« Souhaiter la paix, mais quelle paix ? Je n’ai pas de réponse »
Fière de son identité palestinienne, Lena est une Hiérosolymitaine qui s’efforce de faire découvrir sa région aux pèlerins en visite. A travers son travail dans l’agence de tourisme familiale, elle est en contact avec le monde francophone, qu’elle connaît bien.
Fière de son identité palestinienne, Lena est une Hiérosolymitaine qui s’efforce de faire découvrir sa région aux pèlerins en visite. A travers son travail dans l’agence de tourisme familiale, elle est en contact avec le monde francophone, qu’elle connaît bien.
Lena, quels sont tes hobbies ? Comment occupes-tu ton temps libre ?
Il n’y a pas beaucoup de choses à faire ici à Jérusalem sauf si on va du côté israélien. Moi je ne préfère pas car je suis Palestinienne. Je monte à cheval à Jéricho quand j’ai du temps libre, le soir après le travail ou le week-end, et j’aide à l’organisation des concours hippiques qui ont lieu ici. Sinon je retrouve des amis à Ramallah, avec qui il m’arrive d’aller passer des week-ends à Nazareth ou Haïfa. J’aime aussi beaucoup voyager.
Qui sont tes amis ici ? Sont-ils semblables ou différents de toi ?
Il y a les deux. Mes amis d’enfance, avec qui j’ai été au lycée français de Jérusalem, me ressemblent beaucoup. Nous avons eu le même type d’éducation, nous venons de familles qui ont la même mentalité. Nous faisons du sport, nous aimons sortir et nous avons fait des études en Europe avant de revenir vivre ici.
J’ai aussi des amis que j’ai rencontrés plus récemment, qui travaillent comme moi dans le tourisme, ou avec qui nous avons des amis communs. La plupart me ressemblent, mais certains sont différents de moi dans leurs façons de penser. Parfois la religion joue un petit rôle. La majorité de mes amis sont musulmans, et c’est normal. Nous sommes environ 1% de chrétiens dans le pays. C’est surtout l’environnement qui importe. Par exemple des musulmans qui ont été au lycée français avec moi me ressemblent, contrairement à des chrétiens habitants dans un village qui sont peut-être plus traditionnels.
T’intéresses-tu à l’actualité du pays, et suis-tu les informations en général ? Si oui, y a-t-il un sujet qui te préoccupe plus que d’autres en ce moment ?
La politique ne m’intéresse pas, même si je suis un peu obligée de m’y intéresser parce que je travaille dans le tourisme. En réalité nous ne pouvons pas y échapper, nous sommes nés dans la politique ici. Mais ça ne m’intéresse pas, c’est lourd. À part ça je me tiens informée de l’actualité du monde hippique et du tourisme.
Parle-nous des membres de ta famille. Quelles sont tes relations avec eux ?
On est une très petite famille par rapport aux familles palestiniennes plus classiques puisqu’on est 10 en comptant les cousins, oncles, tantes et grands-parents ! Nous sommes trois filles. J’ai une sœur aînée qui a fait ses études à Paris et travaille maintenant au Liban, et ma plus jeune sœur vient de commencer ses études à Lille. Nous sommes tous très proches les uns des autres, autant affectivement que géographiquement, puisqu’ici nous habitons à 10 min les uns des autres !
Nous sommes une famille qui a beaucoup voyagé, qui parle le français, l’allemand… Je travaille dans l’agence de tourisme familiale, qui a été créée par mon arrière arrière grand-père. J’apprécie de travailler avec mes proches, et je trouve ça beau de continuer dans la lignée de cet héritage.
As-tu une religion ? Quelle place prend-elle dans ta vie quotidienne ?
Je suis chrétienne, catholique latine, croyante mais pas très pratiquante. Avec mes amis, on ne se différencie pas par nos religions. Peu nous importe qui est chrétien ou musulman. C’est très simple et anodin dans les relations quotidiennes. Par contre, si on parle du mariage, ça devient très important. Il faut y penser 10 fois avant de s’engager dans une relation avec un musulman car c’est très compliqué, et les mariages mixtes ne sont pas acceptés dans la société.
Et maintenant Lena, quels sont tes projets sur le plan personnel et professionnel ?
Au niveau professionnel, mon but est de développer l’agence de tourisme sur le marché hispanophone : Espagne, Amérique Latine… Donc je vais voyager là-bas dans les années à venir pour apprendre la langue d’abord, et ensuite développer des partenariats avec des agences de voyage.
Et quand j’aurai suffisamment d’années d’expérience j’aimerais faire un Master of Business Administration. D’un côté je pense que les meilleurs sont à l’étranger, mais d’un autre côté je n’ai pas très envie de quitter le pays, ma famille, l’agence… On verra.
Pour finir et en quelques mots, que souhaites-tu à ce pays dans lequel tu habites ?
C’est une question très difficile. Bien sûr on souhaite la paix, mais quelle paix ? De quelle paix on parle ? Chacun aura son avis, et moi je n’ai pas de réponse. Ce n’est pas facile de dire « on va vivre ensemble » et en même temps on ne peut que vivre ensemble. On est déjà en train de vivre ensemble, les trois religions et les deux nationalités. Et c’est très difficile. Mais bien sûr tout le monde veut la paix.
Déjà ce que je souhaite, c’est qu’il n’y ai plus de mur, qu’il n’y ait plus de séparation entre la Cisjordanie et Jérusalem. Je voudrais un peuple palestinien uni. Qu’il n’y ait plus de différences entre ceux qui habitent à Jérusalem et peuvent aller où ils veulent, et ceux qui sont en Cisjordanie et ne peuvent pas se déplacer. Et je voudrais qu’on puisse aller où on veut sans avoir à passer de barrages. Déjà ça, ça changerait la vie !
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Fiche d’identité :
Lena est une Palestinienne chrétienne de 23 ans et habite à Jérusalem. Ancienne élève du Lycée français de Jérusalem, elle est allée étudier 3 ans en France avant de revenir travailler dans l’agence de tourisme familiale. Très ouverte sur le monde, elle aime voyager et est passionnée d’équitation.