Dans un appel lancé le 8 juillet de Jérusalem, les Ordinaires catholiques de Terre Sainte appellent les responsables religieux à plus de courage afin d'offir une alternative à la violence. "Ce language que nous devons tenir c'est celui qui refuse d'attribuer le statut d'ennemi à tout enfant de Dieu. Pour briser la spirale de la haine et de la violence nous devons prononcer le mot "frère". Voici la déclaration en intégralité de la Commission Justice et Paix.
(Jérusalem) – Dans un appel lancé le 8 juillet de Jérusalem, les Ordinaires catholiques de Terre Sainte appellent les responsables religieux à plus de courage afin d’offir une alternative à la violence. « Ce language que nous devons tenir c’est celui qui refuse d’attribuer le statut d’ennemi à tout enfant de Dieu. Pour briser la spirale de la haine et de la violence nous devons prononcer le mot « frère ». Voici la déclaration en intégralité de la Commission Justice et Paix.
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Commission Justice et Paix
de l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte
Appel pour un changement courageux
«Un cri s’élève dans Rama, une plainte et des pleurs d’amertume. C’est Rachel qui pleure ses fils ; elle refuse d’être consolée, car ses fils ne sont plus. » (Livre de Jérémie 31,15).
Une réalité de violence et de deuil
Israël et Palestine retentissent des pleurs des pères et des mères, des frères et des sœurs, des proches des jeunes victimes de la dernière vague de violence qui tourmente cette terre. Certains de leurs visages sont bien connus car les medias ont parcouru en détails leurs vies ; interviewant leurs parents, nous faisant les imaginer vivants, tandis que d’autres – de loin plus nombreux – sont de simples statistiques, sans nom et sans visages. Les informations sélectives, le deuil et la mémoire font partie intégrante du cycle de violence.
Nous présentons nos sincères condoléances à tous ceux qui traversent ce deuil, Israéliens et Palestiniens. Nous devons continuer à prier pour que ceux qui sont tombés récemment soient les derniers à mourir d’une mort aussi violente dans cette escalade de haine et de vengeance.
Un langage qui alimente la violence
« Notre langue est une petite partie de notre corps, mais elle peut se vanter de faire de grandes choses. Voyez comment un tout petit feu peut embraser une très grande forêt. La langue aussi est un feu ; monde d’injustice, cette langue tient sa place parmi nos membres ; c’est elle qui contamine le corps tout entier, elle enflamme le cours de notre existence, étant elle‑même enflammée par la géhenne (…) Elle nous sert à bénir le Seigneur notre Père, elle nous sert aussi à maudire les hommes, qui sont créés à l’image de Dieu. » (Jacques 3, 5-6.9)
Notre espoir de mettre un terme à ce cycle de violence est brisé par le langage irresponsable de la punition collective et de la vengeance, qui alimentent la violence, et étouffent l’apparition de toute autre alternative. Bon nombre des personnes au pouvoir et de responsables politiques restent immobiles. Ils manquent non seulement de volonté pour s’engager dans un véritable et significatif processus de dialogue, mais jettent de l’huile sur le feu par des mots et des actes qui nourrissent le conflit.
Les violents appels à la vengeance qui parcourent les rues d’Israël sont nourris par l’attitude d’une classe politique qui continue à encourager un discours discriminant, promouvant exclusivement les droits d’un seul groupe et l’occupation, avec toutes les conséquences désastreuses qu’elle engendre. Des colonies sont construites, des terres sont confisquées, des familles sont séparées, leurs proches sont arrêtés et certains sont même assassinés. Le gouvernement d’occupation semble croire que l’occupation peut-être victorieuse en écrasant la volonté d’un peuple pour sa liberté et dignité. Il semble croire que sa détermination va faire taire l’opposition, et transformer le mensonge en vérité.
Les violents appels à la vengeance qui parcourent les rues de Palestine sont nourris par l’attitude de ceux qui ont perdu tout espoir d’arriver à une solution juste par la négociation. Ils cherchent à bâtir une société monolithique et totalitaire, au sein de laquelle il n’y aurait pas de place pour la différence et la diversité. Ils exploitent une situation de désespoir et nous leur clamons que : la violence en réponse à la violence apporte seulement plus de violence.
Sortir du cycle de violence
Lors de la prière pour la paix en Israël et en Palestine qui s’est tenu au Vatican le 8 juin 2014, le Pape François a dit : « Pour faire la paix, il faut du courage, bien plus que pour faire la guerre. Il faut du courage pour dire oui à la rencontre et non à l’affrontement ; oui au dialogue et non à la violence ; oui à la négociation et non aux hostilités ; oui au respect des accords et non aux provocations ; oui à la sincérité et non à la duplicité. Pour tout cela, il faut du courage, une grande force d’âme ».
