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La Chapelle des Francs, ce joyau méconnu du Saint-Sépulcre

Eugenio Alliata, ofm
19 septembre 2015
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Bien des visiteurs et pèlerins du Saint-Sépulcre ignorent jusqu’à son nom, tous pourtant l’ont vue. La Chapelle des Francs se trouve contre
la façade de la basilique, au sommet des escaliers où de nombreux groupes de pèlerins se rappelleront avoir fait la traditionnelle photo-souvenir. Zoom sur l’histoire de ce petit joyau récemment restauré.


Sur le côté droit de la façade de la basilique du Saint-Sépulcre, un raide escalier conduit jusqu’à une loggia fermée sur deux côtés par des fenêtres bardées de fer. À l’intérieur, un autel avec un tableau de la Vierge Marie, encadré par un retable en bois doré.

Le vocable ancien de “Chapelle du spasme” ou de “B.V. M. des douleurs” ou “Des sept douleurs de la T. S. Vierge Marie” a été doublé, plus récemment, du nom de “Chapelle des Francs”. C’est sous cette dernière appellation que la chapelle devait être connue des autres communautés résidant au Saint-Sépulcre, de même que par les Turcs puisque, nous, franciscains, étions pour eux les “Religieux francs”. La chapelle était donc la “nôtre”. Les autres appellations étaient plus communément utilisées par les franciscains, les guides ainsi que les pèlerins.

Du point de vue de la tradition chrétienne, un mémorial de la Vierge Marie était déjà présent sur ce côté du complexe ecclésiastique constantinien dès le VIIe siècle, comme en témoigne l’évêque Arculfe (vers 670), avec un dessin accompagné de la description suivante : “La partie droite de l’église quadrangulaire de sainte Marie, Mère du Seigneur, jouxte l’église ronde, mentionnée à plusieurs reprises ci-dessus, qu’on appelle Anastasis, c’est-à-dire Résurrection”. Mais la construction actuelle ne remonte pas au-delà de l’époque des Croisades, comme le montre son style, identique à celui de la façade.

Mémorial à la vierge

A la fin du Royaume franc de Jérusalem, une fois la ville perdue et passée aux mains de Saladin, les Lieux Saints de la ville connurent une diminution significative du nombre de visiteurs et furent contraints de fermer leurs portes ou de disparaître. De même, la porte principale de la basilique et l’accès au Calvaire par la loggia furent fermés. La chapelle de ce fait finit progressivement par occuper la fonction de chapelle dédiée à la Vierge Marie.

Dans le petit espace situé sous notre chapelle, se trouve aussi l’oratoire dédié à “Sainte-Marie du Golgotha”. Il s’agit d’un vestige de la mémoire mariale, attribué aux Éthiopiens, d’après le témoignage du frère mineur Niccolò da Poggibonsi (1347). Un siècle plus tard, le frère dominicain Felix Faber (1480-1483) nous apprendra que ce petit espace a été transformé en un passage menant vers une chapelle plus grande, située à l’intérieur de la basilique, mais séparée de celle-ci.

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Ce lieu correspond aujourd’hui à l’endroit où se trouve le “divan” des Grecs. Par la suite, Faber affirma clairement qu’il s’agissait de “l’endroit où la bienheureuse Vierge Marie et saint Jean l’Évangéliste se trouvaient sous la Croix, au pied du rocher du Calvaire, lorsqu’en les voyant, Jésus confia Jean à la mère et la mère au disciple. À cet endroit saint, nous nous jetâmes à terre et, agenouillés, nous reçûmes les indulgences”.

Le volumineux traité Historica Theologica et Moralis Terrae Sanctae elucidatio de François Quaresme, ofm, (publié pour la première fois à Anvers en 1632) connaît bien ce mémorial. Cependant, il se démarque en raison du vaste débat qu’il créé en faveur de la tradition iconographique, accueillie universellement dans les Églises orientales et dans l’Église occidentale, de représenter Marie à la droite du Christ, au pied de la Croix, dans notre cas, au nord et non pas au sud où est située la chapelle.

Il termine son discours par une alternative : “Et s’il s’agissait du sanctuaire… de cette Marie, autrefois grande pécheresse, à savoir l’Égyptienne ?”. Une hypothèse qui suscita par la suite de nombreuses discussions.

La Custodie de Terre Sainte obtint le “rachat” de ce Lieu Saint à une époque qui le permettait encore, c’est-à-dire avant le Statu quo. Les Chroniques résument l’essentiel du firman émis à cette occasion par la Sublime Porte (le gouvernement ottoman) : “Vous ferez en sorte que cette chapelle soit en possession des Religieux francs qui auront tout pouvoir de gestion sur celle-ci, comme ce fut le cas autrefois. Et lorsqu’ils souhaiteront célébrer leur rite, vous ferez le nécessaire pour qu’aucun Grec ou Arménien ou autre population ne les en empêche, de quelque manière que ce soit”.

