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« L’Etat islamique offense l’Islam et menace le monde ». Paroles d’Ayatollah

Elisa Pinna
31 décembre 2014
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Direction Najaf, au cœur de l'islam chiite en Irak. C’est le numéro de janvier-février 2015 du bimestriel Terrasanta (en italien) qui nous partage ce témoignage. Alors que les terroristes de l'État islamique irriguent la Syrie et l’Irak, voici la voix d'un dirigeant musulman qui les condamne durement et pense aux minorités en fuite.


« Le Vatican devrait intervenir de façon plus décisive dans la protection des chrétiens d’Irak afin de  les aider à rester dans leur patrie ». C’est ainsi que s’exprime l’ayatollah Muhammad Saeed Al Hakim, seconde plus haute autorité chiite en Irak après l’ayatollah Ali al-Husseini al-Sistani. Les deux hommes partagent de nombreux points communs. Tous deux vivent dans la pauvreté à Najaf, se consacrant à la prière, aux enseignements théologiques et à la charité. Tous deux appartiennent au courant «quiétiste», un courant de pensée  réticent à l’exercice du pouvoir politique temporel par les religieux s’opposant ainsi aux thèses de l’ayatollah Khomeini. Tous les deux ont de nombreux disciples en Irak et au-delà. Pour ce courant quiétiste transnational, les clercs, s’ils peuvent continuer à donner des avis dans le domaine politique, doivent cantonner autant que possible leur pouvoir au spirituel et au sociétal, par leurs enseignements et leurs fatwas. L’école quiétiste de Najaf soutient la primauté théologique sur le monde des ayatollahs chiites de Qom, en Iran.

Al Hakim reçoit ses hôtes, qu’ils soient des mendiants de la mosquée voisine de l’Imam Ali ou des chefs d’Etat, assis les jambes croisées sur un tapis dans son «étude», une pièce complètement nue. La salle rassemble des gens de tous horizons, en attente de conseils ou prières pour de l’aide. L’ayatollah, 78 ans, a la figure ascétique, les joues creuses, une barbe blanche et longue. Il est très préoccupé par le «terrorisme inhumain» de la dite milice du « califat Al Baghdadi ». « L’Irak – explique-t-il – a été victime des conspirations régionales et internationales et continue d’être déstabilisé par des criminels qui offensent l’islam et qui sont en plus un danger pour la survie de notre état mais pour toute l’humanité ». « Il est nécessaire – dit-il – d’exhorter les dirigeants politiques, religieux et les médias afin que soit exposé les objectifs et les intentions malveillantes de ces terroristes, qui ne veulent que  déclencher de nouvelles guerres sectaires ». L’ayatollah espère que son pays tout entier et dans un élan d’unité répondra aux menaces de l’Etat islamique, que les différentes composantes nationales face à cette urgence seront en capacité de trouver une coexistence pacifique. « Il faut respecter l’opinion des autres, travailler avec sagesse, dialoguer et éviter la violence », souligne l’ayatollah. « Il est nécessaire, – faisant allusion à la délégation catholique arrivée d’Italie – que les politiciens travaillent pour l’intérêt commun et non pour eux-mêmes ». Ce rappel semble adressé à l’ancien Premier ministre irakien, Nouri Al Maliki, un chiite à la politique sectaire, en partie responsable de l’accroissement des tensions et divisions entre musulmans chiites et sunnites alors que l’État islamique faisait son entrée sur la scène régionale.

Les ayatollahs « quiétistes » de Najaf, restés silencieux pendant des années, font désormais entendre leur voix. L’été dernier ce fut pour solliciter le départ d’Al Maliki et exhorter tous les Irakiens à se joindre à la lutte contre le califat d’Al Baghdadi. L’appel à l’action des religieux de la mosquée de l’Imam Ali a cependant utilisé, par certains leaders politiques comme Muktada al-Sadr, pour réorganiser les milices chiites, tristement célèbres et distinguée dans le passés pour leur férocité dans la guerre civile de ces dernières années.

