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Que signifie la fin de la coordination sécuritaire entre Israël et Palestine ?

Mélinée Le Priol
13 mars 2015
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Le jeudi 5 mars dernier, à l’issue d’une réunion de deux jours à Ramallah, le Conseil central de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a mis à exécution une menace souvent brandie en période de tension dans les relations avec Israël: la Palestine va mettre fin à la coordination sécuritaire avec l’Etat hébreu. Et concrètement ?


(Ramallah) – Le jeudi 5 mars dernier, à l’issue d’une réunion de deux jours à Ramallah, le Conseil central de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a mis à exécution une menace souvent brandie en période de tension dans les relations avec Israël: la Palestine va mettre fin à la coordination sécuritaire avec l’Etat hébreu. Et concrètement… ?

Commençons par un bref rappel historique. En 1993, l’OLP et Israël signent les accords d’Oslo. Ils instaurent entre autres, au nom de la lutte contre le terrorisme, la coordination des forces de sécurité israéliennes et palestiniennes. Cette collaboration repose avant tout sur des échanges de renseignements, qui auraient permis de déjouer des attentats contre Israël ainsi que des tentatives de déstabilisation de l’Autorité palestinienne par le Hamas. Chacun semble donc y trouver son compte.

A cela s’ajoutent des échanges de personnel policier et militaire. Ainsi, aux check-points, ce sont parfois des soldats palestiniens qui contrôlent leurs compatriotes, cela explique la grande impopularité de cette mesure au sein de la population. « Les Palestiniens considèrent que leur Autorité les arrête pour le compte de l’occupant israélien », commente l’analyste américano-palestinien Sam Bahour. Inutile de préciser que cet accord n’est pas non plus vu d’un bon œil par les partis au pouvoir dans la bande de Gaza – le Hamas et le Jihad islamique.

Interrompue en 2000, pendant la deuxième Intifada, la coordination sécuritaire a graduellement repris sous la présidence de Mahmoud Abbas.

Pour les dirigeants palestiniens, cette forme de collaboration sur le terrain n’était plus satisfaisante. « Cela fait des années que cette relation est malsaine et déséquilibrée, soutient Xavier Abu Eid, chargé de la communication de l’OLP. Alors que les Palestiniens respectent leur part d’obligations, les Israéliens n’arrêtent pas de les violer, par exemple en entrant en zone A (sous contrôle total palestinien). Usés par les provocations quotidiennes, les Palestiniens se demandent pourquoi ils continueraient d’offrir une force sécuritaire à un occupant qui fait de leur vie un enfer. »

Cette décision du 5 mars n’a pas réellement surpris le monde diplomatique. A l’automne dernier, en effet, Mahmoud Abbas avait déjà prévenu que si ses tentatives devant le Conseil de sécurité de l’ONU échouaient et que si la situation s’aggravait sur le terrain, il suspendrait la coordination sécuritaire.

Or la situation s’est bel et bien aggravée, depuis le début de l’année 2015. En janvier, Israël a arrêté de reverser à l’Autorité palestinienne près d’un demi-milliard de taxes collectées pour son compte. Etranglée financièrement, l’Autorité est incapable de payer les salaires de ses 180 000 fonctionnaires. Et comme si cela ne suffisait pas, elle a récemment été condamnée, avec l’OLP, à payer plus de 650 millions de dollars de dommages à des victimes américaines d’attentats anti-israéliens. Le tout sur fond de lutte intestine entre Fatah et Hamas, qui empêche la tenue d’élections et donc une sortie de crise par les urnes.

La décision prise le 5 mars est seulement politique : il lui reste à être appliquée par le Comité exécutif de l’OLP, qui devra pour cela se réunir à une date encore inconnue. Tant qu’il n’y aura pas de plan d’application de cette décision, la coordination sécuritaire se poursuivra sur le terrain. Autrement dit, les conséquences concrètes ne sont pas près de se faire sentir.

Au-delà de l’harmonisation du travail des forces de sécurité israéliennes et palestiniennes, la coordination sécuritaire rime avant tout avec les accords d’Oslo. Son interruption pourrait donc signifier, à plus large échelle, la fin de la période d’Oslo dans le conflit israélo-palestinien. Certains commentateurs anticipent déjà un sabordage de l’Autorité qui, en remettant ses prérogatives à Israël, forcerait l’Etat hébreu à assurer les services publics, le trafic routier, l’état civil, les hôpitaux, et à renvoyer ses soldats dans les localités palestiniennes.

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