Substitut

Dans son ouvrage le “Pieux pèlerin”, publié en 1666, à Bruxelles, Bernardino Surio décrit avec beaucoup de précision les nouveaux droits acquis : “L’autel de cette chapelle est orienté vers l’est, orné d’une belle toile qui représente la Mère des douleurs. Nos religieux du Couvent de Saint-Sauveur s’y rendent tous les jours pour célébrer la messe. Ils sont les seuls à posséder les clés et laissent une lampe allumée.”

Pour lui, la chapelle est tout simplement “la troisième zone du Calvaire, l’endroit où est restée la sainte Mère accompagnée de saint Jean, Madeleine ainsi que d’autres personnes pieuses, lorsque son fils était pendu à la Croix”. La première zone du Calvaire correspond à l’endroit où fut élevée la Croix et la deuxième à l’endroit où fut cloué Jésus.

Dans son ouvrage Terra Santa nuovamente illustrata, le père Mariano Morone da Maleo nous raconte avoir pu observer des traces de mosaïque à l’intérieur de la coupole et nous parle de trois petites colonnes de marbre présentes sur chaque côté, qui ornent l’ancienne porte, désormais transformée en fenêtre, mais qui représente une “grande consolation pour nos religieux qui possèdent la chapelle car, étant à l’intérieur, ils peuvent apercevoir de près, depuis cette fenêtre, le lieu de la crucifixion, et obtiennent le pardon sans y entrer, de la même manière qu’ils entrent dans la chapelle et obtiennent les indulgences pour sept ans”.

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Il s’agit donc ici d’une belle aubaine pour une indulgence plénière et partielle pour le visiteur dévot, qui pouvait économiser en même temps les quatre pièces d’argent (s’il s’agissait d’un frère) ou les huit pièces (s’il s’agissait d’un séculier) que les portiers exigeaient pour ouvrir la porte de la basilique. L’auteur continue en parlant des ornements qu’il avait commandés et plus particulièrement d’un vitrail pour l’arc sud, resté ouvert jusqu’à cette époque : “La porte de ce sanctuaire est haute de 8 palmes et 1 once présentant au-dessus une fenêtre semi-sphérique. L’orientation vers le sud était complètement ouverte, à l’exception d’un muret haut de 2 palmes et 6 onces, mais durant ma charge (de custode ndlr), il fut fermé par un magnifique vitrail couleur cuivre et par des rideaux, dignes de ce lieu présentant un caractère sacré indéniable : la Vierge est restée à cet endroit pendant trois heures lorsque le Christ souffrait sur la Croix, après qu’elle fut chassée par des bourreaux du premier lieu face à lui (…)… en mémoire de cela, il est d’usage de regarder au-dessus de l’autel la magnifique icône représentant avec dévotion la Peinture de la Vierge avec une épée qui la transperce.

Un trésor pas si accessible

« Ce chef-d’œuvre avait été placé ici par le Père Andrea d’Arco, mon premier gardien, qui récupéra le droit du lieu pour notre religion, enviée par les autres nations ; chaque matin, est envoyé au moins un prêtre pour y célébrer la messe. Quant à Marie l’Égyptienne, le lieu rappelant sa mémoire est situé à côté de la porte majeure” et les Orientaux continuaient à commémorer sainte Marie du Golgotha, au rez-de-chaussée de notre chapelle.

Les dernières sources d’informations utiles que nous ayons reçues nous viennent des cahiers richement illustrés que le Père Elzear Horn nous a laissés. Ils ont été conservés au sein de la Bibliothèque Apostolique du Vatican. Comme tout Allemand qui se respecte, ses informations sont précises et détaillées : “Le lieu fut récupéré par le Père Giacinto de Vérone, de la Province Réformée de Saint-Antoine, président de toute la Terre Sainte en 1635. Au cours de l’an 1726, le père Giacomo da Lucca, gardien du Mont Sion et du Saint-Sépulcre, y fit ériger un magnifique autel réalisé par le frère Giuseppe da San Francisco, sculpteur laïc, originaire de la Province Scalza di Arábida, du royaume du Portugal”.

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En ce qui concerne la chapelle inférieure de Sainte-Marie du Golgotha, il déclare : “Autrefois, c’était les Abyssins d’Éthiopie qui s’en occupaient, mais désormais les Grecs la revendiquent pour eux-mêmes.”

Si la toile ainsi que les vitraux ne sont plus ceux d’autrefois, ils ont été changés au XXe siècle comme en attestent les photos, l’autel baroque en bois est toujours présent. Les restes de mosaïques dorées, les chapiteaux croisés, de véritables chefs-d’œuvre de sculpture, et le magnifique sol, constitué de marbres découpés en forme d’étoiles et de carrés qui s’entrecroisent à l’infini continue de lui donner un cachet unique. Mais il faut être très chanceux pour trouver la porte ouverte de bon matin et surprendre un franciscain à y célébrer la messe.

Dernière mise à jour: 19/11/2023 21:53

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