Avec deux actes de violence inouïe à la fin juillet, Israël a pu mesurer la réalité du terrorisme juif – jusque-là sous-estimé - mais également y faire face. Retournement dans le discours du gouvernement et examen de conscience collectif, il est temps d'isoler les mauvais enseignants et de faire face aux jeunes extrémistes de plus en plus violents et sans scrupule.
Les médias israéliens rapportent qu’à la fin du mois de juillet l’atmosphère du pays a changé. Deux événements sanglants – dont les échos ont retenti à l’étranger – ont forcé le public à affronter la réalité. Pour rappel, le jeudi 30 juillet, Yishai Shlissel, Juif ultra-orthodoxe d’une quarantaine d’année et récemment libéré de prison après dix ans d’emprisonnement pour agression contre certains compatriotes qui participaient à une manifestation de fierté homosexuelle, a décidé de renouveler son geste. Se faufilant entre les participants de la « Gay pride » qui chemine au travers des rues de Jérusalem, il a poignardé au hasard ceux qui étaient à sa portée. Six personnes ont été blessées, l’une est mort quelques jours plus tard à l’hôpital : elle s’appelait Shira Banki et avait seize ans. La police – qui supervisait l’événement dûment autorisé et qui, pourtant, connaissait Shlissel – n’a pas pu empêcher le criminel de faire des ravages parmi la foule.
La nuit tombe et c’est dans le village de Douma (dans les territoires palestiniens de Cisjordanie au sud de la ville de Naplouse) que quelques cocktails Molotov sont jetés par des anonymes sur deux maisons. Les flammes surprennent en plein sommeil les occupants et enveloppent immédiatement les corps de tous les membres de la famille Dawabsheh : le plus jeune fils – Ali 18 mois – meurt sur place. Les parents et le frère ainé, Ahmed 4 ans, sont hospitalisés dans plusieurs hôpitaux israéliens pour brûlures graves et luttent encore entre la vie et la mort. Les auteurs probables – bien que toujours sans visage – sont des extrémistes juifs. Cette fois encore, ils ont voulu laisser leur signature sur les murs environnants, dessinant au spray noir des phrases d’insultes dans leur langue.
Pour Israël, le réveil et la découverte des faits le lendemain matin furent amers et beaucoup ont naturellement relié les deux crimes. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a immédiatement condamné l’action terroriste de Douma et appelé au téléphone le président palestinien Mahmoud Abbas pour exprimer son indignation et sa solidarité. Des mots qui ne touchent guère les Palestiniens qui, chaque jour, se retrouvent confrontés au harcèlement des colons qui se sont installés sur leurs terres et des soldats israéliens envoyés pour les protéger. Les dirigeants de l’Autorité palestinienne à Ramallah et le mouvement laïc du Fatah ont décidé de lutter contre les faits par deux façons : d’une part, avec leur appareil de sécurité et une coopération avec Israël visant le maintien du calme en Cisjordanie ; d’autre part par l’annonce de l’envoi d’un dossier à la CPI pour lui demander une intervention et des sanctions. A Gaza, le Hamas va plus loin et demande instamment au peuple palestinien de se lever et de frapper les colons et l’armée israélienne, considérés comme des cibles légitimes de représailles.
Pour sa part, le gouvernement israélien a également annoncé une tolérance zéro contre les terroristes de son propre pays. Les détentions administratives comme mesure préventive ont été autorisées, même en l’absence d’une charge précise, et s’ajoutent à d’autres mesures déjà existantes visant à empêcher l’action de terroristes palestiniens.
