Réunis fin janvier au Liban, les patriarches orientaux ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation des chrétiens persécutés par Daesh. Dans un double appel aux communautés arabe et internationale, les leaders religieux réitèrent leur demande d'actions concrètes afin de venir en aide aux réfugiés et éradiquer le terrorisme.
(Jérusalem/n.k.) – La mobilisation continue pour les chrétiens persécutés. Fin janvier, une importante réunion s’est déroulée au Liban, rassemblant les différents patriarches orientaux (maronite, grec-orthodoxe, melkite, syriaque-catholique, ainsi qu’un responsable protestant et le nonce apostolique au Liban).
L’objectif était de faire le point sur la situation des chrétiens persécutés par Daesh en Irak et en Syrie, et voir dans quelle mesure les Eglises orientales peuvent aider les réfugiés.
Le lieu de la réunion n’était pas anodin, puisque le Liban accueille sur son sol 1 million 167 mille réfugiés syriens (chiffres UNHCR au 2-02-2015) et maintenant plusieurs dizaines de milliers d’irakiens. Pour idée ces réfugiés représentent le tiers de la population libanaise. « Il est désormais clair que l’agression contre les chrétiens dans notre monde d’aujourd’hui prend une tournure grave qui menace la présence chrétienne dans plusieurs pays, plus particulièrement en Égypte, en Syrie et en Irak. Les chrétiens de ces pays sont victimes d’agressions et de crimes odieux qui les poussent à émigrer arbitrairement de leurs pays, dont ils sont des citoyens de souche depuis deux mille ans » ont dénoncé avec force les patriarches.
Premiers témoins du martyre de nombre de leurs fidèles, les prélats ont insisté sur les atrocités commises : « Tous ont été déracinés de leurs maisons par ce qui est appelé « l’État islamique – Daesh » et les ont quittées terrorisés, laissant tout derrière eux. Le sanctuaire de leurs églises et leurs lieux de culte ont été violés, leurs maisons dynamitées, leurs routes pavées de mines. Leur nombre avant l’exode était de 120 000, 60 000 d’entre eux sont aujourd’hui déplacés dans le mohafazat d’Erbil et 50 000 dans le mohafazat de Dohouk » (région autonome du Kurdistan en Irak).
Pour autant, la réunion ne se voulait pas être un simple constat. Différents responsables diplomatiques ont rejoint l’assemblée, ce qui a permis aux évêques de pointer sans ambages le rôle des communauté internationale et arabe dans la situation actuelle, et leur mission dans la recherche de solutions : « Les États, surtout arabes et islamiques, ne peuvent pas rester silencieux face à Daesh. Ils sont appelés à émettre des fatwas religieuses condamnant l’agression contre les chrétiens, leurs biens, et leurs églises dans leurs législations nationales. Ils sont également appelés à dynamiser la communauté internationale pour éradiquer ces mouvements terroristes par tous les moyens autorisés par le droit international. C’est là le double devoir de l’Onu et de la Cour Pénale Internationale. »
Les responsables internationaux sont invités à stopper le terrorisme et la guerre en privilégiant des solutions pacifiques et un dialogue sérieux. Mais les Patriarches n’ignorent pas le rôle des intérêts économiques, et demandent de « faire pression par la force sur les bailleurs de fonds de ces groupes, les trafiquants d’armes et ceux qui les entraînent, pour couper les sources de la violence terroriste.» Pour Mgr. Raï, Patriarche maronite qui recevait la délégation, la recherche de solutions de paix pour l’Irak et la Syrie vaut aussi pour Israël et la Palestine. Redisant son attachement à la solution de « deux peuples-deux Etats », celui-ci a rappelé la toujours difficile condition des réfugiés palestiniens. Le message est clair : c’est tout le Moyen-Orient qu’il s’agit de pacifier : l’Irak bien-sûr, mais également la Palestine.
Les leaders religieux ont voulu rappeler l’effectivité de la coexistence entre chrétiens et musulmans depuis des siècles. Pour eux, les luttes interreligieuses n’ont aucun sens, dans la mesure où chrétiens et musulmans partagent les mêmes citoyennetés et peu ou prou la même histoire. « Les chrétiens sont attachés à la formation d’une identité nationale fondée sur l’égalité et la coopération avec l’ensemble des composantes de la société, sans aucune distinction raciale ou religieuse ». Les prélats ont enfin rappelé la situation des deux évêques orthodoxes retenus en otage depuis deux ans par les islamistes.
Alors que la semaine de prière pour l’unité des chrétiens se conclut, cette réunion importante prouve une fois de plus que l’ « œcuménisme du sang » – mots du Pape François – oblige les différentes Eglises à réfléchir ensemble sur l’avenir du christianisme en Orient.