Nous avons besoin de reconnaître que l’enlèvement et le meurtre de sang-froid de trois jeunes israéliens et la brutale vengeance par le meurtre d’un jeune palestinien sont les produits de l’injustice et de la haine que l’occupation introduit dans les cœurs de ceux qui revendiquent de tels actes. Ces meurtres ne sont en aucun cas justifiables et nous pleurons avec ceux qui pleurent la perte de ces jeunes victimes. Mais utiliser la mort de trois jeunes israéliens pour justifier une punition collective sur l’ensemble peuple palestinien, légitimement désireux d’être libre, est une instrumentalisation tragique d’une tragédie, qui ne fait qu’encourager à plus de violence et de haine.
Dans le même temps, nous devons reconnaître que la résistance à l’occupation ne peut-être assimilée à du terrorisme. La résistance à l’occupation est un droit légitime, le terrorisme est un problème à part entière. À nouveau, nous répétons à tout un chacun : la violence en réponse à la violence ne fait qu’alimenter la violence.
La situation actuelle à Gaza est une illustration de ce cycle sans fin de violence et de l’absence d’une vision alternative pour le futur. Mettre fin au cycle de violence est du devoir de tous, oppresseurs et oppressés, victimes et agresseurs. Dans le but de s’engager ensemble vers cet objectif, tous doivent reconnaître dans l’autre un frère ou une sœur à aimer et ) chérir, au lieu d’un ennemi à haïr et à éliminer.
Besoin d’un changement radical
Nous avons besoin d’un changement radical. Israéliens et Palestiniens doivent se débarrasser des attitudes négatives de méfiance et de haine les uns envers les autres. Nous sommes appelés à éduquer les jeunes générations dans un nouvel esprit qui bouleverse les mentalités existantes faites d’oppression et de discrimination. Nous devons nous débarrasser de tout responsable alimentant ce cycle de violence. Nous devons également trouver et soutenir des responsables déterminés à œuvrer pour la justice, en reconnaissant que Dieu a planté et vouu ici trois religions : le Judaïsme, le Christianisme, et l’Islam ; et deux peuple : les Israéliens et les Palestiniens. Nous devons trouver des responsables éclairés et assez courageux pour faire face à l’urgence de la situation actuelle, et pour prendre des décisions difficiles mais nécessaires. Des responsables qui, si cela s’avère nécessaire, seront prêts à sacrifier leur carrière politique au bénéfice d’une Paix juste et durable. De tels responsables ont une vocation de guérisseurs, de bâtisseurs de Paix, de chercheurs de justice et sont des des visionnaires, quant aux alternatives à la violence.
Nous nous rappelons la récente visite du Pape François dans notre région et son incessant appel pour la justice et la paix. Dans son discours aux autorités palestiniennes, il s’exprimait ainsi : » En manifestant ma proximité à tous ceux qui souffrent le plus des conséquences de ce conflit, je voudrais dire du plus profond de mon cœur qu’il est temps de mettre fin à cette situation, qui devient toujours plus inacceptable, et ce pour le bien de tous. Que redoublent donc les efforts et les initiatives destinés à créer les conditions d’une paix stable, basée sur la justice, sur la reconnaissance des droits de chacun et sur la sécurité réciproque. Le moment est arrivé pour tous d’avoir le courage de la générosité et de la créativité au service du bien commun » (25 mai 2014). De même devant le Président de l’État d’Israël, le Pape a dit : « Ici je renouvelle le souhait que soient évités de la part de tous des initiatives et des actes qui contredisent la volonté déclarée de parvenir à un véritable accord et qu’on ne se lasse pas de poursuivre la paix avec détermination et cohérence. Il faut repousser avec fermeté tout ce qui s’oppose à la recherche de la paix et d’une cohabitation respectueuse entre Juifs, Chrétiens et Musulmans » (26 mai 2014).
Rôle des responsables religieux
Notre rôle, en tant que chefs religieux, est de nous exprimer dans un langage prophétique qui révèle les alternatives existantes au-delà la haine et de la violence. Ce langage refuse d’attribuer le statut d’ennemi à l’un des enfants de Dieu; c’est un langage qui ouvre la possibilité de voir en chacun un frère ou une sœur. Le Pape François dans son exhortation à la paix a lancé : « Nous avons entendu un appel, et nous devons répondre : l’appel à rompre la spirale de la haine et de la violence, à la rompre avec une seule parole : « frère ». Mais pour prononcer cette parole, nous devons tous lever le regard vers le Ciel, et nous reconnaître enfants d’un unique Père. »
Nous invitons les responsables religieux à user d’un langage responsable de sorte qu’il devienne un outil pour transformer ce monde aux allures de désert obscur et mortuaire en un florissant jardin de vie.
« Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu« . (Matthieu 5, 6-9).
Jérusalem, le 8 juillet 2014