Al Hakim, longtemps emprisonné sous le régime de Saddam Hussein, a survécu par miracle, en 2003,  à une attaque contre son domicile de Najaf. D’abord attribuée aux extrémistes sunnites puis aux extrémistes chiites, l’homme rêve encore que « l’Irak puisse ouvrir une nouvelle page et mettre derrière lui des décennies de dictature et de violence cruelle ». Al-Sistani a offert abri et refuge, à Najaf et Kerbala, à tous les persécutés et victimes des terroristes de l’Etat islamique ; minorités religieuses mais aussi sunnites modérés. L’homme avoue ne pas comprendre comment la communauté chrétienne, composante historique de l’Irak, se désintègre et disparaît aussi rapidement. A qui lui rappelle que le pape Bergoglio ne cesse d’intervenir pour la protection et des garanties en faveur des chrétiens d’Irak, l’ayatollah, comme beaucoup d’autres chefs religieux de Najaf, a répondu: « Oui, ce est vrai. Cependant, plus doit être fait ». François, lors de son récent voyage en Turquie, a indirectement répondu: « Je veux me rendre en Irak, même si pour le moment je ne le peux en raison des graves problèmes de sécurité que cela poserait aux autorités » avait déclaré le Saint Père pendant sol vol retour d’Istanbul.

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La violence et l’Islam

A Najaf, la parole donnée aux catholiques

Pour la première fois, au milieu du mois d’octobre dernier – et grâce à la forte volonté de l’ambassadeur d’Irak auprès du Saint Siège, Habib Mohammed Hadi Ali Al-Sadr – une délégation catholique a été invitée au Festival international Al Gadir, l’un des rendez-vous d’étude et de réflexion les plus importants de la ville sainte chiite de Najaf. Al Gadir, littéralement « la fontaine d’eau » désigne le lieu où – selon la tradition chiite – Mahomet a choisi le mari de sa fille, Ali, comme successeur. C’est d’ailleurs sur Ali et l’importance de ses enseignements et spiritualité qu’était centré ce temps de rencontre auquel ont assisté les chefs religieux de trente-trois pays, presque tous musulmans.

L’intervention de la délégation catholique, conduite par l’archimandrite de l’Eglise catholique grecque-melkite de Rome, le barnabite père Emiliano Redaelli, du diacre irakien Louay Shabani et du prêtre carme Ernesto Zielonka, a introduit une nouvelle approche: la figure d’Ali a été discutée non seulement parmi les savants musulmans, comme ce fut le cas les années précédentes, mais aussi, cette fois, à travers les yeux du christianisme. En arrière-plan, la situation dramatique de l’Irak.

« Nous savons que tout racisme est trahison de l’Islam », a déclaré l’archimandrite Redaelli se référant à l’un des principaux enseignements spirituels du premier imam chiite et se concentrant sur les points de contact entre le christianisme et la spiritualité islamique.

« Malheureusement, les temps que nous vivons sont éclipsés par la violence, la plus féroce de l’histoire de la Mésopotamie à l’encontre des populations chrétiennes, Yazidis, Shabak, Turkmènes, chiites à Mossoul et toute la plaine de Ninive », a-t-il souligné dans son discours, prononcé de l’strade installée dans la cour de la mosquée d’Ali, face à un parterre de sommités et érudits chiites. «Ce qui est admirable dans cette période tragique – a encore dit l’archimandrite – c’est votre accueil et hospitalité: Dieu vous le rendra. Ils démontrent que le crime n’est en rien lié à la foi et qu’il est offense à Dieu, comme il est écrit dans la sourate: Son âme l’incita à tuer son frère. Il le tua donc et devint ainsi du nombre des perdants (Coran, sourate V, 30). Comme l’a souligné le Saint-Père, la violence engendre la violence … Oui c’est une vraie honte de tuer au nom de Dieu ».

La délégation a rencontré les autorités religieuses de Najaf, y compris le Grand Ayatollah Al Hakim, les responsables des groupes d’accueil des réfugiés, les chrétiens et les Yézidis présents dans la ville, des étudiants de la faculté (mixte) des sciences humaines de Kufa et enfin le principal expert des antiquités irakiennes, Sami al Badri. « Nous avons été entouré par une affection sincère, de la curiosité, un esprit d’ouverture et l’intelligence humaine. Non pas la méfiance, bien au contraire. Les questions ont été nombreuses sur le Vatican, le pape et comment est perçu l’Imam Ali et la spiritualité chiite dans le monde catholique » a partagé le père Redaelli, avant de conclure: « Nous sentons une forte demande de dialogue, fondé sur un respect mutuel ».

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