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Ces Israéliens qui veulent croire à la paix

Mélinée Le Priol
27 octobre 2015
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Ils imaginent ou espèrent des solutions différentes, parfois contradictoires, mais samedi soir à Tel Aviv, ils étaient unanimes à dire que la situation qui prévaut entre Israël et Palestine ne peut pas durer. Il faut que ça bouge. Paroles d’Israéliens.


(Jérusalem) – Environ 3000 manifestants ont défilé pour la paix samedi soir, dans les rues de Tel Aviv. Etudiants, retraités, familles, travaillistes, communistes, écologistes (que de vélos !) avaient fait le déplacement. Sur les pancartes et dans les porte-voix, ces Israéliens de gauche dénonçaient la politique de Benyamin Netanyahou. « Arrêtons la folie », « Bibi, dégage », scandait notamment le cortège. Appelant à une reprise des négociations avec les Palestiniens, ces citoyens reprochent à leur Premier ministre de ne pas chercher de solution au conflit qui déchire leur terre depuis 70 ans, et de l’alimenter en recourant à la force.

Mère de famille de 44 ans, Liat ne se reconnait plus quand elle entend parler des « Israéliens » dans les bulletins d’information qu’elle écoute le matin à la radio. « En ce moment, je pars tous les jours au travail avec une boule dans la gorge, raconte-t-elle. Ce qui me dérange le plus, c’est la violence de nos soldats : ils ne tirent pas pour neutraliser les assaillants palestiniens, mais pour les tuer ! Si je suis venue manifester, c’est pour dire que tous les Israéliens ne soutiennent pas ces méthodes. Et même si nous ne sommes pas une majorité, je veux croire que nous pouvons changer les choses. » Amnon, quadragénaire au sourire généreux, fait preuve du même optimisme. « Netanyahou ne cherche plus de solution, il ne nous donne aucun espoir. Certes, les précédentes solutions politiques n’ont jamais abouti à la paix… Mais cela ne veut pas dire qu’il faut arrêter d’y croire ! »

La plupart des manifestants présents ici défendent la solution dite « à deux Etats », prônée par l’Occident et entraperçue il y a 22 ans lors des accords d’Oslo. Alors ils crient « Israël, Palestine, deux Etats pour deux peuples » et brandissent des cercles cartonnés où les drapeaux israélien et palestinien se partagent l’espace. Parmi eux, le fervent Yaron. « L’occupation est un interminable crime de guerre, insiste cet homme de 49 ans. Il faut absolument y mettre fin, et pas seulement pour le bien des Palestiniens, aussi pour le nôtre ! » « Si les colons israéliens ne se retirent pas de Cisjordanie, renchérit Nir Nader, un quadragénaire à la silhouette élancée, il y aura encore plus de violence qu’aujourd’hui. »

Pour Shay et Gal, deux amis trentenaires membres de l’Union sioniste, les affrontements de ces jours-ci à Jérusalem sont la preuve qu’Israéliens et Palestiniens sont incapables de vivre ensemble. « Il nous faut deux Etats ! Et pour cela, il faut négocier et arrêter d’utiliser la force. En agissant ainsi, Netanyahou se préoccupe plus de sa survie politique que de notre avenir. »

Mais même au sein de la gauche israélienne, les opinions diffèrent et tout le monde n’est pas favorable à la solution à deux Etats. Emmanuel Shahaf est membre du parti travailliste et s’est déjà porté candidat aux législatives israéliennes, sans succès. La solution qu’il prône, et qu’il espère soumettre au plus vite aux parlementaires, c’est un grand Israël de trente cantons, dont dix arabes. « Les Palestiniens de Cisjordanie deviendraient des citoyens israéliens et seraient les égaux des juifs », explique-t-il, convaincu de la faisabilité de ce projet. La bande de Gaza, elle, formerait un Etat palestinien indépendant. « Car soyons réaliste, précise Emmanuel, la Knesset n’accepterait jamais que Gaza fasse partie d’Israël. »

Idéalistes, militants, rêveurs ? Pas seulement. Le cortège comptait aussi son lot de désabusés, qui avaient fait le déplacement sans croire pour autant à un avenir meilleur. « Cette manifestation ne changera rien, mais pour nous qui vivons à Tel Aviv, c’était important d’être là », expliquent Liad et Magal, deux amis de 25 ans. « Moi je veux trois Etats indépendants, plaide Magal, un brin cynique : Israël, Palestine, et Tel Aviv ! Qu’ils s’entretuent ailleurs s’ils le veulent, mais qu’ils nous fichent la paix ici. »

Quant à Léa, élégante sexagénaire, elle affiche un sourire qui cache son absence d’espoir. « J’ai arrêté de croire qu’il existe une solution à ce conflit », assure-t-elle. Quand ? « Depuis que Netanyahou est revenu au pouvoir, encore et encore. Ce gouvernement n’est pas démocratique, et il est raciste. » Il a pourtant été élu par le peuple, se permet-on de glisser. « C’est bien pour cela que je désespère parfois de la société israélienne, reprend Léa. Ce qu’il nous faudrait, c’est une révolution. Mais vous voyez une révolution, vous ? La vie est belle, pour les Israéliens ! » Dans un sourire, elle glisse un dernier mot : « J’espère un petit peu, mais je ne vois pas de solution. »

Le lieu du rassemblement n’a pas été choisi au hasard : c’est à proximité de cette place Yitzhak Rabin que l’ancien Premier ministre israélien a été assassiné le 4 novembre 1995, par un extrémiste juif. « Exactement vingt ans plus tard, on ne se sent toujours pas en sécurité quand on est de gauche en Israël », assurent Tal et Rony, mères de quatre jeunes enfants. Ce couple homosexuel habite à Abu Tor, un quartier mixte juif-arabe de Jérusalem, et depuis début octobre, leurs enfants ont raté de nombreuses journées d’école. « Nous n’avons pas seulement peur de l’autre camp, mais aussi des extrémistes de notre propre camp. »

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