Les patriarches d'Orient s'organisent pour dénoncer d'une seule voix les crimes du califat islamique nouvellement proclamé, en particulier contre les chrétiens à Mossoul. Ils demandent au monde, et en premier lieu aux dirigeants religieux musulmans – dont le « silence » reste inexplicable - de condamner avec courage les crimes commis par la vague djihadiste.
(c.g.) – Les patriarches d’Orient s’organisent pour dénoncer d’une seule voix les crimes du califat islamique nouvellement proclamé, en particulier contre les chrétiens à Mossoul. Ils demandent au monde, et en premier lieu aux dirigeants religieux musulmans – dont le « silence » reste inexplicable – de condamner avec courage les crimes commis par la vague djihadiste.
«Nous travaillons à organiser une rencontre avec tous nos frères patriarches d’Orient – a déclaré jeudi dernier Ignatius Aphrem II, Patriarche de l’Église orthodoxe syrienne, qui compte de nombreux fidèles entre la Syrie et l’Irak -. Une rencontre pour discuter entre nous, et prendre des décisions à l’égard de ce qui est arrivé à Mossoul, et de ce qui se passe en Orient. Nous allons créer une délégation de chrétiens d’Orient qui iront présenter à l’ONU nos requêtes ».
Ces derniers jours, le califat fondamentaliste nouvellement proclamé (qui s’étend sur un vaste territoire, sur la Syrie et l’Irak) a mis en garde les chrétiens de Mossoul – la deuxième plus grande ville d’Irak, tombée entre les mains des djihadistes en juin dernier – de choisir entre la conversion à l’islam, le paiement de la redevance pour les infidèles, ou l’exil. De nombreux chrétiens ont fui immédiatement, abandonnant leurs maisons, leurs biens et leurs économies. Des centaines de chrétiens ont été dépouillés de tout ce qu’ils possédaient en quittant la ville. Leurs maisons ont ensuite été réquisitionnées pour les répartir entre des réfugiés musulmans. Les fondamentalistes du califat se révèlent être inspirés par une intolérance aveugle : par exemple, on pourra citer la crucifixion de douze musulmans modérés dans les environs d’Alep, il y a quelques jours ; la profanation systématique des sanctuaires chrétiens ; le récent décret exigeant que toutes les femmes du Califat subissent l’excision (encore largement pratiquée dans différents contextes socio-culturels, principalement en Afrique et au Moyen-Orient). Les chrétiens du Moyen-Orient – dans un contexte similaire – risquent, sans euphémismes, d’être effacés de la carte. « Nous condamnons les actions de l’État islamique (califat) qui ne représentent pas l’Islam avec lequel nous avons vécu, ensemble, pendant plus de treize siècles – a poursuivi le patriarche syriaque orthodoxe d’Antioche, qui a été élu le 1er avril dernier -. Ce type d’Islam n’a aucun respect pour les livres sacrés, et encore moins pour les relations humaines. C’est pourquoi nous lançons un appel à nos amis musulmans ainsi qu’à leurs dirigeants, afin qu’ils prennent clairement position contre ces actions et ce phénomène qui contredit le Coran. Nous sommes consternés par le silence de la majorité des dirigeants musulmans et des dirigeants civils, au sujet de ce qui se passe à Mossoul. (…) Les déclarations de solidarité ne sont pas suffisantes, nous demandons que (les pays occidentaux et tous les Irakiens) s’opposent et cessent de soutenir ceux qui fournissent des armes et de l’argent à l’État islamique, et aux organisations similaires. Leurs actions fanatiques se retourneront tôt ou tard contre tous ceux qui les soutiennent ».
Mercredi dernier, le patriarche maronite, le cardinal Bechara Boutros Rai, a lui aussi lancé un appel, en s’adressant directement aux fondamentalistes : «Le fait d’être des humains est la seule chose que nous partageons avec vous – a-t-il déclaré avec défi -. Allons, commençons à discuter et à trouver une compréhension mutuelle à partir de ce fait ! Vous misez tout sur les armes, le terrorisme, la violence, tandis que nous nous efforçons tous d’employer la langue du dialogue, de la compréhension et du respect mutuel. Qu’ont fait les chrétiens de Mossoul et du reste de l’Irak pour que vous les traitiez de cette façon, avec tant de haine, et par l’oppression ? ».
« C’est une honte de voir aujourd’hui les chrétiens rejetés, expulsés et opprimés dans leur propre pays. Il est évident que ce phénomène aura des conséquences désastreuses dans le concept de coexistence entre la majorité et les minorités, et même parmi les musulmans eux-mêmes, à court et à long terme. L’Irak est au bord d’une catastrophe humanitaire, culturelle et historique » a déclaré Louis Raphael I Sako, patriarche des catholiques de rite chaldéen.
Le patriarche grec orthodoxe de Jérusalem, Theophilos III, s’est dit alarmé par les nouvelles en provenance de Mossoul, et a écrit dans un communiqué : « Ce traitement inhumain est contraire à la coexistence pacifique séculaire entre chrétiens et musulmans d’Irak et de l’ensemble de la région du Moyen-Orient, et va à l’encontre des principes et des valeurs de ces religions monothéistes ». «L’Église Mère de Jérusalem condamne fermement et sans équivoque la déclaration épouvantable de l’État islamique, et en appelle dans l’urgence à la communauté internationale, pour intervenir immédiatement, et protéger la population chrétienne en Irak qui a vécu en paix pendant de nombreux siècles ses frères musulmans ».
Le Patriarcat grec-orthodoxe d’Antioche a publié mercredi dernier un communiqué condamnant les attaques contre les chrétiens de Mossoul, en pointant du doigt les États qui financent les extrémistes : « suspendez immédiatement toute forme de soutien matériel, logistique, militaire et moral aux terroristes – peut-on lire dans la déclaration -. Les chrétiens et les musulmans sont les deux poumons de l’Orient, et nous condamnons tout ce qui affaiblit la réputation de l’islam, qui est une religion de pardon, et avec qui nous avons fait l’expérience de la paix et de la fraternité ».
Les principaux financements des mouvements fondamentalistes sunnites au Moyen-Orient se situent principalement au Koweït, au Qatar et en Arabie Saoudite.