La petite communauté juive éthiopienne d’Israël a fait sentir sa colère au cours de deux manifestations importantes la semaine passée. Souhaitant alerter l’opinion publique et le gouvernement sur le racisme qu’ils subissent, les israéliens d’origine éthiopienne étaient près de 3000 à Tel-Aviv. A la suite de débordements, le Premier ministre s’est voulu rassurant.
(Jérusalem/n.k.) – En ce début de semaine, Tel-Aviv avait des airs de Baltimore. La ville américaine a récemment défrayé la chronique pour ses émeutes raciales.
En cause ? Les violences supposées racistes de policiers blancs à l’encontre de citoyens noirs. Plusieurs nuits de violences physiques et matérielles s’en sont suivies.
A Tel-Aviv la nuit dernière, les choses n’avaient pas grand-chose de différent. Dans le cas de la « ville qui ne dort jamais », c’était la minorité juive-éthiopienne qui était en cause.
Quelques jours plus tôt, une vidéo était massivement diffusée sur les réseaux sociaux, montrant un soldat israélien d’origine éthiopienne, battu sans raison apparente par deux policiers israéliens. La violence est manifeste, et a servi de détonateur pour une communauté qui peine à se faire intégrer dans la société israélienne.
Le cas des juifs-éthiopiens est compliqué. Pendant des siècles, ceux-ci sont restés coupés du reste de la diaspora juive. Des contacts sont pris au début du XXe siècle pour tenter de les faire reconnaître comme juifs.
Ceux que l’on appelle aussi les « Falashas » se voient dans un premier temps refuser la loi du retour qui permet à tout juif d’émigrer en Israël. Le gouvernement israélien avait accepté les Samaritains et les Karaïtes contre l’avis du rabbinat, il choisit de suivre ce dernier pour le cas éthiopien.
Il faut attendre Yitzhak Rabin pour que les Falashas soient reconnus comme juifs par Israël et obtiennent le droit de s’installer en Israël.
L’immigration de masse débute dans les années 80-90, porté notamment par l’opération Salomon qui vit Israël organiser, en mai 1991, une noria de vols aériens pour faire venir d’Ethiopie 14 400 juifs en 33 heures .
Mais le changement culturel est rude. Moyens de transports, utilisation de l’électricité, pays urbanisé ou encore nourriture, le dépaysement est total.
Pour ne rien arranger, les émigrants sont installés dans des logements précaires, qui ont eu tendance à durer. Dans les grandes agglomérations, c’est un phénomène de ghettoïsation qui a pu s’observer, les difficultés culturelles s’ajoutant au mépris de nombreux israéliens pour ces juifs « pas comme les autres. »
La vidéo diffusée massivement sur Internet a donc été le détonateur de la fronde des Ethiopiens d’Israël.
Une première manifestation a dégénéré à Jérusalem. Partis en direction de la maison du Premier ministre Benyamin Netanyahu, les manifestants se sont fait arrêter par le gaz lacrymogène et les charges de la police.
La réplique, plus importante, a eu lieu à Tel-Aviv quelques jours après. Débuté dans une zone d’affaires, le rassemblement s’est progressivement déplacé sur une autoroute, avant de rejoindre la place Rabin, dans le centre de la ville.
La tension est rapidement montée, jusqu’à des affrontements violents avec la police.
Plusieurs signes sont apparus au cours de ces jours de rassemblement. Celui des bras croisés, comme s’ils étaient menottés, signe de la différence de traitement dont se plaignent les Ethiopiens d’Israël. D’autre part ce slogan, repris massivement par les manifestants, clamant que « la place d’un policier violent est en prison ».
Pour Gadi Yevarkan, chef de la Campagne pour l’égalité pour les Juifs éthiopiens, « les rues d’Israël doivent brûler comme à Baltimore, pour que quelqu’un se réveille enfin. Le régime d’apartheid est de retour, cette fois au XXIe siècle en Israël ».
Un autre manifestant confie : « Depuis des années nous sommes confrontés au racisme, et la cocotte-minute a explosé ».
Le bilan de la soirée est lourd. Près d’une soixantaine de policiers ont été blessés ainsi qu’une douzaine de manifestants. On dénombre également 46 interpellations.
La classe politique s’est assez largement rangée aux côtés des manifestants. Benyamin Netanyahu a affirmé : « Les responsables de ces actes seront châtiés. Les immigrés éthiopiens et leurs familles nous sont précieux, l’Etat d’Israël fait des efforts pour faciliter leur intégration au sein de notre société et le prochain gouvernement continuera à faire de même.»
Dans la foulée, le Premier ministre recevait le jeune soldat tabassé ainsi que des représentants de la communauté juive éthiopienne.
Mais si tous les leaders politiques rejettent aujourd’hui ce qu’il convient d’appeler un racisme anti-noir au sein de la population juive, les Ethiopiens, lassés de 30 ans de promesses, ne veulent plus être payés de mots. A voir.
Actuellement, on compte près de 135 000 Juifs originaires d’Ethiopie en Israël.