Pour le Nonce apostolique en Irak il faut cesser de faire la publicité de Daesh
Dans un récent entretien à Radio-Vatican, le nonce apostolique en Irak est revenu sur la situation des chrétiens vivant sur les territoires de Daesh. Certaines clarifications et précisions viennent rétablir la justesse des faits.
(Jérusalem/n.k.) – On en parle beaucoup, sans toujours vérifier la justesse des informations apportées.
Chaque jour, des actes barbares sont rapportés commis par Daesh, le soi-disant « Etat islamique ».
Dans une interview précieuse, le nonce apostolique en Irak, Mgr Giorgio Lingua tient à apporter sa vision de la situation. Loin des titres chocs ou des informations partielles.
Le risque est en effet d’attribuer à l’Etat islamique des atrocités qu’il n’a pas commises, avec pour conséquence une importance trop grande donnée au groupe terroriste.
Certes, le Nonce reconnaît qu’ « il y a suffisamment de matière pour démontrer qu’il s’agit d’actes barbares. Nous savons bien combien certains de ces comportements sont inhumains. ».
Mais il se veut pourtant prudent : « Je ne sais pas à quel point tout peut être vérifiable parce que les informations qui nous arrivent de là-bas sont peu nombreuses et souvent, elles sont elles-mêmes filtrées par ceux qui les exploitent pour la propagande de la terreur. Il faut voir au cas par cas si cela est vrai.»
De nombreuses informations ont circulé, racontant que Daesh avait exigé la surpression de tout symbole chrétien. Ainsi toutes les croix, les statues de saints, voire les cimetières auraient été profanés. Si pour certains villages, les faits sont avérés, le représentant du Vatican en Irak tient à noter que la pratique n’est pas généralisée de façon certaine.
Il témoigne : « Il s’agit d’informations qui ne sont pas confirmées. Je parlais avec le patriarche qui me disait qu’on ne pouvait pas vérifier ces choses-là. Au contraire, il semblerait que cela ne soit pas vrai, au moins pas dans tous les cas. Oui, il y a eu des épisodes mais on ne peut pas généraliser. »
L’enjeu n’est pas de relativiser les persécutions endurées par les chrétiens, que ces pressions soient morales ou physiques. Mais tout en rapportant la réalité des faits, le Nonce souhaite que l’on ne donne pas une trop grande importance au Califat islamique : « Il faut faire attention à ne pas inspirer plus de terreur que celle qu’ils veulent transmettre, également parce qu’il me semble qu’en ce moment, les chrétiens sont très désorientés et découragés, parce que plus le temps passe, plus vivre dans certaines conditions de précarité influe de façon négative sur le comportement, sur l’espérance et le futur, aussi bien que dans le rapport avec leurs frères musulmans. »
La question de la coexistence entre communautés est bien un enjeu pour le présent et l’avenir. Chrétiens et musulmans cohabitent au Moyen-Orient depuis des siècles. Et leur vocation naturelle est de continuer à coexister, comme l’ont rappelé les différents leaders des Eglises orientales. L’exil ne saurait être qu’une solution provisoire.
Pour cela, il semble capital que les relations de confiance existant entre chrétiens et musulmans ne perdent pas totalement le niveau qu’elles ont eu jusqu’à l’émergence de Daesh.
Mgr Lingua n’ignore pas les difficultés, mais reste confiant : « Il me semble qu’on est en train d’ériger une barrière toujours plus profonde entre les chrétiens et les musulmans et donc, on en arrive à suspecter tout le monde, à ne plus avoir confiance, même dans les choses les plus normales….On a peur parce que les chrétiens se sont sentis trahis par les frères avec lesquels ils cohabitaient. Et alors je crois qu’il est important de chercher d’aller au-delà afin que ces murs ne deviennent pas insurmontables. Quoi qu’il en soit, il faudra beaucoup de temps pour assainir ces blessures et ces blocages psychologiques. »
Sur la question des solutions à apporter à la situation actuelle, le prélat distingue deux pistes : « Une des premières choses, c’est de freiner l’afflux de gens qui viennent dans ces territoires avec des intentions belliqueuses. Je crois qu’il faut ensuite arrêter le ravitaillement des armes.Est-il possible que nous ne réussissions pas à contrôler les armes ? Où vont-elles ? Dans quelles mains finissent-elles ? Donc, la communauté internationale doit être très résolue dans son engagement d’arrêter l’afflux d’armes dans ces territoires. »
Témoin de l’horreur du terrorisme islamique, l’homme d’Eglise ne reste pas insensible : « Mon sentiment est celui de dégoût et presque de l’incompréhension. Comment est-il possible que l’humanité arrive à un tel point, à dépasser certaines limites ? »
Mais pas question de perdre l’espoir ou la confiance. Pour lui, le secours vient d’en-haut : « Je ne cesse d’implorer : « Aie pitié, Seigneur, aie pitié pour nous, les pécheurs », tout en demandant qu’il touche les cœurs des meurtriers. »