Voeux pour la Paix : le Non du Pape à toutes les formes modernes d’esclavage
Salutations de paix à tous les peuples du monde. Du Vatican pour le premier de l’an et lors de la célébration de la Journée de la Paix, le Pape a solennellement prononcé ses vœux, vœux qu’il avait déjà exprimés quelques semaines auparavant dans un texte intitulé « Non plus des esclaves, mais frères ».
(Gs) – Salutations de paix à tous les peuples du monde. Du Vatican pour le premier de l’an et lors de la célébration de la Journée de la Paix, le Pape a solennellement prononcé ses vœux, vœux qu’il avait déjà exprimés quelques semaines auparavant dans un texte intitulé « Non plus des esclaves, mais frères ». Le thème de la réconciliation et de l’attention que les êtres humains doivent se porter avec réciprocité et cher à Bergoglio, a été une fois de plus au centre de son message.
Le Pape a fondé sa réflexion sur de nombreux passages bibliques (pour la version complète du message, cliquez ici), puis s’est concentré sur les nombreux visages de l’esclavage d’hier et d’aujourd’hui. Car même si la servitude a été officiellement abolie et est universellement considérée comme un crime, le Pape a rappelé les « millions de personnes – enfants, hommes et femmes de tout âge – sont privées de liberté et contraintes à vivre dans des conditions assimilables à celles de l’esclavage ».
C’est un regard réaliste et dépourvu d’œillères qu’a porté sur le monde le pape François, car regarder en face la réalité c’est refuser une hypocrisie bienséante. La servitude est présente en ce 21 siècle, pas seulement dans les pays éloignés où nous la considérons barbare et arriérée, mais aussi dans nos sociétés occidentales où elle a pris de nombreux visages.
François a fait allusion « aux nombreux travailleurs et travailleuses, même mineurs, asservis dans les divers secteurs, au niveau formel et informel, du travail domestique au travail agricole, de l’industrie manufacturière au secteur minier, tant dans les pays où la législation du travail n’est pas conforme aux normes et aux standards minimaux internationaux que, même illégalement, dans les pays où la législation protège le travailleur.
Il pense aussi « aux conditions de vie de nombreux migrants qui, dans leur dramatique parcours, souffrent de la faim, sont privés de liberté, dépouillés de leurs biens ou abusés physiquement et sexuellement. Je pense à ceux d’entre eux qui, arrivés à destination après un voyage dans des conditions physiques très dures et dominé par la peur et l’insécurité, sont détenus dans des conditions souvent inhumaines. Je pense à ceux d’entre eux que les diverses circonstances sociales, politiques et économiques poussent à vivre dans la clandestinité, et à ceux qui, pour rester dans la légalité, acceptent de vivre et de travailler dans des conditions indignes, spécialement quand les législations nationales créent ou permettent une dépendance structurelle du travailleur migrant par rapport à l’employeur, en conditionnant, par exemple, la légalité du séjour au contrat de travail…le « travail esclave ».
Il pense aussi aux « personnes contraintes de se prostituer, parmi lesquelles beaucoup sont mineures, et aux esclaves sexuels ; aux femmes forcées de se marier, à celles vendues en vue du mariage ou à celles transmises par succession à un membre de la famille à la mort du mari sans qu’elles aient le droit de donner ou de ne pas donner leur propre consentement ».
Mais aussi aux « mineurs ou adultes, qui font l’objet de trafic et de commerce pour le prélèvement d’organes ; pour être enrôlés comme soldats ; pour faire la mendicité, pour des activités illégales comme la production ou la vente de stupéfiants ; ou pour des formes masquées d’adoption internationale ».
Enfin, il a adressé son soutien « à tous ceux qui sont enlevés et tenus en captivité par des groupes terroristes, asservis à leurs fins comme combattants ou, surtout en ce qui concerne les jeunes filles et les femmes, comme esclaves sexuelles. Beaucoup d’entre eux disparaissent, certains sont vendus plusieurs fois, torturés, mutilés, ou tués ».
Après voir listé toutes les formes modernes de servitude («une conception qui admet la possibilité de traiter un être humain comme un objet », la pauvreté, impossibilité d’avoir accès à l’éducation, le manque d’emploi, la corruption, les conflits armés), le Pape a demandé un engagement commun pour la lutte contre l’esclavage.
Il a fait au passage l’éloge des «congrégations religieuses, surtout féminines, qui réalisent depuis de nombreuses années » un travail énorme en faveur des victimes. Défiant l’indifférence générale, « ces instituts œuvrent dans des contextes difficiles, dominés parfois par la violence, en cherchant à briser les chaînes invisibles qui lient les victimes à leurs trafiquants et exploiteurs ». Véritables avant-gardes, leur action ne suffit évidemment pas. Pour éradiquer ce phénomène, l’engagement de tous est nécessaire et en premier lieu celui des institutions publiques sur la prévention, la protection des victimes et la punition des responsables devant les tribunaux. Autres que les Etats et les organisations intergouvernementales, le pape a également appelé les entreprises et les citoyens, en leur qualité de consommateurs, afin qu’ils opèrent des choix éthiquement corrects.
Pour sa part, le Saint-Siège a multiplié les appels et les interventions contre l’esclavage contemporain. La dernière initiative en date remonte au 2 décembre 2014, lorsque au Vatican, le pape et onze autres chefs religieux (bouddhistes, juifs, hindous, musulmans et chrétiens de l’Eglise orthodoxe et anglicane) ont signé une déclaration contre l’esclavage, s’engageant à œuvrer auprès des peuples et gouvernements en faveur de l’éradication complète des conditions favorisant l’esclavage à l’aune de l’année 2020.
Pour clôturer son message de paix, le Pape a demandé à chacun d’entre nous de globaliser la fraternité non pas l’indifférence: « Demandons-nous comment, en tant que communauté ou comme individus, nous nous sentons interpelés quand, dans le quotidien, nous rencontrons ou avons affaire à des personnes qui pourraient être victimes du trafic d’êtres humains, ou quand nous devons choisir d’acheter des produits qui peuvent, en toute vraisemblance, avoir été fabriqués par l’exploitation d’autres personnes. Certains d’entre nous, par indifférence ou parce qu’assaillis par les préoccupations quotidiennes, ou pour des raisons économiques, ferment les yeux. D’autres, au contraire, choisissent de faire quelque chose de positif, de s’engager dans les associations de la société civile ou d’effectuer de petits gestes quotidiens – ces gestes ont tant de valeur ! – comme adresser une parole, une salutation, un « bonjour », ou un sourire, qui ne nous coûtent rien mais qui peuvent donner l’espérance, ouvrir des voies, changer la vie d’une personne qui vit dans l’invisibilité, et aussi changer notre vie par la confrontation à cette réalité ».