Samedi soir, notre correspondante, s'est promenée dans les rues de la Vieille Ville de Jérusalem, assistant à la fermeture des magasins, et leur mise sous scellée. La sécurité israélienne qui entoure la venue du pape dans la basilique de la Résurrection se révèle aussi sévère que celle qui entourait déjà celle du pape Benoit XVI au grand desespoir des chrétiens de la ville.
(Jérusalem/ER) – Samedi 24 mai, 18h. Par groupe de trois ou quatre, accompagnés d’un chien, la police israélienne pénètre dans les boutiques de la vieille ville de Jérusalem, méthodiquement, l’une après l’autre. Tout le monde est logé à la même enseigne. Les commerçants de Jérusalem ont reçu un billet leur indiquant qu’entre 18h et 22h, en cette veille de l’arrivée du pape, leur boutique serait finement fouillée et cadenassée. Le motif: « créer une zone stérile » afin de protéger sa Sainteté.
Les journalistes ne sont pas les bienvenus et ont du mal à s’approcher. En effet la police cherche à fluidifier autant que possible la circulation alors que des grappes de touristes se forment, un peu surpris face à ce remue-ménage. Pour l’heure, les commerçants se mettent sur le pas de leur porte et attendent patiemment. « Que peut-on faire ? » tel est le leitmotiv que nous entendons partout. Une fois leur magasin inspecté, les commerçants reçoivent autoritairement l’ordre de baisser le rideau et verrouiller les battants de leurs commerces. Enfin un scellé qui prend l’apparence d’une vignette bleue est apposé sur le cadenas principal de chaque échoppe. Cette vignette sera la preuve que durant les 48 prochaines heures personne ne s’est infiltré à l’intérieur de la boutique. Elias, jeune vendeur précise : « Nous avons été prévenus : si demain la police ne retrouve pas l’étiquette sur la boutique, elle brisera les cadenas afin de détruire le magasin ! ». Une menace que le jeune homme prend très au sérieux. Quelques mètres plus loin, Sami lit devant sa boutique close : « moi je ne fais pas que travailler dans ma boutique, j’y dors et j’y mange ! Les loyers sont tellement hors de prix à Jérusalem qu’avec mon père nous n’avons pas d’autres solutions, je ne sais pas trop ce que l’on va faire jusqu’à mardi matin ! ».
Mais il n’y a pas que les commerces qui ont reçus l’ordre de se retirer, toutes les maisons aux abords des quatre artères principales que le Saint Père empruntera seront closes. Des tireurs d’élites sur les toits, des unités spéciales en civil et héliportées, la Shin Bet (Sécurité intérieure israélienne), 320 caméras et plus de 8000 soldats veilleront à la sécurité du pape. Une démarche jugée excessive non seulement par l’Eglise locale qui se voit privée de son Pape mais aussi par les autorités religieuses de Terre Sainte. Monseigneur Fouad Twal, patriarche latin, ironisait il y a quelques jours : « nous n’avons aucune raison d’avoir peur car Israël met à notre disposition une dose nécessaire, voire une ‘overdose’, de sécurité ».
La famille Orfali, arménienne installée à Jérusalem depuis 1915, témoigne : « Nous avons reçu le Pape Paul VI chez nous, il y a cinquante ans ! Oui, vous entendez bien : Paul VI est venu prendre le café avec les habitants de cette ville et visiter des malades chez eux ! Cette fois, nos portes et fenêtres doivent être fermés, les volets abaissés et il nous est interdit d’aller sur nos balcons ou sur nos toits. Mais qui vient rencontrer le Pape ? ». Telle est l’incompréhension et la déception qui règnent dans le cœur de bien des chrétiens de Jérusalem qui suivront cette visite, assis devant leur poste de télévision alors que leur Pape sera à quelques centaines de mètres d’eux.
Loin des bains de foule et de la liesse populaire de Bethléem ou Amman, Jérusalem la tumultueuse est désormais une ville fantôme, des barrières sont érigées un peu partout, seules circulent encore quelques jeep avec des soldats. Demeure le bruit des bannières et fanions que le vent agite, rares « voix » tolérées pour dire au Pape François combien il est aussi attendu et espéré à Jérusalem.