Depuis la découverte du corps sans vie du jeune Mohamed Abou Khdeir, Jérusalem-Est et les territoires occupés s’embrasent. Au point que certains craignent l’avènement prochain d’une troisième intifada. Mais la situation actuelle laisse-t-elle réellement présager un retour aux évènements de 1987 et de 2000 ?
(Jérusalem/MML) – « Nous sommes en train de vivre la fin d’une période qui a débuté en 1993, avec les accords d’Oslo ». L’activiste démocrate et député indépendant palestinien Moustapha Barghouti a clairement fait allusion au possible début d’une troisième intifada, à travers cette déclaration prononcée le 4 juillet dernier aux obsèques de Mohammad Abou Khdeir, à Jérusalem-Est. Le corps de ce jeune palestinien de 16 ans a été retrouvé mardi soir aux abords de la ville arabe de Chouaffat, quelques heures seulement après sa disparition. Les six principaux suspects arrêtés dimanche par la police israélienne sont des juifs extrémistes. Et tout porte à penser que le décès du jeune garçon est un acte de représailles, suite au meurtre de trois adolescents israéliens plus tôt dans le mois.
Depuis la découverte du corps sans vie de Mohamed, le désir de vengeance semblent se propager au sein de la population arabe des territoires occupés. Emeutes et violences dirigés contre les forces de police israéliennes se multiplient. Jets de pierres et cocktails Molotov rendent de moins en moins abstraite la possibilité d’une troisième intifada dans les prochains jours. C’est d’ailleurs ce que scandait l’importante foule présente aux funérailles de Mohammad : « Intifada! Nous en avons assez de souffrir. La mort de notre martyr sera vengée! »
La première intifada était partie en 1987, de l’accident entre un camion israélien et une voiture palestinienne, mortel pour les quatre passagers de cette dernière. La seconde s’était déclenchée en 2000, suite à la visite d’Ariel Sharon à l’esplanade des Mosquées… Deux faits passés qui prouvent que la révolte peut contaminer en un rien de temps toute la population des territoires occupés, suite à un évènement interprété comme une atteinte ou une provocation. A l’heure de l’apogée du numérique, c’est sur les réseaux sociaux que circulent en masse les appels à la vengeance et les incitations à la haine. Une page Facebook intitulée « Photos de la troisième intifada » a notamment fait parler d’elle. Publiant de nombreuses vidéos de juifs extrémistes clamant des slogans racistes tels que le tristement célèbre : « mort aux arabes » ; elle appelait implicitement les Palestiniens à agir de même.
Pourtant, malgré la menace latente derrière ces réalités, les experts restent dubitatifs quant à une prochaine troisième intifada. Essentiellement en raison du manque d’unité nationale et de soutien politique du coté de l’autorité palestinienne. « Les Palestiniens qui affrontent aujourd’hui l’armée dans les quartiers de Jérusalem-Est ou près de Naplouse et Jénine sont des jeunes. Il n’y a pas de mouvements qui les soutiennent ou de décisions politiques, que ce soit du Fatah, du Hamas ou des autres partis, derrière cette mobilisation. Ce sont des gens qui réagissent spontanément. Pour le moment, la confrontation devrait se maintenir à ce rythme sur les points de contact entre la population et l’armée », affirme Abaher al-Sakka, sociologue à l’université Birzeit de Ramallah. Selon lui la troisième intifada aura bien lieu, mais pas tout de suite.
En effet, l’Autorité palestinienne met tout en œuvre pour ne pas voir la situation dégénérer. « Nous ne lancerons pas un troisième intifada qui nous détruirait », a affirmé le Président Mahmoud Abbas, conscient de l’instabilité politique actuelle au sein des territoires palestiniens, que l’accord Fatah-Hamas passé en avril dernier n’a fait qu’accroitre.
Le législateur palestinien Khalida Jarar met également l’accent sur l’ « excellente coopération sécuritaire entre Israël et l’Autorité palestinienne ». Point défaillant lors des deux précédentes intifada, susceptible d’expliquer en partie leur déclenchement. En effet, la vague de haine envers le Hamas faisant suite au décès des trois jeunes israéliens, a fait place à l’appel au calme au sein du gouvernement de l’Etat hébreu. Le Premier Ministre, Benjamin Netanyahou a déclaré dimanche, lors du conseil des Ministres : « L’expérience a prouvé que dans des moments comme aujourd’hui, nous devons agir de manière responsable et garder la tête froide ». Il s’est également montré de moins en moins enclin à des opérations d’envergure contre la Bande de Gaza.
Ainsi, si une troisième intifada demeure envisageable au vu du climat actuel en Israël et dans les territoires palestiniens, il demeure fort peu probable qu’elle ait lieu dans les prochains jours ; et qu’elle ressemble aux deux précédentes.
Pour Moustapha Barghouti, encore, « Les gens ne croient plus à l’utilité de négociations qui n’ont donné aucun résultat, et durant lesquelles les humiliations que subissent les Palestiniens n’ont jamais cessé ». C’est pourquoi il prévoit « l’avènement d’une nouvelle intifada qui, contrairement à celle des années 2000, sera non-violente, collective et spontanée ».