Il semble clair que les décideurs israéliens – et peut-être même les appareils de sécurité – aient jusqu’ici sous-estimé la menace et le danger social des mouvements des colons extrémistes tel « Jeunesse des collines », lesquels – composés souvent de mineurs – opèrent des actes de vandalisme et incendies criminels à l’encontre des églises et des mosquées, ainsi que des synagogues, des écoles et toute autre site identifié comme cible de leur campagne de haine. Selon les analyses produites par les médias israéliens, ces pratiques de terreur seraient en croissance : cela commencé avec des entailles et des graffitis, pour passer à des dommages sur des biens et la propriété privée, jusqu’à l’incendie. Désormais ils n’ont plus aucun scrupule à mettre le feu à des établissements connus, comme cela est arrivé à la Douma, mais aussi le 18 juin au Sanctuaire de la Multiplication des pains et des poissons à Tabgha …
Une barbarie qui ne touche certainement pas toute la Terre Sainte, mais qui n’est malheureusement pas sans précédent. Dans d’autres cas, cependant, elle a été traitée de manière très différente. Dans le journal The Times of Israel en date du 3 août, Juda Ari Gross rappelle une situation récente – le 11 mars 2011, lorsque deux hommes avaient pénétré de nuit dans la colonie juive d’Itamar – pas loin de Douma – et fait irruption dans la maison de la famille Fogel, où ils massacrèrent les deux jeunes parents et trois de leurs cinq enfants. Le lendemain, l’armée israélienne avait entouré la ville de Naplouse et ratissé le village arabe d’Awarta, arrêtant des centaines de personnes. Les raids de nuit par les forces de sécurité avaient perduré pendant un mois et tous les citoyens de sexe masculin soumis à un interrogatoire. A la fin, deux cousins palestiniens, à peine plus grands que des adolescents, avouèrent être les auteurs du massacre. Rien de ce n’est arrivé le 31 juillet dernier.
Ce fut un jour où tout le monde, en Israël, a donné sa version. Le président Reuven Rivlin est intervenu à deux reprises en quelques heures avant de s’adresser aux citoyens arabes, puis aux participants à une manifestation qui eut lieu dans la soirée à Jérusalem. Ses paroles ont été aussi sincères qu’âprement contestées par certains de ses compatriotes, non disposés à associer ces crimes à une quelconque responsabilité collective.
Rivlin a parlé d’un sentiment de douleur et de honte face à l’acte terroriste de Douma et a poursuivi: « Comme nous demandons à nos voisins (…), à ceux qui sont nos ennemis depuis plus d’un siècle, de mettre fin au terrorisme, nous devons également nous le demander« .
Lors de la soirée de rassemblement, le président, dans son intervention, a également mentionné l’attaque de la Gay pride et d’autres crimes odieux en vogue ces derniers temps, avant de citer un verset du prophète Isaïe (1,15) qui donne voix à l’Éternel : « Quand vous étendez vos mains, je détourne de vous mes yeux ; Quand vous multipliez les prières, je n’écoute pas: Vos mains sont pleines de sang ». « Chaque société – a déclaré Rivlin – contient ses franges extrémistes, mais nous devons maintenant nous demander : qu’y a-t-il dans notre discours public qui permet à l’extrémisme et aux extrémistes de marcher la tête haute et en pleine lumière du jour? Qu’est ce qui permet à ces mauvaises herbes de menacer la sécurité de l’ensemble de notre jardin fleuri ? Ces flammes ne peuvent pas être éteintes par la répression. Pour éteindre l’incendie nous devons être beaucoup plus déterminés et résolus. Nous devons être radicaux et clairs, du système éducatif à ceux qui ont en charge l’application de la loi, jusqu’aux représentants du peuple et du pays. Nous devons éteindre ces flammes et combattre ces incitations (à la haine), avant qu’elles ne nous détruisent tous « .
La pertinence des appels répétés des chefs religieux chrétiens au cours de ces dernières années, apparait désormais au grand jour. Se tournant vers les autorités civiles et les éducateurs Israéliens, ils réclament que ces actes soient pris au sérieux, non pas seulement au travers de la répression d’actes de vandalisme contre des lieux saints – mais en amont afin de tels actes extrêmes soient évités et qu’une nouvelle pédagogie de respect et de dialogue visant tout particulièrement les jeunes et les environnements où l’extrémisme prend racine. Prendre cette route, isoler les mauvais enseignants et réduire la violence dans les esprits, avant même que des actes soient perpétrés, c’est avant tout dans l’intérêt d’Israël. Tout comme il est urgent et dans l’intérêt des peuples de la Terre Sainte, de voter pour des exprimer dirigeants politiques embrassant la paix et la justice dans cette partie du monde.