne sommes pas non plus sous sa menace : nous parlons à partir de notre expérience de citoyens syriens ». A la tête de l’une des organisations humanitaires les plus actives en Syrie, Laham a rappelé « l’énorme impact que la guerre a eu sur les tensions apparues au sein du tissu social», entre les différentes communautés, la migration de toute une classe d’entrepreneurs et de diplômés, la fermeture des écoles et des universités, la perte inestimable de tout un capital humain. Dans ce paysage dramatique, les différentes Églises syriennes « ont offert leur plein appui à tous, musulmans et chrétiens, indépendamment de la foi à laquelle chacun appartient ». « Personne ne peut trouver une solution politique à la place des Syriens – dit-il – mais cela nécessite courage, foi et sacrifice. Chaque jour, nous quittons la maison sans savoir si nous serons de retour dans la soirée. Il est urgent de travailler ensemble pour la reconstruction de la Syrie, et contre la présence de l’islamisme radical qui a complètement modifié le paysage syrien ».
La conférence s’est achevée sur un appel lancé au public genevois et aux représentants des institutions chrétiennes présents, pour faire tout leur possible pour faciliter la vie de la population par l’aide humanitaire, mais surtout pour faire pression sur leurs gouvernements afin que le dialogue politique puisse reprendre entre le régime et l’opposition, et pour forcer les monarchies de la péninsule arabique à cesser de financer les djihadistes étrangers. «Les chrétiens de Syrie – ont réitéré ensemble l’ évêque grec-orthodoxe Nicolas Baalbaki, le gestionnaire Ghassan Chahine, représentant de l’Eglise grecque- melkite auprès du ministère syrien des Affaires sociales, et Johny Put, directeur du Conseil mondial des araméens – veulent, comme tous les autres citoyens syriens, continuer de faire partie intégrante de la société, et éradiquer la corruption ; ensemble avec leurs frères musulmans, ils souhaitent construire un État laïque, où tous les partis politiques pourront être représentés, indépendamment de la foi à laquelle chacun appartient, basé sur une constitution acceptée par tous ».